mercredi 20 novembre 2013

Théâtre: Trois questions à... Jacques Lessard

Trois questions à... est une série qui permet de découvrir, en trois questions, des spectacles d'artistes et d'artisans du théâtre et de la danse qui aiment leur métier et le pratique au quotidien.

Par Robert Boisclair

Jacques Lessard a fondé le Théâtre Repère.  Il a enseigné au Conservatoire d'art dramatique de Québec et mis en scène de nombreuses pièces.  Il est un fan fini d'Eugène Ionesco qu'il a découvert alors qu'il n'avait que 14 ans.  Il termine sa longue et fructueuse carrière en mettant en scène La Boîte, inspiré de l'univers d'Ionesco et présenté à Premier acte du 19 au 30 novembre.

1) Les Enfants du paradisLa Boîte est inspirée de l’univers de Ionesco. Qu’est-ce qui vous fascine tant, ainsi que les finissants du Conservatoire qui participent au spectacle, chez Ionesco ?

Jacques Lessard: Sa façon unique de percevoir le monde qui l’entoure, de cibler ce qui dans le quotidien de chacun est répétitif et finit par perdre son sens. Ionesco est un fin observateur capable de relever dans nos faits et gestes ce qui est vide et vain, ce que nous faisons sans trop y penser, sans réfléchir. Mais au lieu de nous faire la morale, il exacerbe nos travers, les grossit, les examine sous un microscope absurde et humoristique qui nous les renvoie pour qu’on l’évalue nous-mêmes. À la fois caustique, corrosif et carabin, son humour est sans limites. Il déforme les mots aussi bien que les comportements et traque le vide qui se cache dans nos quotidiens irréfléchis. Il fait rire et réfléchir.

2) Les Enfants du paradis: Parle-t-on d’un spectacle de l’absurde dans le plus pur style d’Ionesco ou d’un spectacle néo-absurde ?

Jacques Lessard: C’est Ionesco vu à travers nos yeux, donc certainement pas dans le plus pur style. Nous ne sommes pas des pastiches de Ionesco. On pourrait dire que Ionesco a été pour nous comme une bombe nucléaire dont nous serions les retombées radio-actives. Chacun à notre façon, nous avons absorbé son monde qui est devenu pour notre spectacle une ressource dont nous nous sommes délectés, mais que nous avons régurgitée, chacun à notre manière. Nous nous sommes ensuite rencontrés et avons mis en commun ce que Ionesco nous avait fait ressentir. Et à partir de ça, nous avons écrit un spectacle qui est probablement néo-absurde ou néo-ionescien, mais qui se veut avant tout notre réponse ludique et révoltée au monde absurde dans lequel nous vivons aujourd’hui.

3) Les Enfants du paradis: L’univers de La Boîte ressemble au monde dans lequel nous vivons ?

Jacques Lessard: Vous trouverez en effet dans notre spectacle un tas de choses de notre quotidien : carrés rouges, collusions, trafic d’influences, exercice éhonté du pouvoir, cupidités en tout genre, refus de voir la réalité, soif inextinguible d’argent, mais aussi refus de s’impliquer, acceptation de la bêtise, inaction, indifférence à autrui, perte des valeurs humaine… tout ça sous un jour exacerbé. La boîte, ce sont tous les bandeaux que nous nous sommes donnés pour refuser de voir que nous nous dirigeons tout droit vers l’abîme et que nous acceptons d’être manipulés au lieu d’agir. C’est ça. Mais avec un regard moqueur. Castigat Ridendo Mores. On corrige les mœurs en riant, répétait Molière après Horace. C’est, croyons-nous, ce à quoi nous nous employons.

Bon théâtre et bonne danse !

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