vendredi 17 janvier 2014

Critique: Albertine, en cinq temps

Le titre de ce billet est trompeur.  Vous n'aurez pas droit à une véritable critique. Mais à l'expression d'un immense bonheur théâtral.  Le mien et celui de bien d'autres spectateurs hier soir.  J'en suis convaincu.

Par Robert Boisclair

Albertine, en cinq temps débute au moment où Albertine emménage dans une chambre qui sera sa dernière demeure terrestre.  Elle part à la recherche du temps perdu et se retrouve à différentes étapes de son cheminement, sous différents visages.  Chemin faisant, en traversant le village de Duhamel, Madeleine apparaît.  J'tai apporté du lait chaud.  Ça va te calmer, dit-elle à l'Albertine de 30 ans.  Et le dialogue s'engage entre Madeleine, plus mère que soeur, et les cinq Albertine.  Chacune avec leur rage, leur bonheur, factice ou vrai, ou leur déception.

Quels beaux moments ai-je passer avec ces six femmes.  L'Albertine de 70 ans, magnifique Monique Miller, entre deux morts, comme elle le dit elle-même, fait un retour vers l'enfance.  Ou plutôt vers le passé d'Albertine.  Un passé qui n'a pas toujours été rose mais, ô combien, parsemé d'embûches, de difficultés, d'espoirs trop souvent déçus et de malheurs.

Chaque Albertine est magnifiquement interprétée.  La touchante et emplie d'une rage sourde Albertine de 30 ans, prenante Émilie Bibeau, fait vivre de belles émotions aux spectateurs lorsqu'elle explique les circonstances qui l'ont amené à frapper Thérèse, sa fille.  L'Albertine de 40 ans, intense Éva Daigle, qui déverse toute sa rage et son désespoir, l'Albertine de 50 ans, vibrante Marie Tifo, qui trouve, ou s'imagine trouver le bonheur par une double libération qui la rattrapera plus tard, l'Albertine de 60 ans, touchante Lise Castonguay, en compagnie de l'Albertine de 70 ans et de Madeleine, sobre mais efficace Lorraine Côté, amène le spectateur vers un dénouement touchant et émotif.  Il sera bien difficile, même au spectateur le plus endurci, de ne pas verser une larme.  Cette finale, où le quintette d'Albertine se drape d'un manteau rouge, est absolument magnifique.  L'émotion est palpable.  Le spectateur se lève de son siège. Ému.  Un véritable moment de grâce.  Pour moi.

Le décor magnifique supporte à merveille le texte de Tremblay.  Un décor blanc.  Cinq univers, un pour chaque Albertine et son époque.  Des univers bien définis mais, qu'occasionnellement, chaque Albertine quittera pour occuper celui d'une autre.  Comme dans le texte, où les Albertine se confrontent, elles envahissent un univers qui n'est pas le sien pour se frotter une autre Albertine.  Et cela donne de belles images comme celle d'Albertine de 30 ans qui se retrouve derrière l'Albertine de 40 ans dans un des moments les plus touchants de la pièce, celui de l'excès de violence de l'Albertine de 30 ans évoqué plus haut.  La mise en scène sobre et efficace de Lorraine Pintal et le violoncelle doucereux de Jorane viennent compléter le spectacle.

Le texte magnifique de Tremblay, la scénographie toute simple mais extrêmement efficace, la mise en scène de Lorraine Pintal, la musique enveloppante de Jorane et la performance des six comédiennes font de ce spectacle un véritable chef-d'oeuvre. Albertine, en cinq temps va droit au coeur.

Au Trident jusqu'au 8 février et au Théâtre du Nouveau Monde du 11 mars au 5 avril. Avec Émilie Bibeau, Lise Castonguay, Lorraine Côté, Éva Daigle, Monique Miller et Marie Tifo.  Une mise en scène de Lorraine Pintal.  Un texte de Michel Tremblay.

Apprenez-en plus sur la genèse de la pièce en consultant notre interview avec Éva Daigle et Lise Castonguay (débutant vers la vingtième minute de l'émission du 6 janvier).

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