vendredi 9 juin 2017

Le déclin de l'empire américain: 30 ans plus tard

Une reprise à la fois plus sombre et plus poétique que l'original. Une oeuvre toujours aussi pertinente trente ans plus tard. L'humain a-t-il vraiment changé en 30 ans? Il semble bien que non.

Une critique de Robert Boisclair

Crédit photo: Jean-François Brière

Trente ans après le film culte de Denys Arcand, présenté au Festival de Cannes, nommé aux Oscars et plébiscité par les publics un peu partout dans le monde, en voici une version 2.0, qui réactualise et refonde le scénario original tout en préservant la dynamique des personnages ainsi que l’essence de l’œuvre première.

Un groupe d'amis au tournant de la quarantaine se rassemble pour un souper dans un chalet en Estrie. Appartenant tous, sauf un qui surgira tel un intrus, à l’élite intellectuelle, ces universitaires, professeurs et artistes tiennent cependant, dans l’intimité de cette rencontre amicale, des propos révélant la déliquescence actuelle de notre société nord-américaine. Le vernis intello éclate rapidement pour céder le pas au sexe et à ses vicissitudes.

Toujours pertinent
Les thèmes abordés par Arcand dans son film, l'obsession du sexe et l'infidélité, entre autres, s'avèrent toujours aussi pertinents aujourd'hui qu'il y a trente ans. Quarantenaires d'aujourd'hui et d'il y a trente ans, mêmes vicissitudes.

Le décor minimaliste, peu d'accessoires et un plateau carré au centre de la scène, amène judicieusement le spectateur à faire preuve d'imagination pour visualiser les différents lieux. Les changements à vue et les acteurs qui squattent constamment les alentours de la scène principale, ajoutent une touche intime. Le spectateur vit au rythme des personnages et investit mentalement l'espace en même temps que l'acteur qui en prend possession.

Crédit photo: Claude Gagnon

Plus sombre et poétique

Le duo Dubois/Farah propose une oeuvre plus poétique et sombre que la version cinématographique originale. Les éclairages doucereux et la mise en scène épurée qui laisse une grande place à la poésie des corps qui se déplace lentement ou en mode légèrement dansé, comme si le mouvement représentait le temps qui file, y contribuent pour beaucoup.

L'ouverture du spectacle avec la double scène du massage, où un professeur d'histoire affublé d'un pénis postiche jouit, et de l'interview d'une historienne qui vient d'écrire un livre intitulé Après-nous le déluge?, mets la table pour la suite. La discussion sera érotique et sexuel ou ne sera pas. C'est d'ailleurs l'essentiel du propos. Le sexe, l'infidélité, les propos grivois, les aventures des uns et des autres sont au menu. Les infidélités de l'un des convives sera d'ailleurs le déclencheur d'un drame qui éclaboussera un peu tout le monde. Infidèles et vantards en 2017 comme en 1987. Les conséquences sont les mêmes également. L'environnement est peut-être différent mais l'humain demeure un humain.

Détournement de personnage
Adapté un oeuvre a souvent du bon. Parfois un peu moins. La version Dubois/Farah effectue un détournement de personnage plutôt surprenant avec l'intrus. Celui qui s'invite au souper. Dans la version originale et aussi dans celle-ci, il est la brute, l'animal. Celui qui ne pense qu'avec son sexe. Il n'est qu'un amant ne recherchant que le plaisir pur. Or, ici le personnage intervient au souper avec un discours socio-politique qui ne cadre pas très bien avec le personnage. Une adaptation aux discours de 2017 qui ne sied pas à merveille avec la personnalité de cet intrus.

Crédit photo: Claude Gagnon
À voir
Autrefois comme aujourd'hui, Le déclin de l'empire américain propose une réflexion sur la quête de soi, de son identité. La pièce nous confronte à la futilité de notre propre existence et nous lance en pleine face nos propres contradictions. Une belle leçon de vie!

Ce spectacle est à l'affiche pour encore deux soirs (9 et 10 juin). Avec Patrice Dubois, Bruno Marcil, Marie-Hélène Thibeault, Sandrine Bisson, Dany Boudreault, Éveline Gélinas, Simon Lacroix, Marilyn Castonguay et Jean-Sébastien Lavoie. D'après le scénario de Denys Arcand dans une adaptation de Patrice Dubois et Alain Farah. Une mise en scène de Patrice Dubois.

Autres critiques de spectacles au Carrefour:
Un faible degré d'originalité
Table rase
La fureur de ce que je pense
Des arbres à abattre
Projet BBQ (dans sa version 2016)

Bon théâtre et bonne danse!

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