dimanche 27 février 2022

Théâtre clownesque et tourbillon de boîtes de cartons

Le Théâtre jeunesse Les Gros Becs offre à son public Attention: Fragile, une pièce qui s'intéresse à la surconsommation par le biais de l'art clownesque.

Un billet de Robert Boisclair (largement inspiré du communiqué de presse)
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Suzane O'Neill

De la belle et douce folie au menu
La folie s’amène au Théâtre jeunesse Les Gros Becs avec la présentation d’Attention: Fragile du 1er au 13 mars prochain! Cette pièce clownesque met en scène deux personnages qui se retrouvent dans un tourbillon excessif de boîtes de cartons, un brouhaha d’objets hétéroclites soulevant la question de la (sur)consommation. Une dramaturgie euphorisante destinée pour un public de 5 à 10 ans, à voir avec toute la famille pendant la relâche!

Synopsis
Un livreur apporte deux personnages sur scène. Sur leurs boîtes sont inscrits «Attention» et «Fragile»: deux mots qui deviendront tout naturellement leurs noms. Très rapidement, on leur livre le kit de base pour installer leur bureau. Mais alors qu’ils tentent de se familiariser avec leur espace et de comprendre les principes de leur soudaine existence, un catalogue tombe sous leurs yeux ébahis. Solde! Aubaine! Un florilège d’objets s’offre à eux. Ils ont tout à coup soif de consommation et surtout, de café́. À travers un brouhaha d’objets hétéroclites, les deux êtres rigolos improvisent leur nouvelle vie et tentent tant bien que mal de ne pas trop se cogner.

Crédit photo: Suzane O'Neill

Un spectacle déjanté
Ayant comme point de départ la construction de soi et les chantiers que l’on croise aux quatre coins de la ville, les idéateurs du spectacle Liliane Boucher (direction artistique – Samsara Théâtre) et Jean-François Guilbault (codirection générale et direction artistique – L’Arrière Scène) proposent avec Attention: Fragile une pièce déjantée ayant pour thème la surconsommation. Une pièce juste assez caféinée où l’on mélange l’euphorie et l’esprit critique et où l’on retrouve un public aussi indigné qu’amusé!

Extrêmement vivant, ce spectacle aux mille folies s’est bâti à partir d’improvisations, en s’inspirant notamment d’Espèces d’espaces, un ouvrage datant de 1974 écrit par Georges Perec.


Crédit et information 
Attention: Fragile
Du 1er au 13 mars
Pour les 5 à 10 ans
50 minutes

Horaire des représentations familiales: • [En supplémentaire] Dimanche 6 mars, 11h • Jeudi 10 mars, 13h30 • [En supplémentaire] Dimanche 13 mars, 11h

Idéation: Jean-François Guilbault et Liliane Boucher
Interprétation: Anne Trudel, Jean-François Guilbault et Guillaume St-Amand
Mise en scène: Liliane Boucher
Lumière: Cédric Delorme-Bouchard
Scénographie et graphisme: Kevin Pinvidic
Assistance à la scénographie: Alix Brenneur
Musique: Michel Smith
Costumes: Linda Brunelle
Assistance à la mise en scène: Gabrielle Girard
Régie: Romane Bocquet

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vendredi 25 février 2022

Une 2e saison pour Dans l'eau chaude

 Le théâtre Parabole, Premier Acte et CKRL 89,1 présentent dès le 14 mars la deuxième saison du balado Dans l'eau chaude.

Un billet de Robert Boisclair (largement inspiré du communiqué et du dossier de presse)
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Jean Soulard et Blanche Gionet-Lavigne
Crédit photo: David Fuenz

Le retour de chefs dans l'eau chaude!
Suite au succès médiatique et à l’engouement du public pour la saison 1 avec plus de 25 000 écoutes, le balado Dans l’eau chaude est de retour pour une deuxième saison qui vous plongera au cœur des services les plus mémorables de l’histoire de la restauration. Cinq nouveaux souvenirs épiques vous seront racontés par des personnalités connues du monde de la restauration.

Cette deuxième saison dévoile ainsi les dessous des services mémorables des réputés chefs Bob le chef du Restaurant Georgio’s à Montréal, Antonin Mousseau-Rivard du Restaurant Le mousso également à Montréal, Jean Soulard du château Frontenac à Québec, Marysol Foucault du restaurant Chez Edgar à Gatineau et de la critique culinaire Lesley Chesterman à The Gazette et Ici Première.

Après la première saison de Dans l’eau chaude, qui a connu un beau succès
(plus de 25 000 écoutes sur les plateformes et à la radio), je ne pensais pas
être capable de trouver cinq autres histoires aussi croustillantes… Je suis bien
heureuse d’avouer que j’étais… dans les patates!

Mes nouveaux invités m’ont encore une fois prouvé à quel point les travailleurs de la restauration sont de véritables guerriers : service après service, soirée après soirée. Au moment d’écrire ces lignes, les restaurants sont fermés et les théâtres aussi. C’est donc tout un privilège que j’ai eu de m’entretenir avec cinq des plus grandes personnalités
du monde culinaire pour qu’elles me racontent le pire service de leur carrière,
à deux mètres de distance, directement dans leur salon. Ceux qui ont aimé le
côté théâtral de la première saison seront comblés, la recette n’a pas changé!
Neuf nouveaux interprètes feront à leur tour les reconstitutions de ces soirées
rocambolesques.

Ce projet me tient beaucoup à cœur, je dirais même qu’il fait maintenant partie de
moi. Ayant travaillé longtemps en service, je désire, à travers ce projet, dévoiler
la face cachée du monde de la restauration et rendre hommage à ces travailleurs
de l’ombre qui en arrachent présentement. Je propose donc aux auditeurs un
voyage sonore unique et des récits somme toute divertissants en cette période
morose. Les récits sont à la fois drôles et touchants, à savourer sans modération.
Je suis ravie de vous donner rendez-vous pour cette deuxième saison de Dans
l’eau chaude, un balado-théâtre au cœur d’un service qui tourne au vinaigre.
Blanche Gionet-Lavigne

Une série qui vaut le détour
Écrit, animé et réalisé par Blanche Gionet-Lavigne, Dans l’eau chaude est une série de cinq épisodes en audio 3D, où l’auditeur est plongé «dans l’eau chaude», c’est-à-dire au centre du chaos. Une équipe de 9 interprètes en studio d’enregistrement recrée les moments marquants de ces soirées mémorables. Chaque histoire possède un style musical unique et une trame sonore originale.

Avec cette série audio, Blanche Gionet-Lavigne, qui a également travaillé plus de 10 ans en restauration, souhaite rendre hommage aux travailleurs de la restauration et démontrer comment, même dans les situations les plus difficiles, ils arrivent à se tenir la tête hors de l’eau.

En primeur à l’émission En aparté, chaque lundi du 14 mars au 11 avril, dès 19h, sur les ondes de CKRL 89,1. Chaque épisode sera ensuite disponible sur la plupart des grandes plateformes de baladodiffusion – chaîne de Premier Acte, ainsi que sur La Fabrique culturelle.

Des restaurateurs prêts à tout pour sauver leur institution
Cinq épisodes, cinq soirées mémorables pour le meilleur et pour le pire!

ÉPISODE 1 - ANOTHER PIZZ’ IN THE WALL
Chef invité : Bob le Chef (Giorgio’s Pizza, Montréal)

Crédit photo: David Fuenz

Diplômé de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), Robert James Penny, alias Bob le Chef, a roulé sa bosse dans plusieurs restaurants réputés. Présent à la télé, à la radio et en librairie, il sévit aussi sur le web avec son Anarchie Culinaire. Éternel ado, son but est d’initier les jeunes à l’art culinaire.

Résumé : En 1994, Robert James Penny, alias Bob le Chef, tente de survivre au service apocalyptique qui précède un concert de Pink Floyd au Stade olympique. Lorsqu’une pizza gigantesque est commandée, le cauchemar se transforme en récit épique où la cuisine et la salle recréent une chorale à l’unisson.

C’est la meilleure mauvaise soirée que j’ai passée dans une cuisine de toute ma vie. Pis si j’avais à la refaire, je ferais exactement pareil!
Bob Le Chef

ÉPISODE 2 - LE CAUCHEMAR D’ANTONIN MOUSSEAU-RIVARD
Chef invité : Antonin Mousseau-Rivard (Le Contemporain, Montréal)
 
Crédit photo: David Fuenz

Chef et copropriétaire de l’incontournable restaurant gastronomique Le mousso. Antonin Mousseau-Rivard vient d’une famille d’artistes d’influence, fils de la comédienne Katherine Mousseau et de l’auteur-compositeur-interprète Michel Rivard,il est également le petit-fils de l’artiste peintre Jean-Paul Mousseau, cosignataire du Refus Global. Antonin Mousseau-Rivard est un des chefs les plus prometteurs de sa génération.

Résumé : Lors d’un banquet servi à un groupe de gens d’affaires américains imprévisibles, Antonin Mousseau-Rivard s’effondre sous une pression insoutenable. Pleurant en petite boule dans sa cuisine, il se promet alors de partir un jour avec sa mère son propre restaurant.

À un moment donné, je me suis mis la main sur la tête, je me suis arraché les cheveux.
J’ai commencé à me dire «Ça y est, c’est la fin de ma carrière!»
Antonin Mousseau-Rivard

ÉPISODE 3 - LES JUJUBES DU PRÉSIDENT
Chef invité : Jean Soulard (Fairmont Le Château Frontenac, Québec)

Crédit photo: David Fuenz

Maître cuisinier de France, Jean Soulard a travaillé dans des maisons étoilées dans le monde entier avant de s’installer au Québec en 1979. Petit-fils d’aubergistes et de boulanger, il s’est allié avec des producteurs locaux et a installé un toit vert au sommet du Château Frontenac dont il a dirigé les cuisines pendant 20 ans.

Résumé : Quand Jean Soulard doit recevoir le président américain Ronald Reagan au Château Frontenac, rien n’est laissé au hasard. Mais dans cette réception que l’on croyait sans faille, un détail devient la bévue de la soirée : les précieux jujubes du président.

On est dans la marde de partout, et puis c’est les jujubes qui sont importants!
Jean Soulard 

ÉPISODE 4 - LA COMPÉTITION FÉROCE DE MARYSOL FOUCAULT
Cheffe invitée : Marysol Foucault (Edgar, Gatineau)

Crédit photo: David Fuenz

Cheffe propriétaire du restaurant Edgar à Gatineau, Marysol offre une cuisine inventive, qui a été remarquée, avec raison. Le plus petit restaurant de la région est aussi celui qui fait le plus parler de lui.

Résumé : Invitée à participer à la prestigieuse compétition culinaire Gold Medal Plates à Ottawa, Marysol Foucault devra affronter les humiliations de ses compétiteurs et les obstacles insurmontables pour se tailler une place parmi les meilleurs.

Au moins si je perds, je vais perdre en ayant fait quelque chose dont j’étais fière et qui me représente!
Marysol Foucault

ÉPISODE 5 - LA BONNE ÉTOILE DE LESLEY CHESTERMAN
Cheffe invitée : Lesley Chesterman (Angus Noir, Montréal)

Crédit photo: David Fuenz

Cheffe pâtissière, critique gastronomique et chroniqueuse gourmande, Lesley Chesterman a écrit au journal montréalais The Gazette pendant 20 ans. La critique la plus connue du Québec nous partage les hauts et les bas de son métier à travers une histoire touchante.

Résumé : Alors que la critique culinaire Lesley Chesterman traverse un des pires moments de sa vie, elle s’arrête manger dans un restaurant presque vide de la rue Laurier. Elle rédige une critique qui changera le cours des choses.

C’était la semaine la plus déprimante de ma vie. Et cette soirée-là, de voir que j’ai fait quelque chose de bien pour quelqu’un dans un moment aussi triste, ça a tout changé!
Lesley Chesterman

Crédit et information 
Dans l'eau chaude
Du 14 mars au 11 avril

Texte et mise en scène – Blanche Gionet-Lavigne
Conseiller dramaturgique – Alexandre Fecteau
Animation, texte, recherche, montage et réalisation – Blanche Gionet-Lavigne
Direction de production – Cassandra Duguay
Mixage et conception sonore – Samuel Sérandour
Prise de son, montage et bruitage – Yves Dubois
Conseiller artistique et prise de son des entrevues –  David Fuenz
Recherche et coordination – Gabriel Sauvé 
Illustration et graphisme – Julien Baveye
Distribution – Ariel Charest – Mustapha Aramis – Jeanne Gionet-Lavigne – Éric Leblanc – Raymonde Gagnier – Emmanuel Bédard – Vincent Massé-Gagné – Ian Thibault – Gaïa Cherrat Naghshi. 

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jeudi 24 février 2022

Les muses orphelines: psychodrame puissant et enivrant

 La Bordée ouvre sa saison hiver-printemps avec une pièce au charme fou. Retour sur un magnifique soir de première.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Synopsis (tiré du site web de La Bordée)
1965. St-Ludger-de-Milot. Lac St-Jean. Isabelle était toute jeune quand sa mère a quitté la maison, il y a 20 ans. Pour la protéger, on lui a fait croire qu’elle était morte. Mais Isabelle reçoit l’appel téléphonique d’une femme inconnue… Et elle décide de convoquer ses soeurs et son frère qui ne se sont pas vus depuis des années.

Des orphelins. Sans repères autres que les conventions sociales, sans modèles ; ils se sont élevés seuls. Ce sont les laissés-pour-compte du village. Ceux qu’on pointe du doigt. Ceux que la mère a abandonnés. Les marginaux de la savane. Mais Michel-Marc Bouchard les aime. Et avec l’esprit et la plume qu’on lui connaît, il nous les fait aimer, et fait d’eux une image du Québec qui traverse le temps.

Y dit qu'on l'inspire. Y dit qu'on est des «muses». Des muses, c'est des femmes qui aident quecqu'un à trouver des idées. C'est lui qui dit ça. Y dit qu'on va l'aider à finir son livre, Correspondance d'une reine d'Espagne à son fils.

En première partie: MAJORITÉ 2070
En première partie de la pièce, découvrez une création de Samuel Corbeil. L’auteur et metteur en scène du projet, a rencontré des jeunes adultes afin de les interroger sur la manière dont ils imaginaient le monde en 2070. À partir de ces entretiens, et au détour d’une pandémie mondiale qui l’a mené à réfléchir à son propre rapport aux technologies, il a écrit cinq courtes scènes de science-fiction d’environ sept minutes qui seront jouées avant chacune de leurs cinq productions. Des comédiens et comédiennes d’expérience incarneront ces jeunes dans un futur lointain.

Voici la troisième présentée en première partie des Muses orphelines: Any demande de l’aide à EMMA, son système d’intelligence artificielle, afin de formuler des souhaits d’anniversaire pour sa nièce qui a 18 ans aujourd’hui. Dans le rôle d’Any : Véronique Aubut.

En quête de la mère
Vingt ans se sont écoulés depuis l’abandon de quatre enfants par la mère. Le temps s’est figé. Rien n’a changé. Cet abandon nourrit chaque geste, chaque moment de la vie de ces enfants depuis tout ce temps.

Ils sont quatre perdus dans leur passé qui est aussi leur présent. Catherine, c'est la mère de substitution. Luc, le seul fils, fantasme la mère en reine espagnole tout en se perdant et se drapant dans ses lubies. Martine, la soldate, fuit en avant et se perd dans une quête de liberté en fuguant le foyer le plus loin possible.

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Isabelle est en quête d’émancipation et cherche à comprendre le sens des mots puisqu'il y a vingt ans, son frère et ses soeurs les ont utilisés pour lui cacher la vérité sur l'absence de la mère. Sans elle, la rencontre n’aurait pas lieu. L'occasion de faire table rase du passé ou de s’entredéchirer autour des souvenirs qu’ils se sont fabriqués, ou pas, sur cet abandon de la mère.

Quatre cœurs et âmes déchirés par cette absence provoquée par la quête de liberté de la mère. Profondément blessés les quatre enfants maintenant adultes se battent pour comprendre cet abandon qu’ils n'ont jamais accepté. Et les conséquences sont tragiques. Ils vivent dans le mensonge. Ils s'y perdent. Ils renient le passé pour en créer un nouveau qui leur convient mieux et qui permet d’atténuer la douleur ou de la cacher.

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

La puissance des mots
Les muses sont orphelines de mères mais elle cherchent à dire, à exprimer leurs peines et leurs désarrois. Les mots sont donc importants. Les muses veulent comprendre. Les mots expriment l’indicible, l’incompréhensible.

Les dialogues sont cinglants et touchants. La langue de Bouchard sonne merveilleusement bien. Elle est musicale. Elle frappe juste. Ses mots sont douleur et amour. Sa langue riche et efficace frappe fort à chaque réplique. Le poids du passé sur le présent se joue autant dans la puissance des mots que sur le jeu des comédiens et la magnifique scénographie. 

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Mise à mort ou règlement de comptes?
Les personnages jouent dans un carré bordé de ce qui semble être du bran de scie, possiblement une allégorie des larmes qu’ils retiennent, et derrière lequel se trouve deux maisonnettes en forme d'abri. Le toit comporte de larges poutres de bois qui forment une sorte d’escalier que les protagonistes utiliseront régulièrement pour se déplacer ou s’asseoir. Cet espace, à la fois sécurisant et étouffant, fait penser à une arène de corrida avec ses estrades pour les spectateurs. Lieu idéal pour le drame qui se joue devant nous. Refuge et piège à la fois où chacun pourra régler ses comptes et où, peut-être, il y aura une mise à mort. L’éclairage, magnifique, et la scénographie toute en simplicité laissent toute la place au texte et c'est fort judicieux.

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Le quatuor d’acteurs qui s'affrontent dans l'arène, malgré quelques faiblesses en début de représentation, interprète des personnages touchants, forts et faibles à la fois. Les performances sont solides et marquent les esprits. Pierre-Olivier Grondin est sublime dans le rôle de Luc. Son interprétation oscille intelligemment entre la folie des lubies de Luc, son ardent besoin d'être aimé par une mère qu'il sublime par-dessus tout et le désarroi de la découverte de la véritable histoire de sa mère. Il ne sombre jamais dans la caricature ou dans l'émotion à outrance. Il est un véritable virtuose. Les trois comédiennes offrent également de solides performances.

L’éclairage de fond de scène et des nuages amovibles qui se ferment ou s'ouvrent au gré des combats qui se déroulent au coeur de l'arène, modulent non seulement le temps qui s’écoule mais également les émotions et les moments forts de la pièce. Le dénouement où Catherine console doucement Luc est un magnifique instant où le duo éclairage et nuages amplifient efficacement un moment touchant. Une magnifique conclusion à un superbe spectacle.

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Allez-y surtout si vous aimez: les rencontres cathartiques, les mises en scène efficaces, découvrir de nouveaux talents, la puissance des mots, le théâtre qui fait réfléchir, la langue pleine de tendresse et de violence de Michel Marc Bouchard, les performances de haut vol.

Jusqu'au 19 mars à La Bordée. Avec Inez Sirine Azaiez, Ariel Charest, Natalie Luz Fontalvo et Pierre-Olivier Grondin. Un texte de Michel Marc Bouchard. Une mise en scène d'Amélie Bergeron. Un décor de Vano Hotton. Éclairage et vidéo: Keven Dubois.

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mercredi 23 février 2022

L'envers, les coulisses d'un restaurant en crise

 Après avoir présenté le balado Dans l’eau chaude, l’équipe du théâtre Parabole poursuit sa réflexion sur le milieu de la restauration en proposant la pièce de théâtre L’envers, qui dévoile les coulisses d’un restaurant qui traverse le pire service de son histoire. 

Un billet de Robert Boisclair (largement inspiré du communiqué de presse)
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Restauration et théâtre se rencontre à Premier acte
Comme pour la création du balado, l’autrice et metteure en scène du spectacle, Blanche Gionet-Lavigne, souhaite créer un dialogue entre le milieu de la restauration et celui du théâtre, deux milieux qui ont beaucoup de points en commun.

J’ai travaillé plus de dix ans en restauration. J’ai vu de quoi ça peut avoir l’air, de l’autre côté du décor, quand ça dérape : une véritable magie s’opère. La pièce La cuisine, d’Arnold Wesker, et le roman Le plongeur, de Stéphane Larue, sont deux œuvres coups de cœur qui m’ont beaucoup inspirées. Je suis très fébrile à l’idée de parler d’un milieu fascinant qui m’habite encore aujourd’hui. L’envers est un projet très ambitieux qui comprend une conception sonore mixée en partie en direct et des ambiances olfactives. Ce qu’on veut offrir aux spectateurs, c’est vraiment une expérience théâtrale entière.
Blanche Gionet-Lavigne

L’envers nous plonge dans un restaurant en plein service. Une nouvelle serveuse en formation, une chef absente des cuisines, une salle pleine à craquer, des clients mécontents, la soirée vire tranquillement au cauchemar. Dehors, les constructions grondent et font vibrer le restaurant qui prend peu à peu des airs de champ de bataille. Si l’équipe est à couteaux tirés, tous se battent pour la même chose : survivre à ce service désastreux.

SANDRA
Un jeu!? Parce que pour toi c’est un jeu!?

ALDO
Oui le service c’est un jeu, parfois ya des games plus plates, mais c’est de-même!

La compagnie Parabole a comme mission de créer des dialogues entre différents milieux qui n’ont pas l’habitude de se rencontrer. La production de L’envers s’inscrit directement dans cette démarche. Le projet témoigne des difficultés d’un domaine qui traverse depuis plusieurs mois des temps critiques. Les secteurs de la restauration et du théâtre ont été parmi les plus touchés depuis le début de la crise sanitaire, mais la pandémie n’a fait que ressortir la précarité déjà existante de ces secteurs marginaux.
 
Crédit et information 
L'envers
Du 15 mars au 2 avril
Pour en savoir plus et réserver son billet, c'est ici.

Texte et mise en scène – Blanche Gionet-Lavigne
Conseiller dramaturgique – Alexandre Fecteau
Direction de production – Cassandra Duguay
Assistance – Gaïa Cherrat Naghshi
Mentorat – Isabelle Hubert – Maryse Lapierre
Conception – Emile Beauchemin – Marianne Lebel – Samuel Sérandour
Distribution – Laura Amar – Vincent Legault – Vincent Massé-Gagné – Nadia Girard Eddahia – Jocelyn Paré – Maxime Perron

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vendredi 18 février 2022

À quand des actions pour la relève?

Près de 60 millions de dollars pour relancer la culture vient d'être annoncé par la ministre de la Culture et des Communications. Mais qu'en est-il de la relève perdue?

Un billet de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

 
Bien que ces 60 M$ soient utiles et nécessaires pour assurer la relance à court terme, il manque toujours une vision à long terme de la relance et de la survie de la culture. Il est maintenant temps de connaître la vision du ministère et de la ministre de la culture post-pandémique.

Et la relève dans tout ça?
Dans ce plan post-pandémique, un aspect mérite une attention tout particulière, celui de la relève. En effet, deux et même trois générations de la relève des écoles sont actuellement absentes de nos salles.

Il est impératif de récupérer ces jeunes artistes et artisans dans nos salles pour assurer une diversité et une pérennité de notre culture. Un univers culturel fort se construit avec une relève qui bouscule, qui arrive avec des préoccupations nouvelles et qui propose une culture novatrice.

Je suis inquiet de ne voir que très peu d'actions de la part de nos institutions pour cette relève en manque d'espaces et de possibilités de se produire. Le silence de la ministre à cet égard inquiète au plus haut point. Quelle est sa position? A-t-elle un plan pour les ramener en culture et leur permettre de créer? Ils sont les artistes et les artisans qui feront rayonner le Québec dans 5 ou 10 ans. Nous ne pouvons nous permettre de les abandonner, il y va de la survie de notre culture, celle qui fait du Québec une société distincte et reconnue de par le monde.

Permettre aux cohortes de 2020, 2021 et 2022 d'offrir aux Québécois une culture encore plus dynamique est une responsabilité à laquelle la ministre ne peut passer outre. Elle doit agir le plus rapidement possible.

Un plan à long terme
Tout ça doit s'insérer dans un plan à long terme. L'appui au monde culturel doit se faire sans tarder. Il est temps de passer aux actes et de soutenir durablement une culture qui a souffert énormément depuis deux ans.

La structure actuelle n'est plus adaptée à un monde qui s'est transformé. Le numérique a occupé l'avant-scène depuis deux ans et le public risque d'avoir changé ses habitudes. Il faut un plan, et cela presse, pour assurer la pérennité de notre culture, un pan si important de notre vie quotidienne. 

Je vous invite à revoir mes billets des dernières semaines à ce sujet dont voici les principaux:


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jeudi 17 février 2022

Blackbird: face-à-face sans fard

La pièce qui ouvre la saison hiver-printemps du Périscope est un véritable coup de coeur qui ne laisse personne indifférent. Amour fou et haine à l'infini s'affrontent.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Cath Langlois

Synopsis (tiré du site web du Périscope)
Acclamée à Premier Acte en 2019, la pièce Blackbird renaît au Périscope pour le plus grand plaisir des spectateurs friands d'une expérience théâtrale confrontant les perceptions sur des enjeux sociaux actuels. Ce texte de l’Écossais David Harrower a l’audace de redonner une dimension humaine à une situation d’abus. Derrière l’étiquette de la victime et de l’agresseur, on découvre une petite fille qui ne se reconnaît pas dans les jeunes de son âge, et un homme qui ne réussit pas à s’épanouir. Ce huis clos dissèque l’ambiguïté et l’aspect illicite de leur relation en misant de façon brillante sur un élément crucial : le doute.

RAY
Comment tu m’as retrouvé?

UNA
Une photo.
Dans un magazine.
[…] 

UNA
Je pensais que ce serait plus difficile de te regarder.
De parler.
J’ai failli repartir.
Mais non.
C’est facile.
Et je t’aurais reconnu n’importe où.
Même de dos.
J’ai vu tes yeux avant même que je dise mon nom.
Je t’ai vu.

C’est arrivé il y a quinze ans. Ils ne se sont pas revus depuis. Il a fait six ans de prison, a changé d’identité, a reconstruit sa vie. Elle est restée confinée au quartier où ça s’est passé. Jusqu’à ce qu’elle tombe par hasard sur sa photo dans un dépliant. Un cliché qui la replonge dans les méandres de l’histoire nébuleuse et irrésolue qu’ils ont vécue. Il y a quinze ans, Una et Ray se sont aimés. Mais entre une jeune fille de 12 ans et un homme d’une quarantaine d’années, peut-on parler d’amour? Pour élucider cet épisode qui a fait voler son existence en éclats, Una va à la rencontre de Ray.

Un face-à-face sans fard
Ils ont été séparés par la morale, par les conventions sociales. Il s’est remarié, a refait sa vie, est passé à autre chose, dit-il.  Elle est en quête de questions, elle n’a pas de vie ou si peu. Elle est écorchée vive, lui aussi même s’il le cache derrière une nouvelle identité qui, au fond, n’a rien résout. Elle cherche des réponses et a un incommensurable besoin de réparation. Lui d’oublier, de mettre tout ça derrière lui.

Pourquoi Una veut-elle cette rencontre avec Ray, alias Peter, qui ne s’attend nullement à revivre ce moment pas très glorieux d'une vie qu'il tente de mettre derrière lui? Les échanges concernant leur passé ne se fera pas sans heurts. Les couteaux risquent de voler bas. Les deux écorchés ne seront pas tendres l’un envers l’autre. La réconciliation sera douloureuse. Deux écorchés de l'amour, de la vie qui s'affrontent pour le meilleur ou pour le pire.

Le sujet est actuel. Une histoire de pédophilie qui n'est, peut être, qu'une histoire d’amour interdit. Une relation qu’on accepte difficilement qu’on la vive de l’intérieur ou que l’on soit observateur d'une situation qui nous dépasse.

Des moments coups de poing
Les spectateurs sont disposés en L autour d’un décor de cafétéria aux allures de capharnaüm. Des détritus jonchent le lieu. Véritable déchets ou vestiges de leur passé? Tout au long de la pièce, Una et Ray rangeront ou répandront les détritus au gré de leur réconciliation ou affrontement.

L’ouverture du spectacle débute en force alors que la salle est dans le noir total avec une musique qui met la table à une confrontation. Le véritable moment coup de poing survient à l'ouverture des lumières alors que les comédiens apparaissent subitement dans le décor à la manière d'un souvenir désagréable qui se pointe le nez au moment le plus inattendu.

Ce ne sera pas le seul moment coup de poing. Le dénouement le sera autant sinon plus. Un événement totalement imprévu et déroutant conclu ce face-à-face sans fard et laisse le spectateur dans l'expectative. Dans cette dernière scène, le fantasme de l'imaginaire collectif se heurte à la vérité des corps dans l'espace. Un moment qui frappe fort, étonne et désoriente. Un magnifique moment de théâtre que ce déliement. Les deux acteurs s'y surpassent dans un tsunami d'émotions.

Des performances coup de coeur
La langue acerbe de David Harrower, dans une sublime et efficace traduction de Zabou Breitman et Léa Drucker, frappe juste. Toute la gamme des émotions y passent et le spectateur est scotché à son siège dans l’attente de la prochaine réplique, du prochain revirement.

Un texte que supportent merveilleusement bien le toujours très efficace Réjean Vallée et l’excellente Gabrielle Ferron. Le double monologue de l’hôtel de passe fait particulièrement mouche. La rage, la colère, les espoirs déçus ainsi que la force de l’écoute des protagonistes pendant le monologue de l’autre comédien font de ce moment un instant inoubliable. Le silence de la salle témoigne de la qualité des interprétations.

La gamme d'émotions véhiculée par Ferron et Vallée est impressionnante. Si tout au long du spectacle, elle joue magnifiquement une bravade fragile, dans la dernière scène, elle passe d'un amour fou à un mélange de dégoût et de jalousie. Quand à lui, il joue à la perfection le rôle de l'homme ordinaire mais séduisant capable de séduire un enfant de douze ans et comment il pourrait même croire en lui-même. Et de quelle manière, il réussit à nous faire croire, à nous spectateurs, qu'il est blanc comme neige.

Littéralement, ce duo est électrique. Leurs personnages s’interpellent, s’entredéchirent, se coupent, s’attirent, se repoussent. L'intensité des émotions est palpable à chaque instant. Entre eux deux, c’est l’amour fou et la haine infinie. Un combat dont ils ne ressortiront pas indemnes. Les réponses recherchées par Una ne seront peut être pas celles espérées.

Une pièce qui bouscule en lançant en pleine face une réalité qui dérange forçant le spectateur à s’interroger.

Allez-y surtout si vous aimez: les duos électriques, le théâtre poignant, les sujets délicats abordés avec doigté, le théâtre à la fois accessible et de haut niveau, les performances d'acteurs.

Jusqu'au 5 mars au Périscope. Avec Gabrielle Ferron et Réjean Vallée. Un texte de David Harrower dans une traduction de Zabou Breitman et Léa Drucker. Une mise en scène d'Olivier Lépine.

Les Enfants du paradis est un blogue qui s'intéresse au théâtre, à la danse et au cirque de Québec. Vous y trouverez des critiques, des informations concernant les lancements de programmation ainsi que des nouvelles d'actualité. Un blogue à consulter régulièrement.

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mercredi 16 février 2022

Aime-moi parce que rien n'arrive: jeux de séduction, jeux de pouvoir

 Séduction et pouvoir se confondent dans un jeu où le séducteur n'est peut-être pas celui ou celle que l'on croit.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Synopsis (tiré du site web de Premier acte)
Ceux qui aiment Julie la trouvent fascinante ; ceux qui la détestent la qualifient de folle.

Ils sont trois : Julie Jean et Christine. Ces deux derniers sont fiancés. Ils travaillent tous pour la même compagnie – celle du père de Julie.

Ce soir-là, Julie reçoit tous les employés pour une grande fête au chalet familial. Elle ne va pas bien; il faut qu’elle marche sur quelque chose ou quelqu’un pour reprendre son élan. Ce quelqu’un sera parfois Christine, parfois Jean. Parfois une femme, parfois un homme.

Au début de chaque représentation, on tirera au sort pour déterminer la distribution de la soirée. Il y aura donc une histoire, deux spectacles. Et peut-être deux perceptions.

Gabrielle Ferron s’inspire librement de Mademoiselle Julie de Strindberg pour signer une première création qui dissèque les rapports de domination et les biais cognitifs. Après le succès de Blackbird en 2019, Son théâtre continue d’explorer les relations humaines complexes et de confronter les perceptions avec Aime-moi parce que rien n’arrive, une histoire où les privilèges de chacun peuvent se retourner contre eux.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

En quête d’amour
Lorsqu’il y a un jeu de séduction qui tourne au vinaigre entre un homme et une femme, la conclusion est souvent vite trouvée. Il est le profiteur, l’abuseur et elle la victime, celle qui succombe aux charmes du séducteur. Et si ce n’était pas aussi simple, aussi clair? Et si c'était un jeu de pouvoir plus qu'un jeu de séduction? Et si conquérant et victime étaient du même genre, la situation serait-elle la même? Notre perception changerait-elle? Et puis, celui ou celle qui manipule est-il bien celui ou celle que l'on croit? Se pourrait-il qu'il y ait une troisième option, le ou la cocufié(e)? Ce sont les questionnements que propose Aime-moi parce que rien n’arrive, une introspection au coeur même du processus de séduction et de prise de pouvoir.

Une proposition ou, selon la sélection faite aux hasard par les comédiens, le séducteur sera homme ou femme. Et même lorsque le choix est fait, le séducteur ou la séductrice n’est pas nécessairement celui ou celle que l’on croit. Ou peut-être les deux? Ou peut-être est-ce plus compliqué?

C’est ce qui est intéressant avec Aime-moi parce que rien n'arrive, la quête de l’amour n’est pas aussi simple qu’il parait. Mais elle est autant un jeu de séduction qu’un jeu de pouvoir. Un jeu qui n’est pas sans conséquence. A cet égard, le déliement offre un effet miroir ou le séducteur ou la séductrice devient interchangeable. Un inversement de rôles qui questionne. La séduction masculine et féminine se catapultent. L’inversement des rôles offre un nouveau regard sur la séduction genrée. Pourquoi une telle différence? Questionnement intéressant pou lequel la pièce n’offre pas de réponses.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Rythme lent
Séduire ne se fait pas en criant ciseau. Cela prend un certain temps. Gabrielle Ferron a fait le pari d’un déroulement en temps réel. Un choix qui prolonge certaines scènes inutilement. Ainsi, quand une protagoniste fait la vaisselle après une fête bien arrosée, cela se déroule en temps réel et dans un silence quasi total. Des minutes d’attente bien inutiles qui brisent le rythme. Ce type de situation se répète à quelques reprises malheureusement.

Le jeu des comédiens, surtout dans les deux premiers tiers, s’étire. Les ressentis ne sont pas toujours clairement définis. Il y a un certain flou qui prend du temps. Le rythme et l’intrigue ne prennent véritablement leur envol que dans le dernier tiers.  L'intensité est alors palpable, le jeu se fait plus subtil. La vengeance, la colère, la douceur, la peur de l'abandon ou de ne pas être aimé sont habilement exprimées par le trio formé d'Ariane Bellavance-Fafard, de Catherine Côté et de Gabriel Fournier

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Une prise de paroles intéressante
Malgré ses défauts, la prise de paroles est plus qu’intéressante. La séduction est -elle genrée? Une séduction est-elle plus nocive que l’autre? Inverser les rôles surprend et interroge le regard que l’on porte sur la séduction et sur notre propre façon de séduire.

Est-il nécessaire de voir les deux versions de la pièce pour bien comprendre les nuances dans la séduction et dans la prise de pouvoir? Si le déliement donne bien quelques pistes, j'avoue être curieux de découvrir l'autre côté de la médaille afin de savoir si ma perception serait différente. Pari risqué puisque le choix se fait par tirage au sort à chaque soir. Mais cette option me titille tout de même. Une suggestion à l'équipe, pourquoi ne pas prévoir les versions en alternance? Ce serait vraiment génial de pouvoir voir les deux versions pour confronter nos préjugés et, peut-être, revoir notre mode de séduction pour en évacuer les aspects nocifs?

Allez-y surtout si vous aimez: la découverte, jeter un regard sur la séduction.

Jusqu'au 5 mars à Premier acte. Avec Ariane Bellavance-Fafard, Catherine Côté et Gabriel Fournier. Un texte et une mise en scène de Gabrielle Ferron.

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samedi 12 février 2022

Solos prêts-à-porter, collection été: bonheur dansé au creux de la main

Une odeur d'été en période de pandémie et en plein coeur de l'hiver est offerte dans le Vieux-Québec. De chaleureux solos délicatement brodés à découvrir sans hésitation.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


De la danse au creux de la main seulement
Danse K par K propose une version au creux de la main de sa série de solos offerts à l'été 2021 dans une version entièrement revisitée. Ces courts solos originalement diffusés dans des lieux publics pour un seul spectateur à la fois ont été filmés dans de nouveaux lieux pour une version diffusée dans les vitrines de cinq commerces du secteur de l'Hôtel de ville de Québec. Si vous êtes de l'extérieur de Québec, ne vous inquiétez pas car le spectacle partira en tournée après les diffusions dans la capitale, vous pouvez en savoir plus en visitant le site de Danse K par K ici.

Chaque vidéo a une durée d'environ trois minutes. À chaque lieu, une responsable est sur place pour guider les spectateurs et les aider. Pour le visionnement individuel, vous devez avoir un téléphone intelligent avec des écouteurs. Vous aurez à télécharger sur place la bande sonore de chaque solo. Une fois la bande sonore téléchargée, vous attendrez un décompte pour visualiser la vidéo qui est diffusée à travers la vitrine du commerce. Vous pourrez alors découvrir le spectacle au creux de votre main, sur votre vêtement ou encore sur une feuille de papier.

Cinq superbes solos
Le parcours, très court, consiste en cinq solos qui mettent en vedette cinq danseurs montréalais: Jessica Serli, Louise Bédard, James Viveiros, Mecdy Jean-Pierre et Stacey Désilier. Cinq artistes et cinq oeuvres qui nous plongent en plein été. Cinq moments ludiques et sympathiques.

La chaleur de l'été transpire de chacune des oeuvres mais pas uniquement. Les émotions sont vives, les univers éclatés, les danses inspirés. Gens de Québec, vous reconnaîtrez certains lieux de Québec et vous ne les verrez plus jamais de la même manière. Je pense particulièrement au solo de Louise Bédard où le stationnement en colimaçon pas très loin du Palais de justice devient un immense labyrinthe, sorte de symbole de notre isolement pandémique. Les prises de vues du lieu et de la danseuse sont absolument magnifiques.

Chaque solo a sa propre poésie, l’imagination y est joyeuse et les surprises sont au rendez-vous. Chaque moment intime se regarde pour lui-même. Il n'y a pas de lien entre chaque solo sauf en ce qui concerne la chaleur et la beauté de l'été. Les fleurs, le sable, l'eau, la nature occupent une grande place. Les prestations sont délicates, mesurées et se fondent avec l'élément ou le lieu choisi par l'artiste. Des solos délicatement brodés où la barrière entre l'hiver et l'été disparaît dans une esthétique colorée. Il y a de l'émerveillement dans chaque prestation et ça, c'est bon pour notre moral.

À découvrir encore et encore
Ce sont des spectacles à découvrir encore et encore. Vous pouvez les visionner autant de fois que vous le voulez. Je vous suggère d'essayer de voir le même solo de différentes manières pour le découvrir sous un nouvel angle.

J'ai particulièrement aimé voir le spectacle au creux de la main. Cette façon de visionner le solo donne l'impression de se fondre avec le danseur. De vivre plus intensément le spectacle. D'être en relation directe avec l'artiste. Un moment de pur bonheur même si dans ce mode il est un peu plus difficile de bien voir le spectacle. La version sur une feuille de papier permet un excellent visionnement et de voir le spectacle dans son ensemble mais de moins fusionner avec l'artiste.

Il est bien difficile de choisir un solo qui marque mais ceux de Louise Bédard et de Jessica Serli m'ont particulièrement marqué. L'univers hypnotique de Louise Bédard capte notre attention à chaque seconde. Celui de Jessica Serli, particulièrement surprenant, questionne et entraîne le spectateur dans un monde où les objets ne servent pas à ce dont on s'attend.

Allez-y surtout si vous aimez: l'émerveillement, la découverte, le ludisme, les ambiances qui sortent de l'ordinaire, les prestations délicates, participer à une expérience inhabituelle.

Jusqu'au 24 février dans le Vieux-Québec. Avec Jessica Serli, Louise Bédard, James Viveiros, Mecdy Jean-Pierre et Stacey Désilier. Un concept et une direction artistique de Karine Ledoyen. Pour en savoir plus ou réserver un billet, c'est ici.

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vendredi 11 février 2022

Reprise au théâtre: Bad Story, panique au gymnase au Conservatoire

Après des mois de pandémie, nous avons tous besoin d'un peu d'humour et de légèreté et c'est ce que propose le Conservatoire d'art dramatique de Québec avec sa plus récente production des finissants.

Un billet de Robert Boisclair (largement inspiré du communiqué de presse)
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Humour et légèreté
Les billets sont en vente depuis mardi pour la création des finissants intitulée Bad Story, panique au Gymnase et vous ne voulez pas rater ça! Après des mois de pandémie, nous avons tous besoin d'un peu d'humour et de légèreté et cette aventure rocambolesque remplira assurément cette mission.

Dans un centre récréatif miteux, les membres d'un club de badminton, le CSST, le Club Social Sans Tennis, se lancent dans une quête épique à la recherche du seul et unique Moineau Sacré. Le gymnase et ses catacombes deviendront le théâtre d'affrontements héroïques entre les membres du CSST et le malveillant RTC, le Royal Tennis Club. Les valeureuses héroïnes et les courageux héros parviendront-ils à triompher et à protéger le Graal du badminton ?

Crédit et information 
Bad Story, panique au gymnase
Du 1er au 6 mars
Pour en savoir plus et réserver son billet, c'est ici.

Texte  – Finissants en jeu de Conservatoire
Mise en scène – Anne-Marie Olivier

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jeudi 10 février 2022

Des salles pleines, est-ce suffisant pour relancer les arts de la scène?

 Avec les récentes annonces de déconfinement, les salles peuvent espérer des jours meilleurs mais est-ce suffisant pour une relance qui perdure?

Un billet de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

 
Le premier ministre annonçait mardi le retour à des salles pleines pour les arts de la scène, une excellente nouvelle mais est-ce suffisant pour assurer une relance durable des salles de spectacles? La question se pose.

Un retour à des salles pleines? 
La pandémie a laissé son empreinte dans les salles de spectacles. En effet, la fréquentation est passé de 8,7 millions de spectateurs en 2019 à 1,4 millions de spectateurs en 2020. Une chute de 84% de la fréquentation(1). Sera-t-il facile de tous les ramener dans les salles rapidement? J'en doutes. Surtout que l'année 2021 n'a sûrement pas été meilleurs.

Au théâtre, par exemple l'âge moyen est de 50 ans(2), il pourrait s'avérer difficile de les ramener en salles pour diverses raisons, dont la crainte d'une contamination. De nouvelles habitudes de fréquentation des spectacles en ligne se sont peut-être développées. Bref, le retour des publics en salles n'est pas assuré.

Un plan à long terme
Jusqu'à maintenant, le ministère et la ministre se sont contentés de réagir aux demandes pressantes pour sortir les salles et les artistes du gouffre financier et de fréquentation causé par la pandémie. Il faut maintenant un plan à long terme. Un plan qui n'est pas du courte vue et qui s'attaquera à la fréquentation mais aussi aux besoins de main-d'oeuvre du milieu.

Des artisans et des artistes ont quitté le navire, il faut qu'ils reviennent ou que de la relève se greffe à ceux qui sont restés. Rouvrir les salles ne ramènent pas les gens au travail s'ils ont quitté pour un autre métier. Pourquoi pas un programme de formation accéléré pour former de nouveaux techniciens, par exemple.

Ce plan devrait s'attaquer également aux cohortes de finissants de 2020, 2021 et 2022 qui n'auront pas de place dans une programmation qui n'est que de la reprogrammation de spectacles déplacés. Pourquoi pas de l'aide ou des subventions pour des programmes doubles, un peu à la manière de ce qu'a fait La Bordée l'année dernière, soit une première partie audio ou vidéo par des jeunes artistes en première partie de spectacles de théâtre... de danse... ou de cirque.

Un plan adapté aux réalités locales et à une pandémie qui se prolonge
Et qu'en est-il de la vitalité et le développement de la culture hors-Montréal? Pourquoi pas développer un deuxième pôle créatif à Québec avec des infrastructures permettant aux organismes culturels de Québec et de l'Est du Québec de produire à faible coût et de se développer.

Quelle place pour le numérique après deux ans de pandémie? Devrait-on encourager ou subventionner les productions hybrides, disponibles à la fois en salles et en balado ou en diffusion web?

Les saisons devraient-elles se terminer en mai ou y a-t-il des offres intéressantes pour l'été? Certaines activités devraient-elles être prolongée avec de plus importantes subventions pour les festivals de théâtre et danse de Québec et Montréal et les prolonger d'une semaine ou deux? Des initiatives, comme les solos dansés en ville de Danse K par K, devraient-elles être encouragées?

J'oses, à nouveau, utiliser deux mots que le gouvernement à servi à satiété aux artistes et artisans...  se réinventer. Il est temps que le gouvernement se réinvente et repense son appui aux arts et aux artisans avec, bien sûr, la participation du milieu. Mais la structure actuelle me semble inadaptée aux réalités des artistes en temps de pandémie et d'endémie.

Sources:
(1) Institut de la statistique du Québec: statistique.quebec.ca/fr/communique/baisse-de-84-pourcent-frequentation-salles-spectacle-2020.
(2) Saire, Pierre-Olivier (dir.), Rosaire Garon, Martin Tétu, Sophie Dubois Paradis et George Krump (2020) « Étude des publics des arts de la scène au Québec », étude réalisée par DAIGLE/SAIRE pour le Groupe de travail sur la fréquentation des arts de la scène (GTFAS), Montréal.

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