vendredi 27 septembre 2019

Lentement la beauté: par petites touches

Quand le théâtre ouvre et panse une plaie cela donne un superbe moment, un plaisir théâtral tout en douceur. Lentement la beauté le réussit en douceur, par petites touches. Lentement, la beauté s'installe, celle d'un bonheur intérieur enfin trouvé.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Crédit photo: Nicola-Frank Vachon
Synopsis (tiré du site web de La Bordée)
L’Homme, fonctionnaire, est dans la mi-quarantaine. Sa vie est sur la vitesse de croisière. Jusqu’à sa retraite. Tout va bien sauf que… un mal-être qu’il ne peut identifier. Donc, il n’en parle pas. Puis il gagne deux billets de théâtre pour aller voir Les trois sœurs… et Tchékhov mettra en mots lumineux son trouble intérieur. Son regard sur sa vie ne sera plus jamais le même.

Créée il y a plus de quinze ans, Lentement la beauté a marqué tous ceux et celles qui l’ont vue. Récipiendaire de nombreux prix, dont le Masque de la meilleure production au Québec, cette ode à la vie et au théâtre infuse lentement en nous ce sentiment profond que l’art et la beauté sont essentiels à notre existence.


Crédit photo: Nicola-Frank Vachon
Bonheur intérieur
Le bonheur intérieur est ce qui transpire de cette pièce. L'histoire est banale, la découverte se fait sans grands éclats, la transformation se fait en douceur et est très peu visible mais elle est bien là. Dans l'attitude, le regard, le temps de pause pris et quelques interrogations somme toute bien banales. 

C'est dans cette transformation subtile qu'Hugues Frenette excelle. Il est le pivot de cette pièce, le coeur vivant de cette transformation. Il a su incarner par un regard, un geste posé ou une réplique donnée avec une intonation légèrement différente des précédentes alors qu'il vivait sa vie banale et ennuyante cette magnifique transmutation, sa renaissance. Son bonheur est intérieur. Sa transformation se fait en douceur, par petites touches. À la manière d'un peintre, il a construit une fresque que l'on contemple et qui, tout doucement, pénètre en nous.

Le reste de la distribution n'est pas en reste dans une multitude de rôles. Les transformations sont claires, sauf peut-être une fois où l'on se questionne à savoir qui est ce personnage. Les comédiens offrent des personnages, qui dans un vêtement, qui dans un accent, Nathalie Séguin y excelle, qui dans un mouvement, se transforment complètement. 


Crédit photo: Nicola-Frank Vachon
Lentement la beauté ne laisse pas indifférent. La pièce en conforte certains, c'est mon cas, dans leur choix, dans leur propre transformation intérieure. Elle en interroge d'autres qui se questionnent, qui se remettent en question. C'est le cas de quelques-unes de mes connaissances qui ont vu la pièce.

Michel Nadeau, le metteur en scène et l'un de auteurs, le réussit dans une mise en scène sobre et efficace. Un va-et-vient rapide fait la démonstration de la vie qui défile vite et de l'ennui de cet homme, au nom générique de M. L'Homme, perdu dans la foule. Ce décor unique qui devient tous les lieux fait la démonstration que d'un lieu à l'autre, la même tristesse habite M. L'Homme. L'ensemble de la distribution, sauf Hugues Frenette, qui interprète moult personnages, fait la démonstration que tout est interchangeable.

Lentement la beauté n'est pas un spectacle aux grands éclats. Ce n'est pas la pièce qui séduit les critiques et que l'on vantera ad nauseam pour ses effets spéciaux. Ce n'en est pas moins une pièce marquante. Une pièce qui laisse une trace indélébile. Qui touche au plus profond de soi. Qui reste en soi.

Si elle a connu un tel succès à sa création, c'est qu'elle est universelle et qu'elle transforme celui ou celle qui s'installe dans la salle pour la découvrir. Allez-y ne serait-ce que pour savoir de quoi il s'agit et vous en serez, sans doute, un peu transformé à la sortie de la salle.

Allez-y surtout si vous aimez: les pièces qui questionnent, vivre de beaux moments, revoir une pièce qui vous a marqué, découvrir ce que peut-être le sens de la vie, de votre vie.

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon
Jusqu'au 12 octobre à La Bordée. Avec Charles-Étienne Beaulne, Claude Breton-Potvin, Hugues Frenette, Véronika Makdissi-Warren, Marc-Antoine Marceau et Nathalie Séguin. Un texte de Michel Nadeau, en collectif avec Marie-Josée Bastien, Lorraine Côté, Hugues Frenette, Pierre-François Legendre, Véronika Makdissi-Warren et Jack Robitaille.. Une mise en scène de Michel Nadeau.

Bon théâtre et bonne danse!
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