jeudi 5 mars 2015

W;t: d'une infinie tendresse

Cancer et mort se côtoient dans cette pièce emplie de moments de vives émotions mais, surtout, habitée d'une infinie tendresse. Pour la vie, pour l'humain.

Une critique de Robert Boisclair


Vivian Bearing est professeure de littérature émérite. Exigeante, rigoureuse, elle est spécialiste des sonnets métaphysique de John Donne, auteur anglais du XVIIe siècle. À cinquante ans, elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer des ovaires de stade 4 avec métastases. Sachant ses chances presque nulles, elle accepte de se soumettre à un traitement expérimental. Soudainement sa vie bascule. D'analyste elle passe au statut d'objet d'analyse. En deux heures de spectacle, elle nous raconte sa vie avant de tomber dans un silence éternel.

D'une infinie tendresse
Le spectacle débute par un extrait d'un poème de John Donne projeté sur grand écran. Vivian Bearing (Lorraine Côté) s'avance doucement au centre de la scène. Elle ôte un à un ses vêtements qu'elle remet à des infirmiers qui ne font que passer. Cette femme qui a toujours été en contrôle remet symboliquement sa vie entre les mains de la médecine et de ses disciples déshumanisés. Cette courte scène donne le ton. L'opposition humanité/rationalité, les petits gestes qui donnent tout leur sens à la vie et le besoin de tendresse, d'amour et d'humanité seront les pièces maîtresses de ce spectacle.

La tendresse, feinte ou recherchée, revient constamment dans cette pièce qui, au bout du compte, en est remplie sous différentes formes. Par la quête, d'abord inconsciente, de Vivian Bearing, d'un peu d'humanité, par la tendresse feinte des médecins qui n'en ont que pour la science, par une infirmière qui croit que la tendresse est tout ce qui importe en ces moments difficiles. Le spectateur a d'ailleurs le désir à plusieurs reprises de crier aux médecins: un peu de tendresse bordel!

La pièce, malgré la lourdeur du sujet, est un peu comme une grande caresse. À la vie. À ses petits riens. À ses petits moments de bonheur. Aux petits bonheurs d'autrefois. Un simple livre d'enfants, une scène qui revient à deux moments dans la pièce, en est un exemple éloquent. Rien de compliqué que de l'émerveillement et de la tendresse entre Vivian Bearing et le père dans la première scène et un mentor dans la deuxième.

Michel Nadeau, le metteur en scène dit ce qui suit de la pièce. «La vie est parfois extrêmement dure; tout ce que nous pouvons faire, en pareil cas, c'est compter les uns sur les autres. Et c'est aussi de cela, profondément, dont parle W;t.» Il a bien raison.

Une touche d'humour
Le personnage de Vivian Bearing a beaucoup d'humour. Elle décortique sa vie mais en glisse toujours une petite touche. Sans cet humour, la spectacle serait bien lourd. Elle a un esprit vivace, d'où le titre de la pièce, et le sert allègrement tout au long du spectacle. C'est cette vivacité d'esprit et cet humour qui rendent le personnage de Vivian Bearing fort attachant.

La performance de Lorraine Côté y est aussi pour beaucoup. Quelle magnifique performance! Nuancée, juste, équilibrée. Elle passe d'une situation à l'autre d'une sublime manière. D'un aparté au public à une réplique remplie d'émotions, d'une scène à l'hôpital à un retour en arrière dans son enfance, elle réussit le passage parfaitement. Le texte de Margaret Edson et la traduction de Maryse Warda y sont pour beaucoup également. Un texte tout en finesse, merveilleusement bien traduit, qui envoûte le spectateur.

À ne pas rater!
Il faut absolument voir ce spectacle. Un spectacle sur la mort qui donne le goût de vivre pleinement sa vie et d'en profiter à fond. Et puis, admirer la sublime performance de Lorraine Côté, c'est plus que du gâteau, c'est un bonheur incroyable. Courez voir ce spectacle, vous ne le regretterez pas!

À la Bordée jusqu'au 28 mars. Avec Marie-Josée Bastien, Maxime Beauregard-Martin, Lorraine Côté, Jacques Leblanc, Simon Lepage, Danielle Le Saux-Farmer, Laurence Moisan-Bédard et Paule Savard. Un texte de Margaret Edson dans une traduction de Maryse Warda. Une mise en scène de Michel Nadeau.

Bon théâtre et bonne danse !

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