samedi 16 janvier 2016

Quills: Miroir, dis-moi qui est le plus pervers?

Le Trident propose un conte noir et troublant qui mise sur la dichotomie entre l'humour noir et la dépravation pour offrir un spectacle des plus brillants.

Une critique de Robert Boisclair



Interné à l'asile de Charenton, à la fin de sa vie, le marquis de Sade (Robert Lepage) écrit frénétiquement avant que sa prose ne se tarisse ou ne soit muselée. L'abbé de Coulmier (Jean-Pierre Cloutier), directeur de l'établissement, croit pouvoir réhabiliter cet homme qui explore par sa plume les interdits de l'être humain, ses pulsions sexuelles et ses désirs immoraux. Malgré l'omniprésence de l'abbé, Sade, aidé par la jeune lavandière Madeleine (Mary-Lee Picknell), continue de faire publier ses récits sulfureux. Napoléon Ier envoie donc à l'asile le docteur Royer-Collard (Jean-Sébastien Ouellette) pour faire taire ce fou dont les écrits mettent en péril les fondements moraux de la société. Mais jusqu'où ira-t-il pour l'arrêter?

– Vous avez anéanti son corps, il est vrai. Mais qu’en est-il de son esprit ?
– Pour ce que nous en savons, il compose toujours. Quelle sera sa prochaine histoire, l’Abbé ?
Extrait de Quills

En deux temps
Quills (plumes ou plumes d'oie en français) est un spectacle en deux temps. Plus lumineux, même si la part d'ombre y est importante, et teinté d'un bel humour noir en première partie, le spectacle bascule dans la noirceur et la déchéance, qui n'épargne personne, en deuxième partie.

La mise en scène et la scénographie reflètent merveilleusement bien ces deux temps du spectacle. Plus lumineuses, plus éclairées, plus vives en première partie. Plus sombres et plus noires en deuxième partie. Tout s'assombri. L'éclairage d'abord qui offre beaucoup de pénombre et même le texte qui passe à des répliques plus sombres, plus noires.

Les personnages se déglinguent et sombrent. Ils sont atteints par un virus, celui de Sade, le virus de la perversion. Jean-Pierre Cloutier réussit d'ailleurs une magnifique traduction du texte anglais original. On croirait que c'est Sade lui-même, qui a écrit le texte.

Satanée mécanique
Le spectacle de vendredi a été interrompu par un léger problème mécanique. Un plateau tournant a décidé de faire un arrêt temporaire en cours de représentation. Le spectacle a pris une pause de quelques minutes le temps de remettre la mécanique au pas. Quelques accrocs supplémentaires sont survenus un peu plus tard mais ils n'ont pas nécessité d'arrêts. Espérons que la mécanique ne fera plus défaut pour les prochaines représentations. Car la mécanique est importante dans ce spectacle. D'ailleurs que serait un spectacle de Robert Lepage sans une mécanique imposante.

L'utilisation de ce plateau tournant permet de changer rapidement les lieux et les décors. Il offre également de beaux moments. Ainsi, alors que l'on tente de museler Sade, celui-ci dicte à son voisin de cellule le contenu de ses écrits sulfureux qui le passe à son autre voisin et ainsi de suite jusqu'à ce que le texte se fraie un chemin jusqu'à un transcripteur. Ce plateau tournant permet suivre le texte jusqu'à sa destination finale dans une très belle scène.

L'utilisation de miroirs sans tain est une idée magnifique. Les personnages se multiplient ou se parlent par miroirs interposés. Elle amène le texte à un autre niveau. C'est une belle façon de transposer en images certains des thèmes véhiculés par le spectacle: la censure qu'on ne peut véritablement arrêtée alors qu'un texte publié trouve toujours son public au vu et au su de tous ou sous le couvert de l'anonymat et le sens que chacun donne à un texte déjà publié.

D'extraordinaires performances
Robert Lepage, dans un rôle qui n'est pas écrit pour lui, se surpasse. Il est Sade. Il porte sa verve. Son port altier, ses gestes précis, tout concourt à faire de son Sade, un homme manipulateur, certes, mais également, un homme censé, à sa manière, et intelligent. L'ensemble de la distribution est excellente. Particulièrement, Jean-Sébastien Ouellette et Jean-Pierre Cloutier.

À voir!
Un spectacle audacieux du début à la fin, le dénouement l'est tout particulièrement, qu'il ne faut manquer sous aucun prétexte. Un spectacle brillant à tous points de vue.

Au Trident jusqu'au 6 février. Avec Jean-Pierre Cloutier, Érika Gagnon, Pierre-Olivier Grondin, Robert Lepage, Jean-Sébastien Ouellette et Mary-Lee Picknell. Une mise en scène de Jean-Pierre Cloutier et Robert Lepage. Un texte de Doug Wrignt traduit par Jean-Pierre Cloutier.

Bon théâtre et bonne danse !
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