samedi 19 octobre 2013

Théâtre: Trois questions à... Isabelle Hubert

Trois questions à... est une série qui permet de découvrir, en trois questions, des artistes et des artisans du théâtre et de la danse qui aiment leur métier et le pratique au quotidien.

Par Robert Boisclair

Isabelle Hubert a étudié en théâtre et en création littéraire à l'Université Laval et, ensuite, en écriture dramatique à l'École nationale de théâtre à Montréal, où elle a obtenu son diplôme en 1996.  Ses pièces lui ont déjà valu de nombreux prix, au Québec, en France et en Belgique.  Elle est l'auteur de la pièce Frontières qui sera présentée à la Bordée du 5 au 30 novembre.  À l'occasion de la présentation de ce spectacle, Les Enfants du paradis lui posent trois questions.

1) Les Enfants du paradisFrontières, une pièce sur l'espoir et les sacrifices ou sur la résignation et les remords ?

Isabelle Hubert: C’est un peu tout ça.  La pièce raconte l’histoire de Paco, un jeune Hondurien de 16 ans qui tente de traverser le Mexique pour arriver jusqu’aux États-Unis où il espère vivre une vie meilleure.  Il voyage avec sa mère et, ensemble, ils ont fait un pacte : si l’un des deux ne peut plus continuer, l’autre doit poursuivre sa route.  Quand la mère est blessée, Paco doit donc choisir : soit il se sacrifie, il renonce à sa promesse, à son avenir et reste avec sa mère, soit il poursuit sa route, il pense à lui, mais devra vivre avec ses remords.  La pièce propose les deux options. Le spectateur pourra décider de préférer l’une ou l’autre et en même temps se demander : « et moi, si je devais choisir, de quel côté je pencherais ? Le sacrifice ou le remords ? »

La pièce explore aussi en filigrane le concept de la foi, le fait de croire résolument, sincèrement et parfois obstinément à quelque chose, que ce soit à Dieu, à l’espoir, à un chef, au chaos... ou même à rien.  Le remords et les sacrifices sont des moteurs très forts dans les religions...  Ce sont eux parfois qui arrivent à déplacer les montagnes. 

2) Les Enfants du paradis: Avec La robe de Gulnara, une de vos précédentes productions, et Frontières vous vous intéressez à des univers qui sont loin de vous (l'Amérique centrale avec Frontières et l'Azerbaïdjan pour La robe de Gulnara).  Qu'est-ce qui vous fascine dans ces deux univers ? 

Isabelle Hubert: L’idée de La robe de Gulnara n’était pas de moi.  C’était une commande. Avant cette pièce j’avais toujours écrit sur le ici et maintenant parce je craignais plus que tout de parler à travers mon chapeau.  J’ai écrit La robe de Gulnara comme un exercice de style et ça a changé ma vie. J’ai réalisé que l’amour, le deuil, la trahison, la grandeur et la misère, la jalousie, les grands sentiments et les mécanismes des relations humaines étaient les mêmes partout.  Du coup, des milliers de portes se sont ouvertes à moi.  Si le choix du lieu est capital et doit offrir une charge dramatique grave et forte, l’important pour moi reste l’histoire que je souhaite quotidienne et anecdotique afin de m’attarder à la nature humaine, à ses réactions en situation de crise, aux rapports entre les gens.

Je tiens à faire évoluer mes personnages dans une action claire et concrète, sans rapport immédiat avec un contexte particulier, mais qui, en se greffant au cadre politique et social difficile, jette un éclairage différent sur ce qui est déjà connu.  Comment souligner un anniversaire dans le camp de la mort ? Comment cacher un chat dans une école surpeuplée de la Nouvelle-Orléans après le passage de Catrina ?  Voilà des pistes qui m’allument beaucoup.

3) Les Enfants du paradis: Jean-Sébastien Ouellette, le metteur en scène, est aussi votre conjoint dans la vie.  Pendant longtemps vous avez eu des carrières séparées, mais depuis quelques années il est le metteur en scène de vos spectacles.  Pourquoi cette collaboration théâtrale maintenant ?

Isabelle Hubert: Nous n’avons pas travaillé ensemble au début par pudeur.  Pour ne pas imposer aux collègues un « petit couple » et générer des craintes autour du minouchage ou des disputes potentielles (bien que nous ne nous minouchons pas au travail, pas plus que nous nous disputons).  Nous voulions aussi sans doute (un peu inconsciemment) nous prouver à nous-mêmes que nous existions individuellement.

Puis un peu par hasard, Jean-Sébastien a suggéré de faire la mise en lecture d’un de mes textes... Je l’ai observé travailler, diriger les comédiens, expliquer les intentions de mon texte à l’équipe... et j’ai été complètement séduite (professionnellement parlant).  Après, c’était une évidence que ce serait lui qui créerait tous mes futurs textes.  Il y a, entre lui et moi, une communion d’idée, mais aussi une franchise que nous ne pourrions jamais atteindre avec personne d’autre.

Bon théâtre et bonne danse !

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