mardi 2 octobre 2018

Celle qu'on pointe du doigt: en panne d'amour

Savons-nous aimer? Aimons-nous trop peu? Celle qu'on pointe du doigt pose ces questions. Une belle incursion dans la course à l'amour.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Cath Langlois
Synopsis (tiré du site web du théâtre)
Elle est une femme ordinaire, sans histoire. Le genre de fille qui passe inaperçue toute sa vie. Mais, un jour, elle le rencontre. Le fucker qui va lui briser le coeur. Puis se crée en elle un vide abyssal. Celui que seul un enfant pourrait combler. Mais comment être une bonne mère si on n’a pas eu de modèle ?

Je l’sais ben qu’à me regarder, de même, on pourrait pas le dire.
Ça ce lit pas toujours dans notre face.
J’pense pas qu’il existe de prédispositions à ça.
J’pense pas non plus qu’il y a un lien entre la laideur physique pis la laideur morale.
Remarque, je dis ça, mais…
quand t’as été la dernière à piger dans le sac à faces,
ça se peut que tu sois prédisposée à avoir le goût de sauter un plomb.
Mais moi, je l’sais pas ce qui m’a pris.
Je voulais que quelque chose me rentre dedans.
La vie, l’amour, un truck… J’aurais peut-être préféré que ce soit le truck.

Une femme ordinaire, voire quelconque, commet l’impensable.

En panne d'amour
Elle, ce parent infanticide, est un être brisé que l'amour tarde à atteindre. Simon Lemoine, le metteur en scène, pose la question dans son mot du metteur en scène: sait-on aimer? Aimons-nous mal ou bien? C'est le drame de cette femme en panne d'amour. Elle n'est pas heureuse. À tout le moins le croit-elle. Elle ne se sent pas écouter. Comprise. Elle commet l'irréparable.

En interview aux Enfants du paradis Marie-Pier Lagacé, l'auteur et comédienne, et Simon Lemoine, le metteur en scène, parlaient d'une pièce sur l'amour et non pas sur un infanticide. Et c'est bien de cela qu'il s'agit. L'amour, l'écoute et le questionnement également, sont présents à chaque seconde de ce spectacle. Une heure vingt d'amour. De douceur. De tendresse.

Crédit photo: Cath Langlois
Celle qu'on pointe du doigt est une pièce qui s'insinue dans les méandres de l'esprit de cette femme. Qui tente de comprendre son cheminement. S'introduit dans ses pensées. Décortique son état d'esprit si habilement que l'on en vient à saisir son désarroi. Son désir de mettre fin à sa douleur. Une souffrance immense.

Un acte qui à prime abord semble inconcevable mais qui, après une heure vingt, devient compréhensible. Le spectateur a parcouru le même chemin que cette femme et tout devient limpide. Cela n'excuse pas le geste, loin de là. Le temps d'écouter, le temps d'aimer, ceux que le parent infanticide cherchait, se sont matérialisés... trop tard malheureusement.

Tout cela se fait par des va-et-vient entre le passé et le présent et une mise en scène épurée. Quelques accessoires. Des changements à vue. Des comédiens qui passent d'une période à l'autre en un éclair. Les allers-retours permettent de bien saisir l'état d'esprit de la protagoniste principale. On entre dans sa tête et l'on comprend mieux ce qui la pousse à agir ainsi.

Crédit photo: Cath Langlois
Un merveilleux texte
Le texte de Marie-Pier Lagacé coule magnifiquement. Il est ciselé. Il frappe juste. Le premier tiers est parsemé de moments d'humour qui prépare habilement le terrain à un texte plus dramatique et, ma foi, fort touchant en deuxième et troisième tiers.

Il se dégage de ce texte une grande humanité. Il n'y a aucun jugement. Juste un être humain qui tente de vivre du mieux qu'il peut. Ce pourrait être moi. Ce pourrait être vous. Marie-Pier Lagacé a une écriture touchante, sincère et emplie de douceur. Son texte est un véritable baume au coeur.

Les comédiens supportent à merveille ce texte. Ils sont excellents. Éva Daigle, Linda Laplante et Marie-Pier Lagacé offrent quelques-uns des plus beaux moments, dont la scène où la mère (Éva Daigle) se dévoile enfin un peu à sa fille (Marie-Pier Lagacé) ou la scène de la non-déclaration d'amour avec le psy (Réjean Vallée) et la fille (Marie-Pier Lagacé).

Crédit photo: Cath Langlois
Allez-y surtout si vous aimez: les pièces qui entrent dans la tête des protagonistes, les spectacles qui questionnent, les bonnes doses d'amour.

À Premier acte jusqu'au 20 octobre. Avec Anne-Marie Côté, Éva Daigle, David Grenier, Marie-Pier Lagacé, Linda Laplante et Réjean Vallée. Une mise en scène de Simon Lemoine. Un texte de Marie-Pier Lagacé.

Vous voulez en savoir plus sur le spectacle? Écoutez notre interview avec Marie-Pier Lagacé et Simon Le moine ici (au tout début de l'émission du 24 septembre).

Bon théâtre et bonne danse!
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