mardi 4 juin 2019

Granma. Les trombones de La Havane: générations croisées

L'histoire de Cuba contée au travers des yeux de deux générations qui s'aiment mais qui ne voient pas nécessairement les choses du même oeil. Grands-parents et petits-enfants échangent par voie de vidéos sur Cuba, sa révolution et ce que le pays est devenu. Les constats ne sont pas nécessairement les mêmes mais l'espoir d'un avenir meilleur, toujours présent.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: Dorothea Tuch
Synopsis (tiré du site web du Carrefour international de théâtre de Québec)
Depuis la mort de Fidel Castro, Cuba s’ouvre de plus en plus au reste du monde et connaît des bouleversements profonds dans toutes les sphères de sa société. Rompu à l’approche documentaire, Stefan Kaegi, du collectif Rimini Protokoll, a vu dans ce moment charnière de l’histoire du pays un terreau fertile. Grâce à l’initiative du Laboratorio Escénico de Experimentación Social, basé à La Havane, le metteur en scène a rencontré certains des petits-enfants des révolutionnaires des années 1950. Quatre d’entre eux ont été retenus et invités à collaborer à la création de cette œuvre qui retrace le chemin de la révolution cubaine d’hier à aujourd’hui, par le prisme des récits familiaux traversant les générations.

Âgés d’à peine trente ans, les descendants des compagnons de la Revolución entrent dans la peau de leurs grands-parents pour raconter le pays à travers leur vie et leur histoire et… ils jouent du trombone! L’apprentissage de cet instrument de musique emblématique des fanfares militaires de l’île relève d’une forme d’utopie dont l’écho résonne avec l’idéal révolutionnaire cubain, qui peine à survivre au passage du temps.

Voici un objet scénique hors norme absolument fascinant où réalité et fiction glissent l’une dans l’autre pour donner naissance à un émouvant pèlerinage historique et humain. Les protagonistes y empoignent d’un même élan le passé, le présent et le futur. Ils interrogent l’héritage social laissé par le mouvement castriste, rendent hommage au parcours de leurs familles, puis donnent vie à leurs propres aspirations, à leur quête d’un monde plus juste, pour finalement rêver tout haut le Cuba de demain.
Crédit photo: Dorothea Tuch
Constats et questionnements
Granma, c'est le bateau qui a ramené en terre cubaine Fidel Castro en compagnie de 81 compagnons pour faire la révolution. C'est aussi, le nom du seul quotidien cubain, organe du parti communiste, depuis 1965. Pendant plus de deux heures, quatre protagonistes, petits-enfants de la génération révolutionnaire des grands-parents, discutent de l'arrivée de ce Granma en terre cubaine et des soixante années qui ont suivi.

D'ingénieuse façon, ces quatre trentenaires entretiendront une conversation avec leurs grands-parents sur Cuba et son histoire. Une réflexion tout en douceur qui se fera par la magie de la vidéo avec les grands-parents. Si la mise en scène use de féerie, les trombones se transforment en différents objets, du bâton de golf à l'arme d'assaut, une machine à coudre devient un calendrier où défile les années et une bouteille d'eau devient bâton de baseball, elle est bien statique et manque de rythme à de nombreuses occasions. Les intermissions musicales des trombonistes, bien que sympathiques, n'insufflent guère de dynamisme à l'ensemble.

L'histoire cubaine revisitée par ces parcours et visions intergénérationnels est fort intéressante. Les constats et les questionnements foisonnent. On en apprend beaucoup, de manière un peu trop didactique cependant, sur l'histoire de ce pays mais ce qui est encore plus intéressant ce sont les questionnements. En bout de course, la nouvelle génération fait sa révolution à sa manière, mais elle se questionne et veut que les choses changent. 

Crédit photo: Ute Langkafel MAIFOTO
Sincérité et naturel
Un des éléments forts de cette production est la sincérité et le naturel des jeunes non-acteurs de cette production. Ils n'ont pas de formation d'acteurs mais parlent avec verve de leur pays qu'ils aiment profondément. On le sent bien à chacune de leur intervention.

La présence de deux grands-parents via la magie de la vidéo est également rafraîchissante. Elle permet un quasi-véritable dialogue, la vidéo étant pré-enregistrée, entre les deux générations. Encore une fois le naturel des intervenants séduit. Une magnifique façon de faire le point sur l'histoire. Rien n'est noir. Rien n'est blanc. Mais l'échange, l'écoute et l'admiration de la jeune génération, qui n'en est pas moins critique de celle de la révolution, sont au coeur de ce documentaire.

Il s'agit bien plus d'un documentaire que de théâtre. Le modus operandi du spectacle se colle très peu à celui du théâtre, même s'il si apparente. L'histoire défile simplement par l'entremise de destins familiaux qui se déroulent en parallèle. On se promène de témoignages en anecdotes et le fil qui relie tout ça est Cuba.

Granma. Les trombones de La Havane est un docu-réalité qu'il vaut la peine de voir. La jeunesse cubaine est belle à voir. Elle est courageuse, remplie d'espoir et de rêves. Ne serait-ce que pour cela, le déplacement en vaut la peine. Le spectacle a bien d'autres qualités pour ne pas hésiter à se rendre à la Salle Multi de Méduse aujourd'hui avant que le spectacle ne disparaisse.


Allez-y surtout si vous aimez: le documentaire, les petites histoires derrière les grandes, découvrir les dessous de l'histoire cubaine, les créations collectives, les histoires qui viennent du coeur.

Dernière représentation le 5 juin à la Salle Multi de Méduse dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec. Avec Milagro Álvarez Leliebre, Daniel Cruces-Pérez, Christian Paneque Moreda, Diana Sainz Mena. Une conception et une mise en scène de Stefan Kaegi.


Vous voulez en apprendre plus? Écoutez notre interview avec Stephan Kaegi vers la quarantième minute de l'émission du 27 mai.

Bon théâtre et bonne danse!
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