samedi 19 janvier 2019

Bonne retraite, Jocelyne: noir portrait

Fabien Cloutier, auteur et metteur en scène, propose une version contemporaine et acide de la pièce Les voisins de Claude Meunier. Bien sûr, il ne s'en est pas inspiré comme tel, mais Bonne retraite, Jocelyne nous la ramène en tête dès les premières répliques.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Suzanne O'Neill
Synopsis (tiré du site web du théâtre La manufacture)
Jocelyne convoque les siens à une réunion familiale. Mais la nouvelle qu’elle désire annoncer tombe à plat. Les convives semblent davantage intéressés à donner leur avis sur le TDAH du collègue de Brigitte, la maltraitance des dauphins ou la peine d’amour de Keven qu’à nouer de véritables échanges. La rencontre sous tension revêt rapidement des allures de tribunal populaire. Dès lors, de vieux démons ressurgissent. 

Une confrontante rencontre de famille qui, dans un humour cinglant, questionne la culture du vide, les conversations futiles et les troublantes conséquences d’un monde pétri de jugements décomplexés. Une charge contre l’ignorance qui n’épargne personne.

Vide de la vie, vide de nos vies
La privation et la jalousie sont au coeur du dilemme qui mine la famille. Tout ça pourrait se résumé en un titre de chanson de Christophe Maé. Il est où le bonheur? Dans cette pièce, les personnages sont tristes, engoncés dans une vie qui ne leur convient pas. Et quand on tente de s'en sortir comme Jocelyne, les malheureux qui nous entourent, s'essaient à briser la petite bulle d'espoir, de libération qui vient tout juste de poindre. Portrait de société? La nôtre? Peut-être. Sans doute.

Tout ça laisse bien peu d'espoir surtout avec cette fin qui se termine au son d'un disque éraillé qui s'arrête sur une note qui n'en finit plus de rejouer. Malgré le fiel libéré et livré pendant la soirée de fête (vraiment?), chacun sait que demain sera comme le jour précédent. Il reprendra là où il avait laissé avant la soirée. Le masque du faux bonheur se pointera le nez à nouveau et rien, absolument rien, ne sera résolu.

L'auteur nous entraîne dans une voie de perdition qui laisse un goût amer.  L'image est tellement proche de notre quotidien que l'on s'y ennuie un peu. Et le dénouement déçoit. Après l'orage, le spectateur espère du beau temps. Mais il n'y en a point. Fabien Cloutier nous laisse en plan en quelque sorte. Espère-t-il une prise de conscience de notre part? La sortie de salle se fait avec le souvenir de quelques blagues bien placées sans plus. De réflexion, il n'y a point. Et cela déçoit amèrement.
 
Rien ne change vraiment
Le choix de mise en scène lors de la finale, s'il supporte bien l'image proposée précédemment, n'aide en rien à la réflexion. Les personnages qui quittent la soirée restent sur scène et disparaissent doucement dans la pénombre en attente d'un lendemain qui sera comme tous les autres. La conversation finale s'étire à l'occasion d'un discours fort banal, comme cela arrive régulièrement, avec le mononcle qui tient à rester encore un peu alors que l'hôte n'a qu'une envie... se coucher!

Le décor du duo Cooke-Sasseville fait de palmiers plastifiés, de faux rochers et de pitounes en styrofoam au milieu duquel trône un feu de camp électrique, nous ramène à l'époque de l'homme des cavernes. La fête familiale sera sous l'aulne des coups de griffes et de la brutalité physique, qui sera psychologique ici, qui animaient nos ancêtres. Une sorte de retour en arrière comme si la société, malgré tout le cliquant et la technologie ambiante, n'avait pas évolué d'un iota.

De belles performances
La distribution se débrouille admirablement avec un texte qui demande une attention de tous les instants, les répliques s'entrecroisant et se chevauchant. Vincent Roy, candide en fils attardé, Sophie Dion, fort juste dans son rôle de bouc-émissaire, Brigitte Poupart, superbe dans le rôle de l'odieuse soeur et Josée Deschênes, excellente en nouvelle retraité qui décide de se prendre en main, se démarquent.

La mise en scène de Fabien Cloutier ne réinvente certes pas le théâtre. Elle est plutôt statique et se limite très souvent, à des déplacements d'un côté à l'autre de la scène ou d'un amoncellement de roches, qui sert de fauteuil, à un bar installé côté jardin. Le minimalisme, métaphore d'un monde qui n'a pas évolué dans ses modes de pensées? Probable.

Allez-y surtout si vous aimez: rire jaune, Fabien Cloutier ou Josée Deschênes.

Au Trident jusqu'au 9 février. Avec Jean-Guy Bouchard, Josée Deschênes, Claude Despins, Sophie Dion, Lauren Hartley, Éric Leblanc, Brigitte Poupart, Vincent Roy et Lauriane S. Thibodeau. Un texte et une mise en scène de Fabien Cloutier.

Vous voulez en savoir plus sur le spectacle? Écoutez notre interview avec Sophie Dion ici (au tout début de l'émission du 7 janvier).

Bon théâtre et bonne danse!
Suivez-nous quotidiennement sur Twitter: @Enfantsparadis et @Rob_Boisclair

Aucun commentaire:

Publier un commentaire