vendredi 19 janvier 2018

Bleu.: combatif, haletant et moult couleurs

Bleu., un titre énigmatique ouvrant la porte à moult questionnements ou clefs de lecture. Un titre un peu trompeur aussi puisque le bleu n'est pas la seule couleur présente, chaque danseur ayant sa propre couleur. Retour sur un spectacle qui surprend et épate.

Une critique de Robert Boisclair

Crédit photo: Fabrizio Clemente
Bleu. se joue dans un corps à corps tour à tour pudique ou tendu, haletant ou belliqueux, de peau à peau, questionnant l’impact, l’ecchymose et tout ce qui remonte à la surface après les heurts. Une errance bleutée dans une plaine sombre, un paysage-cimetière austère et élégant qui, au fil de la gestion de la douleur, de sa mise en tension, laisse apparaître toute la fragilité, l’humanité de celui ou de celle qui la porte et qui continue d’avancer.

Un spectacle de l'intime
Le titre énigmatique fait référence à l'ecchymose, cette petite blessure bleutée qui apparaît au moment du choc entre la peau et un objet ou un autre corps. Petite blessure qui prend différentes teintes au fur et à mesure de la guérison. Bleu. c'est un peu ça. Les danseurs, joliment titré artiste chorégraphique dans le programme, ont différentes couleurs. L'un est rouge, l'autre jaune, l'autre bleu. La couleur bleu n'est qu'un état temporaire qui s'évapore doucement pour laisser place à une autre, puis une autre. Tout comme ce septuor de danseurs.

La chorégraphie s'inspire fortement de ce choc d'un objet avec un corps. Ici, il ne s'agit pas d'une chorégraphie à sept artistes mais de sept solos simultanés qui, occasionnellement, s'entrechoquent. Les corps se touchent un instant puis reprennent leur course. De ces chorégraphies qui se rencontrent peu, il se dégage une vision de l'intime. Une sorte d'entrée dans le corps, une découverte nouvelle des sensations.

Crédit photo: Fabrizio Clemente
Les courses folles côtoient, les gestes plus intimes, plus près de soi. La gestuelle est parfois saccadée ou au ralenti. Cela donne un mélange de pas de danse surprenant alors que les sept artistes ne sont que rarement au diapason. C'est sept spectacles en un seul.

Les danseurs occupent tout l'espace scénique, ce qui oblige le spectateur à faire des choix, à faire son propre spectacle. Il regarde tel danseur ou groupe de danseurs et pas tel autre. C'est une sorte de spectacle de l'intime pour le spectateur. Il y découvre ce qu'il veut bien, selon ses choix personnels.

Sombre écriture 
L'espace scénique est une vaste étendue blanche plongée dans un éclairage qui s'apparente à la pénombre. Point d'accessoires ou si peu. Les corps évoluent dans l'ombre, dans la pénombre ou sous un jet d'éclairage. Cela donne une ambiance propice à la poésie, à la réflexion. Encore une fois, un spectacle de l'intime.

L'énergie y est combative et haletante. Quelques moments de silence viennent briser ces élans énergiques. L'environnement sonore est à la fois baroque et fantomatiques. L'écriture chorégraphique est sombre. Il s'y dégage une certaine animalité. Une sorte de cri primaire du mouvement.

À découvrir
Un moment de retour en soi à la découverte de l'animalité du corps à voir.

Allez-y surtout si vous aimez: les atmosphères sombres, les spectacles sur la résilience, le travail d'Yvann Alexandre, les septuors.

À La Rotonde pour un dernier soir. Avec Steven Berg, Lucile Cartreau, Anthony Cazaux, Lucie Garault, Emma Mouton, Claire Pidoux et Marie Viennot. Une chorégraphie d'Yvann Alexandre avec la complicité des danseurs.

Bon théâtre et bonne danse!

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