samedi 15 septembre 2018

Chapitres de la chute - Saga des Lehman Brothers: une histoire de l'Amérique

Une saga familiale qui est également une histoire de l'Amérique. Une histoire en trois volets mené tambour battant. Une histoire d'hommes bien plus que financière où la grande et la petite histoire s'entremêlent.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Emmanuel Burriel
Synopsis
À partir de 1844, trois Juifs bavarois débarquent outre-Atlantique où ils découvrent le rêve américain. Les frères Lehman, Henry, Emmanuel et Mayer, viennent vendre du «schmatès», tissu en yiddish. Au fil des ans, le projet fraternel se transforme en empire bancaire.

Le 15 septembre 2008, la banque d'investissement Lehman Brothers fait faillite, entraînant les bourses mondiales dans sa chute. Le nom de cette entreprise devient alors indissociable de la crise économique que nous connaissons et sa faillite devient le symbole de la crise d'un système entier, un système qui avait fini par échapper à ses créateurs.

Chapitres de la chute - Saga des Lehman Brothers raconte comment un magasin de coton s'est peu à peu transformé en banque d'investissement. Naissance, grandeur et décadence du groupe Lehman Brothers en trois chapitres.

Une histoire de l'Amérique
En trois temps, Olivier Lépine dirige l'impressionnante épopée de l'auteur Stefano Massini, une saga familiale et histoire à succès. Au-delà de celle de la famille Lehman, c'est un large pan de l'histoire économique et financière d'une Amérique en pleine expansion qu'on nous raconte.

La grande et la petite histoire s'entremêlent et se catapultent l'une l'autre. L'histoire à succès familiale, qui profite de l'expansion économique des États-Unis, sera fortement bouleversé par le Krach de 1929. La chute de l'empire débute. La famille s'éteint à petit feu. Les motivations du début s'étiolent. La solidarité fraternel cède la place aux conflits familiaux et à la course pour le pouvoir. La fin se pointe le nez petit à petit.

Crédit photo: Emmanuel Burriel
Le fil narratif de cette oeuvre-fleuve coule doucement et prestement. Quatre heures qui passent comme un charme. L'histoire en trois volets prend la forme d'un conte où chaque étape de l'ascension et un pas de plus vers la chute inévitable. Le spectateur tire ses propres conclusions et mène sa propre réflexion grâce aux indices mais surtout aux pressentiments, comme les rêves récurrents qui hantent certains membres de la famille.

Stefano Massini réussit brillamment à humaniser une histoire et une crise qui nous dépassent. Si tout est parti de la réalisation du rêve américain, la chute est celle d'un monde où la cupidité règne en roi. Massini ne juge pas, il raconte. Une histoire. Incarnée. Vivante. Sans chiffre ou courbe mathématique.

Pas à pas
La trame du spectacle nous amène du commerce du tissu à une banque d'investissement une étape à la fois. La mise en scène s'y colle de près. Elle s'avance pas à pas vers une chute irréversible. Elle prend la forme d'un feuilleton qui se laisse découvrir une page à la fois.

La scénographie, comme la mise en scène, est sobre. Un mur de plexiglass habite le derrière de la scène en ouverture du spectacle. Les comédiens y inscrivent au fil des pérégrinations des protagonistes des dates, des lieux ou des mots. C'est un narrateur supplémentaire pour raconter l'histoire.

Les mots sont importants dans cette pièce. Les mots des acteurs prennent forme. Ils sont vivants, d'une certaine manière puisqu'ils sont sur ce mur. Ils finiront par disparaître, effacés par les comédiens en toute fin de représentation. L'empire disparaît. Les mots, donc l'histoire de la saga familiale disparaissent également. Un seul mot demeure au tableau, je ne vous révèle pas lequel, mais je peux vous dire que la disparition rejoint la création.

Crédit photo: Emmanuel Burriel
Ce mur de plexiglass restera tout au long de la pièce, se promenant et se brisant en trois morceaux. Trois chapitres, trois pièces d'un puzzle historique. Les deux premiers volets se concentrent plus sur l'ascension. Le troisième sur la chute. Il débute au son du tic tac d'une horloge. Il annonce la fin. Le tic tac résonnera plusieurs fois. La tension monte pour nous amener vers une finale touchante.

Tout a débuté par un homme et sa valise, tout se termine avec un homme et sa valise. La boucle est bouclée. Le rêve est devenu cauchemar. Il s'est éteint bien loin des désirs originels. L'immigrant arrivé en Amérique avec une simple valise rêvait de bien autre chose. Moment touchant. Moment de grâce. Moment d'espoir renouvelé. Peut-être.

Allez-y surtout si vous aimez: les spectacles qui scrutent la folie des hommes, les oeuvres-fleuves, les pièces où les comédiens sont à la fois conteurs et personnages, les histoires d'hommes.

Au Périscope jusqu'au 29 septembre. Avec Mustapha Aramis, Vincent Champoux, Carolanne Foucher, Annabelle Pelletier Legros, Maxime Perron, Jean-René Moisan et Nicola-Frank Vachon. Une mise en scène d'Olivier Lépine. Un texte de Stefano Massini.

Vous voulez en savoir plus sur le spectacle? Écoutez notre interview avec Olivier Lépine ici (au tout début de l'émission du 3 septembre).

Bon théâtre et bonne danse!
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