vendredi 23 septembre 2016

Gloucester: folie shakespearienne!

Dix comédiens, 75 personnages, 45 lieux. Voilà le menu que propose ce Shakespeare réinventé par Simon Boudreault et Jean-Guy Legault. Le tout brassé à la sauce absurde pour le plus grand plaisir des spectateurs. Une aventure qui n'est pas sans heurt.

Une critique de Robert Boisclair

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Après une victoire sanglante contre les Écossais, Édouard, roi d’Angleterre, partage le royaume d’Écosse en trois parts entre ses généraux Gloucester et York, ainsi que son épouse, Goneril. La reine, qui espérait devenir régente unique de l’Écosse, nourrit d’ambitieux projets de vengeance. Avec la complicité d’Edmond, un des fils bâtards d’Édouard, elle manigance un plan machiavélique ayant pour but de semer la discorde entre Gloucester et York.

Références shakespeariennes
Les auteurs, Jean-Guy Legault et Simon Boudreault, s'amusent avec les archétypes des oeuvres de Skakespeare. Tout y passe, ou presque: la présence surnaturelle, le fantasme amoureux ou l'épopée sanglante.

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Des personnages de nombreuses oeuvres de Shakespeare s'y rencontrent, les sorcières (Macbeth) ou Gloucester (Richard III), et croisent des personnages fictifs. Les scènes mythiques de l'oeuvre de Shakespeare également. Celle du balcon de Roméo et Juliette, entre autres, qui donne lieu à des savoureuses répliques entre les personnages de Laevinia et Gloucester:

Laevinia: Qui est cette ombre indiscrète, alors que je dis tout haut mes pensées secrètes?

Gloucester: Un rêveur.

Laevinia: Gloucester, c'est vous?

Gloucester: Quand je vous vois, j'en oublie mon nom.

Laevinia: Je vous confirme que c'est bien vous.

Gloucester: Si cela vous déplait, je puis être un Capulet.

Laevinia: Un quoi?

Gloucester: Un Capulet!

Laevinia: Vous parlez de ces drôles de petits singes?

Gloucester: Non, non, non, je parle des Capulets... peu importe.
Vous ne connaissez pas la référence, ça ne sert à rien de l'expliquer.

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Les comédiens évoluent dans un décor qui peut être tout les lieux à la fois. Composé essentiellement de structures en bois brut, il est amovible et se transforme au gré des 45 lieux squattés par les personnages. Il permet également de transformer facilement le spectacle en comédie musicale à quelques reprises. Soyez avertis, quelques ritournelles musicales risquent de se transformer en vers d'oreille.

Folie shakespearienne
Ce savant mélange amène le spectateur au coeur d'un véritable délire shakespearien. Le tout flirte allègrement avec l'absurde. Si le spectacle offre des moments de purs délices, la scène avec les marionnettes en est un bel exemple, le tout s'enlise un peu trop à certains moments. Certaines scènes mériteraient donc un léger resserrement. Le plaisir n'en serait que plus grand.

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Le spectateur doit se préparer à un humour à la fois absurde, subtil, grotesque et inconvenant. Dans ce dernier style, Jonathan Gagnon s'en donne à coeur joie avec une série d'insultes au retour de l'entracte. Un moment drôle où l'absurde et l'inconvenant se mêle allègrement.  Ce mélange d'humour rend difficile le classement de ce spectacle mais ne laisse pas le spectateur indifférent. La surprise est totale à chaque scène.

Selon les auteurs, derrière ce vernis humoristique se cache «... une pièce qui se questionne sur le besoin de haïr, de définir un ennemi dans la quête du pouvoir pour se positionner et monter dans la hiérarchie.» Le spectacle met en pièce cette folle quête du pouvoir pour en montrer toute l'absurdité. 

À voir
Un spectacle de deux heures quarante-cinq minutes qui vaut le déplacement. Il tient l'affiche jusqu'au 15 octobre à Québec avant de s'offrir Montréal en novembre et décembre.

À l'affiche jusqu'au 15 octobre à la Bordée. Avec Emmanuel Bédard, Geneviève Bélisle, Simon Boudreault, David Bouchard, Éloi Cousineau, Érika Gagnon, Jonathan Gagnon, Jean-Guy Legault, Catherine Ruel et Alexandrine Warren. Un texte de Simon Boudreault et Jean-Guy Legault. Une mise en scène de Marie-Josée Bastien.

Bon théâtre et bonne danse !

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