jeudi 24 octobre 2019

Amour Amour: histoire de corps

Dans un univers aseptisé et dénué de codes, cinq nouveau-nés évoluent dans un monde qu'ils apprennent à connaître. Une écriture de plateau à la fois intéressante et déconcertante.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: David Mendoza Hélaine
Synopsis (tiré du dossier de présentation de la pièce)
Un groupe d’individus se réveille dans un lieu aseptisé après avoir perdu toutes traces du passé, tous souvenirs et toutes facultés de communication. Puis, une lumière colorée et une voix surgissent : « Il est maintenant possible de recommencer à zéro. Tout a été effacé avec succès. Il est temps de réapprendre à être bien avec soi, pour mieux vivre ensemble. »

La compagnie Kill ta peur s’intéresse ici, pour sa deuxième création, aux pulsions humaines; celles qui sont conditionnées par l’environnement et celles qui sont intrinsèques. Quelle place prend la partie instinctive, individuelle et « originale » qui perdure en nous, malgré le milieu dans lequel nous évoluons? Est-il possible pour des individus dénués de tous référents sociaux de s’organiser de manière organique? Sans intervention nécessitant une certaine forme de rigidité et de cruauté? Peut-on annihiler les mémoires corporelle et intellectuelle d’un humain? L’instinct demeure-t-il plus fort que les tentatives d’influence et de manipulation? Prend-il toute la place ?

Grâce à Amour Amour, le tout nouveau programme de Renaissance, les participants accéderont enfin à une forme de renouveau. Si tout se passe comme prévu, elles et ils deviendront la Femme et l’Homme de demain ; plus performants, plus spécialisés, plus harmonieux. À moins qu’il n’y ait révolte…
Crédit photo: David Mendoza Hélaine
Déconcertante (re)naissance
Si le questionnement de base, mieux comprendre les comportements sociaux et les codifications sociales qui nous conditionnent, la démarche est quelque peu déconcertante. Cette histoire de corps, le texte est peu présent voire inexistant pendant de longs moments, dure environ deux heures et, ma foi, est quelque peu longue. Il y aurait intérêt à resserrer le tout. Et à le rendre plus digestible.

En interview aux Enfants du paradis, Gabriel Cloutier Tremblay, l'auteur et metteur en scène, mentionnait qu'il ne renouvelait pas les questionnements sur le sujet. S'il invite le spectateur dans un univers aseptisé où tout est à découvrir et propose une naissance, ou renaissance on ne sait trop, l'auteur et metteur en scène aurait pu nous amener ailleurs visuellement ou narrativement puisque les interrogations ne sont pas nouvelles.  Or, ce n'est pas le cas. Le spectacle s'avère donc long. Notre intérêt s'émousse au fil du temps et on quitte la salle en restant sur son appétit.

Gabriel Cloutier Tremblay aurait sans doute eu intérêt à s'attacher à un metteur en scène. Cela lui aurait donné une autre vision, une inventivité différente. Amour Amour est un spectacle en mouvance qui gagnera à être peaufiné. 
Crédit photo: David Mendoza Hélaine
Histoire de corps
Puisqu'il n'y a pas ou peu de texte, l'écriture du spectacle passe par le plateau et donc par les corps. Cette écriture est fort intéressante et bien rendue. Elle passe par les expressions faciales et corporelles. Gabriel Cloutier Tremblay et Ariane Voineau ont réussi un beau travail à cet égard.

Les corps parlent. Ils sont l'élément déclencheur et les réponses aux questionnements que pose une voix robotisée. Ils explorent avec leur sens, nous font découvrir les objets de notre quotidien, qui apparaissent discrètement par on ne sait qui, dans des utilisations parfois inusitées mais qui toujours amènent un questionnement sur les codes qui gèrent notre quotidien sans que l'on ne s'en rende toujours compte. Manipulation et conditionnement sont amenés subtilement. Même si, parfois, l'effet désiré est trop subtil.

Un spectacle pour le curieux ou les adeptes du théâtre expérimental qui n'est pas dénué d'intérêt. Espérons une version 2.0 qui amènera plus de spectateurs à ce spectacle, car le questionnement de base est plus qu'intéressant.

Allez-y surtout si vous aimez: le théâtre de type expérimental, être déconcerté, les questionnements autour du conditionnement sociétal.

Jusqu'au 2 novembre à Premier acte. Avec Lé Aubin, Claude Breton-Potvin, Ariel Charest, Catherine Côté, Miguel Fontaine et Sarah Villeneuve-Desjardins. Un texte et une mise en scène de Gabriel Cloutier Tremblay.

Vous voulez en apprendre plus? Écoutez notre interview avec Gabriel Cloutier Tremblay et Ariane Voineau au tout début de l'émission du 21 octobre.

Bon théâtre et bonne danse!
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