lundi 4 mars 2019

Pour: transe utérine

Daina Ashbee et Paige Culley offrent un spectacle troublant qui confronte. La spectatrice comme le spectateur. Un spectacle qui verse dans l'origine de la vie, celle qu'affronte la femme et certainement pas l'homme. 

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Daina Ashbee
Synopsis (tiré du site web de La Rotonde)
Reconnue comme l’une des chorégraphes les plus prometteuses de sa génération, Daina Ashbee révèle avec audace et aplomb les univers intimes. Résultat d’un travail et de questionnements autour de son rapport au cycle menstruel, Pour lève le tabou sur les douleurs intimes et les résonances émotives qu’elles suscitent.

Paige Culley, hypnotisante interprète, y exhibe un corps animal, prisonnier d’un rituel douloureux. Dans un effort courageux qui ne peut relever que de la transe, la danseuse incarne inlassablement un cycle de violence en divers états de corps où ce dernier se fait instrument percussif. Si le spectacle tient de l’économie de moyens, le propos ne s’en trouve qu’exalté. Œuvre radicale à la lisière de la danse et de la performance, Pour convie à une expérience spirituelle à travers ce solo névralgique dansé avec un affront vivifiant.

Crédit photo: Daina Ashbee
Transe utérine
Ashbee et Culley proposent un solo à la fois animal et singulier. Proche de la transe, le mouvement se fait tantôt extrêmement ralenti, certains mouvements sont complètement stationnaires avec une Paige Culley qui regarde le public droit dans les yeux, alors qu'à d'autres moments la saccade déboule et Culley s'enroule et se déroule.

Véritable transe utérine que ce spectacle, qui amène le spectateur des premières douleurs, alors que Culley crie et que le public est dans le noir complet, à l'accouchement et à la libération totale de la douleur d'enfanter. Le public alors enfant entend les cris de souffrance de la mère. Puis les lumières s'allument, l'aveuglant. Le public/enfant voit la lumière au bout du tunnel. Il découvre la mère. Après une courte pause, Paige Culley s'agite doucement. Elle entre doucement dans les douleurs de la naissance jusqu'à l'accouchement et la libération.

Tout n'est que symboles. Mais ils sont bien là. Les convulsions, la douleur, la libération tout y passe. Les mouvements s'ils sont répétitifs et qu'il y a un effet d'accumulation, les mêmes gestes ou mouvements s'ajoutent les uns après les autres, créent une forme d'intensité dans l'émotion qui tient de l'intime.

Crédit photo: Daina Ashbee
Sublime Paige
Il y a une audace et un courage immense dans la performance que propose Paige Culley. Elle est à contre-courant et exige un effort de tous les instants. Faire dans le minimaliste avec des gestes restreints et ralentis exigent une immense force physique et de caractère. Sans oublier qu'elle interprète le tout complètement nue. Seule. Devant un public attentif et, peut-être aussi, un peu dubitatif. 

Rarement ai-je vu une salle aussi silencieuse et attentive à un spectacle de danse. On aurait entendu une mouche volée tellement le public était concentré. Peut-être était-il en transe lui aussi. Une chose est certaine Paige Culley n'a pas volé son titre de Prix de la danse de Montréal, catégorie Découverte 2017 pour son interprétation de Pour. Elle est sublime. Magnifique. Une danseuse hors-pair.  

Le spectacle n'est cependant pas pour tous. Il peut en rebuter plusieurs. Si vous êtes un adepte de la danse contemporaine plus dynamique ou athlétique, vous ne serez certainement pas très heureux de celui-ci. Si, par contre, vous aimez la danse qui sort des sentiers battus, qui s'offrent en émotions ainsi qu'en pas obscurs et confrontants, vous adorerez.

Crédit photo: Daina Ashbee
Allez-y surtout si vous aimez: la vulnérabilité sur scène, confronter vos inconforts, les spectacles audacieux et symboliques.

À La Rotonde jusqu'au 7 mars. Avec Paige Culley. Une création, une chorégraphie et une scénographie de Daina Ashbee.

Vous voulez en savoir plus sur le spectacle? Écoutez notre interview avec Paige Culley ici (au tout début de l'émission du 25 février).

Bon théâtre et bonne danse!
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