dimanche 26 avril 2015

Le NoShow: tout un show!

Drôle et touchante réflexion sur le statut de l'artiste que ce NoShow. Alexandre Fecteau et sa bande de joyeux drilles, malgré un statut d'artiste pas toujours facile, livrent un spectacle à mi-chemin entre la conférence, le documentaire et le théâtre. Retour sur tout un show!

Une critique de Robert Boisclair

Crédit photo: Cath Langlois

Il est bien difficile de définir Le NoShow puisque cette production tient à la fois du théâtre, du documentaire et de la conférence. Disons que le spectacle débute alors que le spectateur est convié à une assemblée générale annuelle qui glisse rapidement pour prendre le mode du documentaire et de l’autofiction qui devient, par moments, de l'autodérision. Et ce, même s'il y a peu à rire en matière de rémunération et de qualité de travail des comédiens. Le NoShow s'attaque au mythe tenace de l’artiste grassement subventionné et questionne la valeur de l’art.

Le NoShow pose si bien la question que le spectateur, qui aura choisi le montant de sa place, devra également choisir les comédiens qui resteront sur scène si la cagnotte du soir n'est pas suffisante pour payer décemment chaque comédien. C'est ce qui est arrivé alors que quatre comédiens sur sept, la cagnotte ne permettait que trois comédiens mais après un repêchage in extremis grâce à une quête dans la salle un quatrième comédien a pu se joindre au trio, ont offert le spectacle samedi soir. Spectacle amputé, bien sûr, de ses portions interprétés par les comédiens expulsés.

Un événement à ne pas manquer!
Le NoShow est une spectaculaire mise à nu du statut de l'artiste et, pourquoi pas, de l'art théâtral. Les comédiens donnent sur le ton de la conférence, assez rigolote d'ailleurs, un spectacle qui séduira même le plus ardent défenseur des «BS de luxe» du domaine artistique ou encore du bien connu «l'art, c'est de la marde». C'est à un réel événement auquel le spectateur participe. L'ambiance est à la fête. Le plaisir d'être en compagnie d'autres humains et de partager un moment privilégié est palpable dès l'entrée en scène.

Ici, le spectateur devient participant, voire un ingrédient important au spectacle, du début à la fin. Il a même droit à une bataille de guimauves, question de retrouver le plaisir des comédiens. Je ne vous en dis pas plus, il faut participer au spectacle pour savoir de quoi il en retourne exactement. Les interventions du spectateur sont nombreuses: fixation du prix du spectacle, votation, appels téléphoniques en cours de représentation et interpellation par les comédiens.

Seul bémol à ce spectacle, il s'adresse à des convertis. Si vous êtes dans la salle, c'est que vous aimez le théâtre et que vous connaissez, fort probablement, l'état précaire de nos artistes. On corrige le tir de belle façon à la fin du spectacle, qui ne finit pas vraiment d'ailleurs, en passant un pacte avec un spectateur. Le comédien Christian Essiambre s'engage à donner une autre année de bon théâtre si un spectateur dans la salle amène un ami qui n'a jamais fréquenté le théâtre dans une salle au cours de la semaine suivante. Une belle façon d'aller chercher de nouveaux spectateurs.

Une belle énergie
Quelle belle énergie de l'ensemble de la distribution! Le ton est à la rigolade par moments, plus sérieux à d'autres mais toujours généreux et d'un naturel désarmant. Doute, rage, déceptions, petits bonheurs, plaisirs de jouer, magie de la représentation, complicité, tous ces beaux moments, ils nous les partagent. Comment ne pas aimer le théâtre quand on nous en parle si amoureusement? Et avec un tel talent également.

Même si toute la distribution est excellente mes coups de coeur vont tout de même à Frédérique Bradet, au comique naturel et qui sait si bien jouer de toutes les émotions, et Christian Essiambre, au jeu physique et qui possède un talent de conteur incroyable. Petit aparté pour Christian Essiambre ici: vais-je m'éviter une scène de chaise avec cette critique? Si vous avez vu le spectacle, vous savez que ce comédien pique une crise contre un critique pendant le spectacle. Si vous ne l'avez pas vu, courez voir Le NoShow. La crise, à elle seule, vaut le déplacement.

Tout un show!
Un spectacle événement qu'il faut voir! Pour sa réflexion drôle et touchante. Pour l'événement spectaculaire et participatif qu'il offre au spectateur-participant. Pour l'amour du théâtre qu'il véhicule si bien. Moi qui suis un fan fini, j'en suis ressorti avec un plaisir renouvelé envers l'art qui me passionne tant. Alors, si vous n'êtes pas un fan de théâtre, précipitez-vous pour voir ce spectacle. Si vous n'aviez qu'un seul spectacle à voir, c'est celui-ci. Mais je doute que ce soit le cas. Vous voudrez sûrement vous offrir ce bonheur avec un autre spectacle. Allez! Prenez votre billet et offrez-vous deux heures de découvertes et de bonheur. Vous ne le regretterez pas.

Au Périscope jusqu'au 2 mai. Avec Francesca Barcenas, François Bernier, Frédérique Bradet, Christian Essiambre, Hubert Lemire, Florence Longpré et Julien Storiniée. Un texte de François Bernier, Alexandre Fecteau, Hubert Lemire et Maxime Robin avec la collaboration des acteurs. Une mise en scène d'Alexandre Fecteau.

Bon théâtre et bonne danse !

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