dimanche 11 novembre 2018

La détresse et l'enchantement: quête identitaire

Marie-Thérèse Fortin se livre corps et âme dans une traversée de laquelle émane, en bout de course, une aura de bonheur.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Yves Renaud
Synopsis (tiré du site web du théâtre)
L'autobiographie de la romancière Gabrielle Roy a touché des dizaines de milliers de lecteurs. La vie y palpite avec un irrésistible accent de vérité, entre les éblouissement et la noirceur, entre la plénitude des joies et l'angoisse du vide, entre les incertitudes paralysantes et ces révélations qui changent une destinée entière.

Pour déployer pleinement cette parole d'une exceptionnelle humanité, Marie-Thérèse Fortin et Olivier Kemeid ont réalisé un montage théâtral de ces mémoires. Gabrielle raconte son enfance au Manitoba, son travail d'enseignante dans des villages perdus, sa passion du théâtre qui la pousse à aller en Europe. Et c'est dans un Montréal gris, alors que la guerre s'apprête à éclater, qu'elle se pose seule, fragile, pour écrire.

Jeune, j'ai ardemment désiré étudier, apprendre, voyager.
Quelquefois encore je rêve à quelqu'un d'infiniment mieux que j'aurais pu être...
Gabrielle, acte 1, scène 6

Corps et âme
Marie-Thérèse Fortin porte magnifiquement sur scène un spectacle qui l'habite depuis longtemps. Alors qu'elle était jeune comédienne, elle a découvert La détresse et l'enchantement, autobiographie de Gabrielle Roy que l'auteure n'a pas eu le temps de voir paraître, la mort l'ayant emporté avant sa parution, elle s'est alors fait une promesse, celle d'en faire un spectacle un jour.

Marie-Thérèse Fortin porte ses paroles, sa voix d'écrivaine et de femme. Un savant mélange qui nous transporte dans la vie de détresse et d'enchantement de Gabrielle Roy. Elle plonge corps et âme, s'approprie les mots, nous livre les pensées les plus profondes de l'auteure avec une très grande sensibilité. Elle multiplie les rôles, incarne les multiples personnages pour transmettre, l'espace d'un instant, l'émotion, la douleur, le doute qui habite Gabrielle Roy.


Crédit photo: Yves Renaud
Quand donc ai-je pris conscience pour la première fois que j'étais, dans mon pays,
d'une espèce destinée à être traitée en inférieure?
Première réplique du spectacle

Cette première réplique colore tout le spectacle. Elle est porteuse de toute la détresse et de l'enchantement qui meublera la vie de Gabrielle Roy tout comme elle imprègne la pièce tout entière. La femme qui se cache derrière l'auteure est une exilée langagière dont la langue et l'accent seront un handicap qu'elle surmontera brillamment par des oeuvres et une langue écrite qui marqueront son époque.

Odyssée
La détresse et l'enchantement propose en 80 minutes top chrono, l'odyssée d'une vie faite de quête, d'amour et de sensibilité. Olivier Kemeid et Marie-Thérèse Fortin offrent un agréable survol de la vie de Gabrielle Roy.

Le récit de cette vie en accéléré est aussi celle des francophones de l'époque. Une espèce destinée à être traitée en inférieure, comme le disait si bien l'auteure elle-même. La langue française mise au ban de la société, sa langue à elle qu'elle portera si merveilleusement dans ses oeuvres. C'est à tout le moins ce que suggère son autobiographie. La langue y est magnifique. C'est d'ailleurs une des qualités de ce spectacle. Il donne le goût de se frotter à l'oeuvre de Roy. De la découvrir. De la goûter. De s'y plonger.

Crédit photo: Yves Renaud
Superbe éclairage
Les effets de lumière sont superbes. Ils magnifient cet espace immense dans lequel évolue la protagoniste. Ce vaste univers représente bien l'odyssée auquel le spectateur est convié. L'image de la traversée n'en sera que plus prégnante. Ce grand vide scénique laisse tout de même perplexe au début de la représentation. Tout cela disparaît rapidement dès que l'actrice entre en scène. Elle s'approprie le lieu et le fait vibrer alors que l'éclairage agit comme un comédien supplémentaire en créant de magnifiques ambiances. Le spectateur est subitement transporté dans un lieu qui prend forme en lumière et en couleurs.

Le déliement, magnifique, vient conclure cette traversée comme une vague qui emporte tout, alors que l'éclairage s'éteint doucement. Gabrielle Roy est partie subitement avant de voir son autobiographie publiée, le spectacle se termine alors qu'elle est debout dans la lumière qui s'éteint sur elle. Un départ un peu moins subi, comme on aurait aimé que ce fut le cas pour l'auteure.

Allez-y surtout si vous aimez: découvrir une de nos grandes auteures, Marie-Thérèse Fortin, les quêtes personnelles qui se confondent avec celles d'une époque, de magnifiques textes.

Au Trident jusqu'au 1er décembre. Avec Marie-Thérèse Fortin. Un montage dramaturgique de Marie-Thérèse Fortin et Olivier Kemeid. Une mise en scène d'Olivier Kemeid.

Bon théâtre et bonne danse!

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