jeudi 15 mars 2018

À la douleur que j'ai: fragile mise à nu

S'immiscer au plus profond de l'humain pour scruter la nature brute d'une émotion, n'est pas une tâche aisée. Virginie Brunelle et ses six interprètes proposent une belle aventure au coeur de la douleur, qu'elle soit amoureuse ou physique, de brillante façon. 

Une critique de Robert Boisclair

Crédit photo: Robin Pineda Gould
Synopsis (tiré du site web de la Compagnie Virginie Brunelle)
Virginie Brunelle «lève son verre» à cette émotion brute. Au travers de cette amère poésie, la chorégraphe s’interroge ici sur l’inachevé – sur ce qu’il peut rester entre deux personnes – et offre cette action soutenue qui se fige dans le temps comme un souvenir : la douleur. Marque, lien ou repère (in)temporel, elle permet de porter un regard sur le groupe, la famille comme sur soi-même. Et dans une société contemporaine nourrie à cette substance dangereuse, Virginie Brunelle prouve que la douleur peut aussi être un pont émotionnel, une source de rencontre entre ses six interprètes et son public, une de celles qui ne laissera pas indemne.

Une danse métamorphosée
Les gestes, les regards, les corps sont travaillés, sans doute grâce à la complicité de la dramaturge Stéphanie Jasmin. À la douleur que j'ai a un cachet théâtral et très mélodramatique. C'est une danse qui se métamorphose porteuse d'un langage à la fois dansé et théâtralisé.

C'est peut-être aussi ce qui donne une touche plus douce, moins brute, plus posée à cette oeuvre de Virginie Brunelle alors que les deux précédentes étaient, même si c'est toujours bien présent, plus physiques, plus athlétiques. Ici les pauses sont permises. Les arrêts complets même. L'espace d'un instant. D'un regard. D'un moment de tendresse ou de soulagement entre deux douleurs. Les arythmies sont le symbole de ces douleurs qui viennent et qui partent. Puis reviennent à nouveau.

Crédit photo: Robin Pineda Gould
Moments de grâce
Virginie Brunelle a un talent certain pour rabouter, mettre ensemble des chorégraphies disparates et en faire un tout cohérent. Et elle le réussit magnifiquement avec cet À la douleur que j'ai plein d'allants, de douces pauses et de moments de grâce.

Et ils sont nombreux ces instants qui séduisent. Chi Long, magnifique femme disloquée qui marche dans les airs, offre un des beaux moments de bonheur. Bernard Martin s'offre un duo fort athlétique aux performances époustouflantes en compagnie d'une des danseuses, duo qui se transforme en triangle amoureux avec Milan Panet-Gigon pour se terminer sur un duo amoureux où l'un semble dire je t'aime et l'autre moi non plus. 

Et que dire de cette ouverture avec un portrait de famille qui se déglingue et cette fermeture avec un duo enlacé dans un doux pas de deux alors qu'une danseuse se contorsionne au sol un peu plus loin. La douleur et la tendresse s'y côtoient pour former un tout compréhensible. Et offrir un véritable moment d'anthologie.

Crédit photo: Robin Pineda Gould
Fragile mise à nu 
À la douleur que j'ai est une fragile mise à nu de l'humain, une quête au coeur même de l'émotion. L'approche adoptée par Virginie Brunelle est osée, audacieuse. Mettre de la musique déjà teintée en présence d'émotions intimes à la connotation propre à chacun est de l'audace pure. Le résultat est surprenant et laisse le spectateur sur le cul.

Crédit photo: Robin Pineda Gould
À découvrir
À la douleur que j'ai est une oeuvre qui ne laisse pas indifférent. La Virginie Brunelle qu'on y découvre est une chorégraphe plus mature que dans les précédentes productions vues à Québec. Elle semble avoir trouvé sa voie. Moins brut, plus posé ce spectacle est une douce aventure au coeur de l'humain.

Allez-y surtout si vous aimez: la danse théâtralisée, les voyages intérieurs, les chorégraphies à la fois athlétiques et posées, l'esthétisme en danse, Virginie Brunelle tout simplement.

À La Rotonde jusqu'au 16 mars. Avec Isabelle Arcand, Sophie Breton, Claudine Hébert, Chi Long, Bernard Martin et Milan Panet-Gigon. Une chorégraphie de Virginie Brunelle.

Vous voulez en savoir plus sur le spectacle? Écoutez notre interview avec Virginie Brunelle ici (au tout début de l'émission du 12 mars).

Bon théâtre et bonne danse!

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