vendredi 21 septembre 2018

Le vrai monde?: en écho de notre monde

Le passé fait face au présent, l’espoir à la désillusion, la fiction à la réalité. Le vrai monde? est tout en dualité. Une oeuvre qui se laisse découvrir par des mensonges empreints de vérités.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

En répétition
Crédit photo: Stéphane Bourgeois
Synopsis (tiré du site web du théâtre)
À 23 ans, Claude rêve de devenir écrivain. Sa première pièce met en scène trois personnages qui portent les noms de son père, de sa mère et de sa sœur, auprès desquels il a puisé son inspiration. Ses personnages prennent vie et côtoient leurs modèles; une fascinante confrontation s'ensuit, où s'agitent le double fond des choses, la multiplicité des perceptions et des réalités. Où est le vrai monde lorsque chacun crie au mensonge? Qu’est-ce que le vrai? Qu’est-ce que le faux? Qui sommes-nous dans le regard des autres?

Claude:
Même si chus de bonne foi?

Madeleine 1:
Tu peux pas être de bonne foi. Parce que t'es pas nous autres… 

Claude:
C'est là que tu te trompes, maman… Écoute… Veux-tu m'écouter juste un peu?
J'ai toujours eu une grande facilité… à me glisser à l'intérieur des autres.
À les sentir. J'fais ça depuis toujours.
Vous autres, vous appelez ça de l'espionnage… Moi, j'appelle ça vivre. (…) 
Extrait du spectacle

Règlements de comptes
Règlement de comptes avec l'univers familial ou règlement de comptes avec le théâtre? Un peu des deux! Les personnages sont vrais et faux en même temps. Le théâtre de Claude emprunte beaucoup, s'approprie l'histoire, la vraie, celle de sa famille et il nous la recrache dans sa vérité. Si Claude règle ses comptes avec sa famille, Tremblay un peu aussi tout de même, Michel le fait avec le théâtre. Il le passe à la moulinette et se questionne sur l'appropriation qu'il en fait quand il écrit.

Le vrai se révèle à travers le faux. La vérité se révèle grâce au mensonge. Les désirs les plus intimes s'affichent au grand jour par le rêve et la transposition dans la fiction. Les êtres existent enfin. Pour le meilleur... ou pour le pire. Car du mensonge qui exprime la vérité cachée, il y a bien peu de positif. Mais une libération. Les mots censés être salvateurs s'évaporent dans un incendie, merveilleux déliement, qui ramène le tout à son point de départ. Si les mots du mensonge disparaissent, s'effacent la vérité enfouie reprend-elle ses droits? Où est la vérité dans ce salmigondis de faux et de vrai? Le faux est-il la vérité? Ou est-ce le vrai?

En répétition
Crédit photo: Stéphane Bourgeois
En écho de notre monde
Le vrai monde? est une pièce écrite en 1987 mais d'une criante réalité avec notre monde d'aujourd'hui. Elle fait écho au mouvement #moiaussi, avec ces histoires d'inceste et de souffrance féminine et à celui d'appropriation culturelle qui a fait les manchettes cet été, à travers l'oeuvre de Claude qui calque au détail près l'histoire familial. L'écriture de Tremblay se pointe le nez au Trident à point nommé pour remettre sur la table ces questions. Essentielles. Beaucoup de questionnements et peu de réponses. Mais bien de la matière à réflexion. La porte est ouverte. Profitons-en.

Magnifique effet miroir
La superbe mise en scène de Marie-Hélène Gendreau et la scénographie proposent un magnifique effet miroir. Le faux et le vrai se croisent certes mais miroitent constamment. Tout comme les lieux. La zone fleurs de la mère et celle bières du père. Les deux fenêtres qui se transforment en cage pour danseuses à gogo. Les personnages réels et imaginés qui se croisent, font les mêmes gestes au même moment ou se regardent droit dans les yeux, quêtant une parcelle d'éclaircissement ou d'explication dans le regard de son double.

Les superbes éclairages et les magnifiques images animées en arrière scène donnent tout un souffle au spectacle. Murale de mots tirés de l'oeuvre de Claude et images psychédéliques s'y agitent. Cela fait très années soixante et crée une aura de mystère. Le vrai et le faux à nouveau. Dans quelle réalité sommes-nous au juste? Quelle est la réalité?

En répétition
Crédit photo: Stéphane Bourgeois
La texte et sa mécanique sont superbes. Les diatribes frappent justes. Certaines expressions frappent l'imaginaire comme ce vacarme du silence de la mère. Les comédiens sont extraordinaires. Tous jouent justes. La hargne, la brutalité, la rage n'ont jamais été aussi sublimement portées. Anne-Marie Olivier et Jean-Michel Déry en mère et père fictifs ainsi que Christian Michaud et Nancy Bernier en père et mère réels offrent de solides performances. Ariel Charest et Claude Breton-Potvin en soeurs imaginaire et original ainsi que Jean-Denis Beaudoin dans le rôle de Claude s'en tirent avec les honneurs.

Allez-y surtout si vous aimez: le théâtre de Tremblay, les effets miroir, les spectacles où la réalité se frotte à la fiction, les divertissements qui font réfléchir, les oeuvres qui vous prennent aux tripes.

Au Trident jusqu'au 13 octobre. Avec Jean-Denis Beaudoin, Nancy Bernier, Claude Breton-Potvin, Ariel Charest, Jean-Michel Déry, Christian Michaud et Anne-Marie Olivier. Une mise en scène de Marie-Hélène Gendreau. Un texte de Michel Tremblay.

Vous voulez en savoir plus sur le spectacle? Venez écouter notre rencontre avec Marie-Hélène Gendreau, la metteuse en scène, le 24 septembre vers 18h 10 dans le cadre de l'émission Les Enfants du paradis à l'antenne de CKRL 89,1.

Bon théâtre et bonne danse!
Suivez-nous quotidiennement sur Twitter: @Enfantsparadis et @Rob_Boisclair

Aucun commentaire:

Publier un commentaire