jeudi 31 mars 2022

Ambiance intime, tendresse, amitié et... guerre dans un bus jaune!

Un autobus jaune au Périscope pour découvrir un court moment en dehors du temps et de l’espace où le souvenir d'Hiroshima refait surface.

Un billet de Robert Boisclair (largement inspiré du communiqué de presse)
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Mario Villeneuve

Magie toute zacharienne
L'univers d'Agnès Zacharie et de son complice Pierre Robitaille est unique. Il se déroule dans un autobus jaune et il est toujours intime car le spectateur fait presque partie du spectacle à chaque fois. Il est là tout près. Dans le bus. À un jet de pierre de l'actrice. Les mini-effets spéciaux, car il y en a, sont tout à côté des spectateurs qui, éberlués, en redemandent.

Pour le plus grand bonheur du public, le bus jaune d’Ubus Théâtre s’arrête à nouveau au Périscope pour y présenter L’Écrit. Cette fable poétique imaginée par Agnès Zacharie entraîne les passagers au coeur d’une odyssée philosophique où l’amitié, la tendresse et la guerre se côtoient.

Une expérience unique où l’esthétisme visuel révèle une histoire touchante racontée avec beaucoup de finesse, de sagesse et d’humour. Le spectacle se déroulant dans un autobus dans le stationnement du théâtre propose une ambiance intime et prompte au partage de la douceur de ce récit néanmoins empreint de douleur. Pourtant la prouesse d’écriture et telle, que cette oeuvre demeure un divertissement accessible pour tous les âges.

Crédit photo: Mario Villeneuve

Synopsis
L’Écrit a fait longue route depuis ses débuts en 2006 à la Promenade de Tadoussac, après notamment une tournée en France, le spectacle est de retour pour se dévoiler à nouveau au public québécois dans une représentation d’une durée de 50 minutes.

L’Écrit… un court moment en dehors du temps et de l’espace où le souvenir de Hiroshima refait surface. Une route fragile sur laquelle se dessine la rencontre de la jeune Célestine et de sa grand-tante Chizuko. La première commence sa course dans le vaste monde. La seconde a déjà vu et vécu. Chizuko ressemble désormais au soleil couchant, calme et inspirant, riche d’une lumière peu commune. La folie des hommes l’a transformée; sa force tranquille l’aidera à initier l’éveil de Célestine.

Un court moment en dehors du temps et de l’espace où le souvenir d'Hiroshima refait surface. La folie des hommes a transformé Chizuko. Sa force tranquille l’aidera à initier l’éveil de Célestine.


Crédit et information 
L’Écrit
Du 5 au 24 avril
Dans le stationnement du théâtre
Mardi au vendredi : 19 h | Samedi : 15 h
Tarif en prévente : 25 $ (jusqu’au 4 avril)
Tarif régulier : 36 $ (dès le 5 avril)
Tarif étudiant : 25 $ (en tout temps)
Pour en savoir plus et acheter son billet, c'est ici.

Texte et idée originale Agnès Zacharie
Mise en scène Martin Genest
Appui dramaturgique Gérard Bibeau & Josée Campanale
Distribution Pierre Robitaille & Agnès Zacharie
Marionnettes et accessoires Pierre Robitaille assisté d’Annabelle Roy
Décor Vano Hotton & Pierre Robitaille
Musique Pascal Robitaille
Lumière Henri Louis Chalem
Calligraphie May Rousseau
Effets spéciaux François Zacharie
Direction artistique Agnès Zacharie

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mercredi 30 mars 2022

L'enfance de l'art - doigts d'auteur: de jolis «marmots croisés»

 La Bordée vous convie à une fête tendrement espiègle où la folie de la jeunesse et la naïveté de l’enfance trônent... ainsi que quelques doigts d'auteur.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Stéphane Bourgeois

Synopsis (tiré du site web de La Bordée)
Dans une fête à la fois tendre et polissonne, organisée par une jeune génération qui n’a pas grandi avec Sol et Gobelet, l’équipe d’ExLibris célèbre la parole et l’écriture de Marc Favreau. En fouillant les textes riches de sens et de drôlerie du créateur de Sol, ExLibris s’acoquine à des auteurs invités pour poursuivre l’art du maniement de la langue vers de nouveaux territoires. L’Enfance de l’art – Doigts d’auteur de Marc Favreau, c’est autant le plaisir et l’intelligence du verbe que l’étonnante cocasserie des situations. Les candides et les exclus célèbrent la pertinence de leurs propos dans ce coup de chapeau «esstradinaire» à l’auguste clochard.

Si on peut pas faire l’enfant quand on est petit, au moins faut le faire quand on est grand!

Crédit photo: Stéphane Bourgeois

Aller simple dans l'univers de Favreau
Le décor est sobre: des draps tendus, des guirlandes d’ampoules, quelques objets épars dans un joyeux capharnaüm et de jeunes comédiens prêts à nous servir de jolis «marmots croisés» presque tous tirés de l'oeuvre de Marc Favreau. Sans tomber dans la caricature, ils en sortent rapidement. Ils nous servent pour nous offrir un vibrant hommage où Marc Favreau lui-même, en capsule audio, ponctue le spectacle de quelques-unes de ses réflexions. Quelle belle idée de l’insérer en ouverture et fermeture du spectacle. L’hommage prend ainsi tout son sens.

L’enfance de l’art - doigts d'auteur est une chouette enfilade de courtes scènes pas piquées des vers. Tout y passe ou presque: cinéma, enfance, politique,… malheureusement parfois, et ce même si certains jeux de mots sont désopilants et sont presque tous de ou inspirés Favreau, il y manque un je-ne-sais-quoi pour les rendre aussi poétiquement beau que lorsqu'ils étaient dans la bouche du sympathique clochard philosophe qu'était Sol. Sans doute cette touche d'absurde où l'imaginaire s'imposait tant par les mots que l'image n'est-il pas aussi présent ici qu'autrefois. Où est-ce la nostalgie du spectateur autrefois attentif à l'univers de Sol et Gobelet qui affecte sa réceptivité à cet hommage? 

Crédit photo: Stéphane Bourgeois

Une solide distribution
C’est une excellente idée de ne pas avoir imité Favreau mais de reprendre le style pour l’adapter et en faire sa propre interprétation. N’est pas Favreau ou Sol qui veut, après tout. Cela offre la chance de voir un quintette de jeunes comédiens dans une charmante comédie poétique.

La distribution s’en tire fort bien en s’appropriant cet univers si particulier. Les mots sont croisés, triturés, transformés d’une belle manière par un quintette d'acteurs efficace. L’humour est bel et bien présent. Les rires fusent régulièrement. Et le spectateur y trouve son bonheur. Seule ombre au tableau les portions chantées. L’ensemble de la distribution n’étant pas des chanteurs, certains passages musicaux auraient dû être récités plutôt que chantés. 

Du côté des interprétations soulignons celle de Sophie Thibault, qui a remplacé à pieds levés Mary-Lee Picknell, victime de la COVID, de belle façon. 

Le spectacle est une fête tendrement espiègle où la folie de la jeunesse et la naïveté de l’enfance trônent. L’amour des mots et de la magnificence, même transformée, de notre belle langue s’y pointe le nez au plus grand bonheur des spectateurs. C’est un véritable festival langagier auquel on a droit et ça rend heureux et fier d’être francophone.

Crédit photo: Stéphane Bourgeois

Allez-y surtout si vous aimez: Favreau et son univers absurde, les festivals langagiers, les «marmots croisés» et revigorés.

Jusqu'au 9 avril à La Bordée. Avec Maxime Beauregard-Martin, Frédérique Bradet, Nicolas Gendron, Élie St-Cyr et Sophie Thibault en remplacement de Mary-Lee Picknell. Des textes de Marie-Lise Chouinard, Annie Cloutier, David Leblanc et Anne-Marie Olivier d'après l'oeuvre de Marc Favreau. Une mise en scène et une adaptation de Nicolas Gendron.

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lundi 28 mars 2022

Cadeau: ce qui me reste de toi: des mots et des émotions

Mots-cadeaux et questions-trésors à découvrir aux Gros Becs avec Cadeau: ce qui me reste de toi. Un spectacle bonbon pour votre enfant.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Synopsis (tiré du communiqué de presse et du site web des Gros Becs)
Abordant une thématique où les mots sont mis au premier plan, ce spectacle destiné à un public de 5 à 7 ans nous montre que chaque question est un trésor, une chance de faire une découverte…une découverte qui nous rendra riche!

GARÇON
Si on n’avait pas les mots?

FILLE
On les ferait avec les mains.

GARÇON
Pour vrai?

FILLE
Pour vrai. La meilleure amie de notre cousine, elle n’entend pas. Elle a montré à notre cousine à parler avec les mains. Ensemble, c’est deux vraies pies qui n’arrêtent jamais de parler.

GARÇON
Même en classe?

FILLE
En cachette. C’est beau de voir leurs mains dans les airs comme ça. C’est précis, c’est rapide. J’aimerais tellement ça apprendre moi aussi.

GARÇON
Oui, imagine les secrets que tu peux faire quand tu parles avec les mains.

La scène est un terrain de jeu où deux personnages complices reçoivent des mots-cadeaux. Des mots pour comprendre, ressentir et se souvenir. Des mots reçus de leurs parents. Leurs amis. Leur culture. Leur époque. Spontané et perspicace, le duo fait de ces cadeaux inattendus des ancrages pour monter au sommet de leur imaginaire. Ces mots précieusement offerts, glanés ici et là, leur permettront de nommer – peut-être même de changer – le vaste monde qui leur appartient un peu plus chaque jour.

Cadeau : ce qui me reste de toi est un désir de construire ensemble un monde basé sur notre rapport aux autres, grâce aux mots. Présenté sous forme de courtes scènes, le spectacle nous invite à passer d’un univers à un autre, un peu comme le fait un enfant lorsqu’il joue. On y présente des petits moments de vie qui permettent de nommer un nouvel objet, un concept, une émotion… Parce que les mots sont à la fois le souvenir et l’avenir du monde, Cadeau : ce qui me reste de toi offre l’émerveillement et l’envie de dire pour s’affranchir, avec toute la sensibilité et l’intelligence des petits.

S'amuser avec les mots
Cadeau: ce qui me reste de toi s'offre comme un cadeau. Des mots-cadeaux où chaque où chaque question soulevée par le mot invité du moment est comme un trésor. Une richesse.  Chaque nouveau mot est un mot-découverte qui permet de découvrir le monde. De le ressentir. De le nommer. Les mots ici sont précieux. Importants. Ils permettent de donner un sens à ce qui nous entoure. À ce qui entoure les enfants comme les plus vieux. 

Il est, presque, aussi intéressant pour les adultes de découvrir les mots offerts que les enfants. Parce qu'ils prennent un sens parfois oublié. Une signification que l'on avait enfoui au fond de soi. C'est le genre de spectacle qui risque de susciter des discussions avec son enfant autour de certains mots.

S'amuser avec les mots comme au terrain de jeu
Cadeau: ce qui reste de toi prend la forme de courtes scènes où les protagonistes s'amusent avec les mots et leurs significations. Dans un lieu qui pourrait être une salle familiale ou un terrain de jeu, les sympathiques héros trônent au milieu d'un panoplie d'objets. Des objets qui serviront à identifier une émotion ou à nommer un concept. Tout ça est fait avec intelligence et espièglerie. Pirouettes, jeux d'enfant, imagination foisonnent. Et les enfants dans la salle s'amusent. Ils rigolent, commentent, découvrent avec joie les nouveaux mots, les concepts et les émotions. 

Cadeau: ce qui me reste de toi est un spectacle bonbon. C'est doux, c'est agréable et on en redemande.

Amenez votre enfant surtout s'il aime: la découverte, les espiègleries, jouer avec les mots.

Jusqu'au 7 avril aux Gros Becs pour les 5 à 7 ans (préscolaire à 1ère année). Avec Sarah Villeneuve-Desjardins et Philippe Côté. Un texte de Marcelle Dubois. Une musique et un environnement sonore de Josué Beaucage. Une mise en scène de Véronique Côté.

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jeudi 24 mars 2022

SIERRANEVADA: physique et hypnotique

 La Rotonde propose à son public un fabuleux SIERRANEVADA où Manuel Roque offre une performance à la fois mécanique, électrique et athlétique. Envoûtement garanti!

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Marilène Bastien

Synopsis (tiré du communiqué de presse et des sites web de La Rotonde et du FTA)
Dans le but avoué d’explorer la narrativité de la «collapsologie» – champ d’étude multidisciplinaire traitant du potentiel effondrement de nos civilisations post-industrielles –, Manuel Roque témoigne de l’urgence de s’interroger sur le changement de paradigme que nous vivons.

En s’éloignant des clichés apocalyptiques bombardés par les médias de masse, quel monde souhaitons-nous habiter? Quels en sont les contours, les possibles? Comment nous adapter aux changements en cours, tout en demeurant actifs, acteurs de transitions, de transformations positives qui reflètent nos désirs?

Je me suis demandé, comme humain, citoyen et artiste, quel(s) potentiel(s) ou quel(s) changement(s) ma pratique peut-elle déclencher à un niveau local? Quels récits alternatifs peut-elle générer face à l’appréhension de cette catastrophe à venir? Comment décroître en tant qu’artiste? Comment réinventer un monde qui épouse un peu mieux nos aspirations intimes et universelles?
Manuel Roque à Patwhite.com (31 mai 2021)

Naviguant entre contrôle et lâcher-prise, SIERRANEVADA est un exercice, une pratique laboratoire dans laquelle l’interprète-créateur s’efforce à fougueusement explorer les méandres de son imaginaire.

Crédit photo: Marilène Bastien

Le corps inépuisable de Manuel Roque s’agite en de vifs faisceaux incandescents. La combustion énergétique est intense, la sueur s’écoule et laisse place à un corps du futur. L’épuisement des ressources devient une expérience transformatrice, réactivant le dessein de notre humanité courant à sa perte.

Sans autre artifice qu’une ridicule perruque blonde au milieu d’un espace vide, le chorégraphe-danseur intègre cette idée de l’effondrement grâce à une partition-épreuve faite de sauts répétés et d’instants d’introspection.

À travers la catastrophe à venir, il communique les résonances d’un récit alternatif. Notre chute imminente ouvrirait-elle vers d’inattendus potentiels? Après Data et bang bangSIERRANEVADA est le troisième volet d’une réflexion sur l’anthropocène et la condition humaine. Dans l’intimité d’une expérience partagée, l’artiste-collapsologue nous invite à décoloniser nos imaginaires afin de renaître au diapason des tremblements du monde.

(...) je travaille une très grande dépense énergétique au service d’une recherche plus subtile et approfondie de la sensation. Dans une époque où je sens que nous sommes saturés d’informations, j’explore quels types de communication peuvent émerger de la singularité d’une expérience kinesthésique. Même si c’est un format qui peut s’avérer assez hermétique, j’ai l’intuition qu’il y a un potentiel à explorer ici.
Manuel Roque à Patwhite.com (31 mai 2021)

Crédit photo: Marilène Bastien

Physique et hypnotique
Dans une salle plongée dans la pénombre, un homme en noir surgit dans la nuit et rampe jusqu’à un ordinateur où l’intrus contrôlera la boîte magique de l’environnement sonore. Il allume l’ordinateur et le personnage commence à s’agiter dans un univers minimaliste. Il n'y a, outre l'ordinateur, qu'un micro au sol pour meubler la scène. 

Manuel Roque est un coureur de fond de la danse, bien plus qu’un sprinteur. Les mouvements, les gestes sont des transformations infinies à la fois dans le micro et dans le macro mouvement. Ils sont répétitifs. Le corps s’agite. L’homme piétine sur place. Les mouvements sont amples. Obsessifs. À tel point que ma voisine suivait le rythme imprimé par le danseur. Les mouvements créent une sorte d’hypnose chez le spectateur qui ne peut détacher son regard de la performance.

Le spectacle se conclue au même rythme qu’il a débuté, tout en douceur et en lenteur au sol. Comme si le vent de folie qui balayait le spectacle jusqu’à ce moment se calmait laissant la tempête se calmer. Sierra n’évada est une tempête soulignant les effets possibles d’un effondrement. L’accalmie qui précède et suit la tempête est le calme qui précède cet effondrement et le suit.

La beauté de la danse dans sa plus simple expression
Ceux qui me connaissent savent que j’aime entendre le souffle du danseur et le bruit des pas sur le sol. Avec SIERRANEVADA j’ai été bien servi.  Le souffle est d’ailleurs un élément important de la chorégraphie de Manuel Roque. Il l’amplifie et lui fait une grande place. Son souffle devient un rythme, un tempo qui s'impose aux pas du danseur.

Ce SIERRANEVADA, c'est de la danse dans sa plus simple expression. On entend le souffle, le bruit des pas sur le sol. On admire le corps qui s'exprime simplement et librement. Dans la performance physique, et il y en a beaucoup, comme dans la simplicité. Il y a dans cette répétition des gestes et dans la performance de coureur de fond de la danse qu'offre Manuel Roque, une puissance intime. Comme si ce partage n'était qu'une relation entre le danseur et chaque spectateur. Plus rien d'autre n'existe. Que les mouvements hypnotiques et notre relation avec le danseur.

Homme ou machine?
La performance physique est ici poussée très loin, le passé circassien de Manuel Roque y est sûrement pour quelque chose, lui qui a étudié à l’École nationale de cirque de Montréal et fait quelques acrobaties au cirque Eloïze.

À regarder cette performance, le spectateur en vient à se demander si le danseur est un homme ou une machine. Il pousse très loin sa capacité physique. En discussion après le spectacle, le danseur mentionnait qu'il ne poussait pas ses capacités à la limite. Bien difficile de le croire lorsque l'on est dans la salle et qu'on le voit performer longuement dans des mouvements rapides et exigeant physiquement. Peu importe la réponse, on admire la performance et on est subjugué.

L'hypnose généré par la performance hors norme de Manuel Roque crée une sorte de transe chez le spectateur qui l’empêche de détacher son regard de la performance. Il est un homme élastique capable de prendre les poses les plus surprenantes et c’est là cas ici à quelques reprises. On admire la performance et le travail tout autant que l'on s'interroge sur la signification de tous ces sauts et gestes répétés, encore et encore. Mais est-ce si important de se questionner? Profiter du spectacle est ce qui compte le plus après tout, car la performance de Manuel Roque est à la fois athlétique, électrique et mécanique. En véritable coureur de fond, il nous envoûte.

Allez-y surtout si vous aimezles solos, les performances physiques, Manuel Roque, les spectacles à l’esthétique minimaliste, les expériences transformatrices.

Jusqu'au 25 mars à la Maison pour la danse dans le cadre de la saison de La Rotonde. Une chorégraphie, une interprétation et une conception sonore de Manuel Roque. Une cocréation de Marilène Bastien, Sophie Corriveau et Lucie Vigneault.

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mercredi 23 mars 2022

La fin de la fiction: retrouver son sanctuaire

Rythme effréné, anachronismes et magie font de La fin de la fiction un petit bijou qu'il faut découvrir pour, qui sait, trouver son sanctuaire.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Synopsis (tiré du site web du Périscope)
Nuages en pantalon, compagnie de création bien connue de Québec, et le Théâtre Catapulte d’Ottawa portent un regard historique sur notre monde actuel où il est de plus en plus difficile de distinguer le réel de la fiction, alors qu’on baigne quotidiennement dans un monde numérique qui transforme la réalité. En adoptant la forme de l’essai, l’équipe de création aborde la nature fondamentale de l’humain — celle de croire — dans un spectacle empreint d’humour.

On parle de comment la fiction contamine le réel dans une dimension historique. On ne va pas raconter une histoire fictive, il n’y aura pas de personnage. On va passer à travers les moments de l’histoire qu’on veut connecter ensemble pour essayer d’éclairer notre présent.
Jean-Philippe Joubert dans une interview au quotidien le Soleil

Depuis l’invention de l’imprimerie jusqu’aux algorithmes numériques d’aujourd’hui, la diffusion de l’information s’est mélangée à la fiction. Mais qu’est-ce qui fait que nous adhérons plus facilement à une histoire inventée qu’à la complexité du réel? Et si c’était parce que la fiction est partout et s’infiltre insidieusement dans les sphères les plus intimes de nos vies? Dans une forme libre et ludique, La fin de la fiction explore l’interaction du vrai et du faux à travers une série d’épisodes qui nous font voyager dans le temps, depuis Gutenberg jusqu’à Mark Zuckerberg, en passant par Buffalo Bill et la magie de Disney, la contreculture des hippies et la Silicon Valley. 


Un sujet sérieux servi avec humour
A partir d’une scénographie toute simple mais efficace, trois cubes illuminés suspendus et un quatrièmement cube amovible cette fois en plein centre de la scène, La fin de la fiction propose un spectacle de fort calibre.  Sous une couche de vernis humoristique, l’équipage au volant aborde un sujet sérieux et important: la place envahissante de la fiction alors que la réalité en prend pour son rhume.

L’histoire démarre il y a 45 000 ans alors que l’homme des cavernes s’interroge sur son avenir, sa liberté et son libre choix.  Cet homme des cavernes reviendra à la toute fin pour, en quelque sorte, boucler la boucle. C’est le début d’une folle épopée jusqu’à nos jours ou les algorithmes semblent mener les humains par le bout du nez.


Rythme effréné, anachronismes et magie
Cette cavalcade au cœur de notre histoire est un véritable cabaret où humour et anachronismes côtoient les numéros de magie, oui, oui, celle des magiciens avec tour de cartes et femme coupée en deux, pour le plus grand plaisir de tous. Bien loin du fatras que peut laisser croire ce qui précède, tout s’imbrique merveilleusement bien pour amener le spectateur à réfléchir à l’envahissement de la fiction. Cette chimère qui transforme la réalité en histoires parfois abracadabrantes et fait disparaître les sanctuaires personnels dont nous avons tous tant besoin. 

Le spectacle change de forme à chaque chapitre, c’est un magnifique kaléidoscope de scènes qui nous font passer d’une époque à une autre de notre Histoire. L’enchaînement des saynètes de quelques-uns des moments de l’Histoire de l’humanité, passe en un clin d’œil. Jamais on ne s’ennuie pendant les deux heures cinquante que dure le spectacle. Chaque saynète est bien ficelée. Le rythme est vif et dynamique. Dans une de celles-ci, on s’amuse même directement avec le public. Un spectateur en particulier.


Une machine bien huilée
La machine est bien huilée. Tout roule à cent à l’heure. Et le moment vécu par le spectateur est magique, même si la première partie avant l’entracte souffre d’une longueur ou deux et que l’on se demande bien ou tout ça va nous amener. Le plaisir s'y pointe tout de même le nez dans cette première moitié de spectacle. La deuxième partie, plus vivante encore que la première, éclaire le spectateur dubitatif que j’étais à l’entracte.

Les protagonistes sont excellents. Ils interprètent tous plusieurs personnages, tous sexes confondus. Olivier Normand fait particulièrement montre d’une large palette de talents. Ses personnages sont tous très bien typés. Il est efficace à chacune de ses présences.


Allez-y surtout si vous aimezles spectacles fleuves et déjantés, les rebondissements et les effets surprises, la vision d’un avenir possible pour l’humanité, l’Histoire en version débridée.

Jusqu'au 9 avril au Périscope. Avec John Doucet, Carolanne Foucher, Marie-Hélène Lalande, Olivier Normand et Sarah Villeneuve-Desjardins. Un texte et un scénario de Carolanne Foucher, Jean-Philippe Joubert, Marie-Hélène Lalande, Danielle Le Saux-Farmer et Olivier Normand avec la collaboration au scénario de John Doucet et de Claudia Gendreau. Une mise en scène et une direction de la création de Jean-Philippe Joubert avec la collaboration de Marie-Hélène Lalande et de Caroline Martin.

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dimanche 20 mars 2022

Univers musical riche et textes contemporains au CADQ

 Le récital poétique Le festin de Juliette sera présenté par les étudiants de 2e année du Conservatoire d'art dramatique de Québec (CADQ). La relève de demain à son meilleur.

Un billet de Robert Boisclair (largement inspiré du communiqué de presse)
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Qui est Juliette?
En entrevue, Juliette Noureddine se plait à dire qu’elle est cette chanteuse que personne ne connaît. Malgré tout, cette compositrice française remplit ses salles depuis déjà des dizaines d’années un peu partout dans la francophonie. Baignant dans un univers musical riche depuis son enfance, elle fait partie de la lignée de ces chanteuses conteuses qui allient poésie et vie quotidienne.

Mais Juliette est encore plus que cela. Intrigante à souhait, elle fait sourire par son sans-gêne incomparable et sa passion pour les jeux vidéos, tout en imposant l’admiration pour son militantisme auprès de la défense des droits de la communauté LGBTQ+.

Juliette Noureddine, crédit photo: Radio France

Un professeur au piano
Ce récital poétique mettra en vedette les textes très contemporains de la chanteuse regroupés en six tableaux qui exploreront les diverses thématiques chères à Juliette, allant du désespoir au romantisme puis à l’humour. Tout au long du récital, les étudiants de deuxième année en Jeu seront accompagnés au piano de leur professeur Patrick Ouellet, acteur, metteur en scène et musicien très impliqué sur la scène du théâtre québécois.

L’ordre dans lequel les courts textes seront présentés fera en sorte qu’ils se répondront durant le récital. Certains seront parlés, d’autres chantés. Sur scène, je deviendrai ce collaborateur qui a fait tout le chemin avec les étudiants et qui ne fait que profiter du moment.
Patrick Ouellet

Une scénographie qui évoque la France
Le récital poétique sera aussi une première expérience de conception sur scène pour les trois étudiantes de deuxième année en Scénographie et elles auront à faire face à quelques défis.

L’idée est de créer un lieu contemporain auquel on peut superposer des vies, un espace assez évocateur pour qu’on voit le lieu urbain européen, mais pas trop pour que l'on puisse l’éclater et en sortir quand on le désire. La lumière définira des zones neutres et hyper réalistes tandis que le défi aux costumes sera d’habiller les acteurs sans les lier à un seul personnage.
Patrick Ouellet

Crédit et information
Le festin de Juliette
Théâtre du Conservatoire au 13, rue Saint-Stanislas
Le 10 avril | 14 h et 19 h 30 et les 11 et 12 avril | 19 h 30
Pour en savoir plus et acheter son billet, c'est ici.

Distribution: Marianne Amyot, Sabrina Angers, Camille Beauchemin, Pascale Chiasson, Mathilde Eustache, Antoine Gagnon, Margo Ganassa, Constance Gosselin, Emmanuel Pelletier-Michaud, Benoît Rivard, Charles Roberge et Gabriel Sénéchal.
Scénographie: Marie-Pascale Chevarie, Ariane Ouellet et Charlyne Roux.

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samedi 19 mars 2022

Mots-cadeaux et questions-trésors aux Gros Becs

 Le Théâtre jeunesse Les Gros Becs accueille du 27 mars au 7 avril prochain Cadeau : ce qui me reste de toi, une production du Théâtre des Confettis.

Un billet de Robert Boisclair (largement inspiré du communiqué de presse et du site web des Gros Becs)
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Des mots offerts où chaque question est un trésor!
Abordant une thématique où les mots sont mis au premier plan, ce spectacle destiné à un public de 5 à 7 ans nous montre que chaque question est un trésor, une chance de faire une découverte…une découverte qui nous rendra riche!

GARÇON
Si on n’avait pas les mots?

FILLE
On les ferait avec les mains.

GARÇON
Pour vrai?

FILLE
Pour vrai. La meilleure amie de notre cousine, elle n’entend pas. Elle a montré à notre cousine à parler avec les mains. Ensemble, c’est deux vraies pies qui n’arrêtent jamais de parler.

GARÇON
Même en classe?

FILLE
En cachette. C’est beau de voir leurs mains dans les airs comme ça. C’est précis, c’est rapide. J’aimerais tellement ça apprendre moi aussi.

GARÇON
Oui, imagine les secrets que tu peux faire quand tu parles avec les mains.

Des mots-cadeaux pour dire, pour apprendre, pour comprendre
La scène est un terrain de jeu où deux personnages complices reçoivent des mots-cadeaux. Des mots pour comprendre, ressentir et se souvenir. Des mots reçus de leurs parents. Leurs amis. Leur culture. Leur époque. Spontané et perspicace, le duo fait de ces cadeaux inattendus des ancrages pour monter au sommet de leur imaginaire. Ces mots précieusement offerts, glanés ici et là, leur permettront de nommer – peut-être même de changer – le vaste monde qui leur appartient un peu plus chaque jour.

Cadeau : ce qui me reste de toi est un désir de construire ensemble un monde basé sur notre rapport aux autres, grâce aux mots. Présenté sous forme de courtes scènes, le spectacle nous invite à passer d’un univers à un autre, un peu comme le fait un enfant lorsqu’il joue. On y présente des petits moments de vie qui permettent de nommer un nouvel objet, un concept, une émotion… Parce que les mots sont à la fois le souvenir et l’avenir du monde, Cadeau : ce qui me reste de toi offre l’émerveillement et l’envie de dire pour s’affranchir, avec toute la sensibilité et l’intelligence des petits.

Crédit et information
Cadeau: ce qui reste de toi
Théâtre jeunesse Les Gros Becs
Du 26 mars au 7 avril
Pour les 5 à 7 ans (préscolaire à 1ère année)
Horaire des représentations familiales • Dimanche 27 mars, 11h • Dimanche 3 avril, 11h • Dimanche 3 avril, 15h
Bande annonce du spectacle ici.
Pour en savoir plus et acheter son billet, c'est ici.

Texte: Marcelle Dubois
Mise en scène: Véronique Côté
Environnement sonore et musique: Josué Beaucage
Éclairages: Christian Fontaine
Scénographie: Erica Schmitz
Interprétation: Sarah Villeneuve-Desjardins et Philippe Côté

Les Enfants du paradis est un blogue qui s'intéresse au théâtre, à la danse et au cirque de Québec. Vous y trouverez des critiques, des informations concernant les lancements de programmation ainsi que des nouvelles d'actualité. Un blogue à consulter régulièrement.

Bon théâtre, bonne danse et bon cirque!
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jeudi 17 mars 2022

Perruque blonde et corps inépuisable à La Rotonde

Après bang bang, son solo primé, Manuel Roque récidive avec l’exigeant SIERRANEVADA qu'il offrira aux adeptes de la danse du 22 au 25 mars.

Un billet de Robert Boisclair (largement inspiré du communiqué de presse et des sites web de La Rotonde et du FTA)
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Marilène Bastien

Danse et «collapsologie»
Dans le but avoué d’explorer la narrativité de la «collapsologie» – champ d’étude multidisciplinaire traitant du potentiel effondrement de nos civilisations post-industrielles –, Manuel Roque témoigne de l’urgence de s’interroger sur le changement de paradigme que nous vivons.

En s’éloignant des clichés apocalyptiques bombardés par les médias de masse, quel monde souhaitons-nous habiter? Quels en sont les contours, les possibles? Comment nous adapter aux changements en cours, tout en demeurant actifs, acteurs de transitions, de transformations positives qui reflètent nos désirs?

Naviguant entre contrôle et lâcher-prise, SIERRANEVADA est un exercice, une pratique laboratoire dans laquelle l’interprète-créateur s’efforce à fougueusement explorer les méandres de son imaginaire.

Crédit photo: Marilène Bastien

Décoloniser l'imaginaire
Le corps inépuisable de Manuel Roque s’agite en de vifs faisceaux incandescents. La combustion énergétique est intense, la sueur s’écoule et laisse place à un corps du futur. L’épuisement des ressources devient une expérience transformatrice, réactivant le dessein de notre humanité courant à sa perte.

Sans autre artifice qu’une ridicule perruque blonde au milieu d’un espace vide, le chorégraphe-danseur intègre cette idée de l’effondrement grâce à une partition-épreuve faite de sauts répétés et d’instants d’introspection.

À travers la catastrophe à venir, il communique les résonances d’un récit alternatif. Notre chute imminente ouvrirait-elle vers d’inattendus potentiels? Après Data et bang bang, SIERRANEVADA est le troisième volet d’une réflexion sur l’anthropocène et la condition humaine. Dans l’intimité d’une expérience partagée, l’artiste-collapsologue nous invite à décoloniser nos imaginaires afin de renaître au diapason des tremblements du monde.

Crédit photo: Marilène Bastien

Crédit et information
SIERRANEVADA
Maison pour la danse dans le cadre de la saison de La Rotonde
Du 22 au 25 mars
Pour en savoir plus et acheter son billet, c'est ici.

Chorégraphie et interprétation: Manuel Roque
Cocréation: Marilène Bastien, Sophie Corriveau, Lucie Vigneault
Conception sonore: Manuel Roque
Direction technique et direction de production: Judith Allen

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mercredi 16 mars 2022

L'envers: original et rythmé

Premier acte offre à ses spectateurs une soirée catastrophique dans un restaurant. Un spectacle original et rythmé où tout ce qui peut arriver... arrive!

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: David Mendoza Hélaine
Synopsis (tiré du site web de Premier acte)
L’envers nous plonge dans un restaurant en plein service. Une nouvelle serveuse en formation, une cheffe absente des cuisines, une salle pleine à craquer, des clients mécontents, la soirée vire tranquillement au cauchemar. Dehors, les constructions grondent et font vibrer le restaurant qui prend peu à peu des airs de champ de bataille. Si l’équipe est à couteaux tirés, tous luttent pour la même chose : survivre à ce service désastreux.

SANDRA
Un jeu!? Parce que pour toi c’est un jeu!? 

ALDO
Oui le service c’est un jeu, parfois ya des games plus plates, mais c’est de-même!

Comme au restaurant
L'entrée en salle se fait comme si le spectateur entrait dans un vrai restaurant. Les employés s'activent en mode préouverture, en salle et en cuisine. La fratrie travaille mais s'amuse également.

À gauche de la scène, une entrée fleurie, un bar, une caisse enregistreuse et des tables. À droite une table de boucher remplie d'accessoires et quelques étagères représentent la cuisine. Des objets épars se retrouvent un peu partout. Un certain capharnaüm règne. 

La scène et le public, comme souvent à Premier acte, sont très près l'un de l'autre. Les membres de la brigade et de l'équipe en salle sont fébriles  mais détendus. C'est le calme avant la tempête. Et tempête, il y aura. Le public discute tout en observant du coin de l'oeil le personnel du restaurant dans ses préparatifs. On pourrait presque croire que l'on est en mode apéro sur la terrasse en attendant notre place dans le restaurant.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Réjouissante comédie
L’envers s'intéresse à la face cachée d'un restaurant. Celle des jours parmi les plus sombres, Que se cache-t-il derrière les portes closes de la cuisine et le sourire des serveurs? Pas toujours de belles choses et pas que du bonheur et du plaisir. C’est ce que cette pièce propose pendant 1 heure 25, le pire et le meilleur d’un resto fictif.

Une comédie réjouissante avec cependant des hauts et des bas. La scénographie et la mise en scène sont les points forts du spectacle. Par un jeu de lumières astucieux, raie de lumières au sol et cones orange transformés en un système de luminaires muraux, le spectateur est entraîné dans les méandres d’une folle soirée au restaurant Gattuso. La mise en scène rythmée, malgré quelques noirs qui s'étirent en longueur, contribue efficacement à l'esprit déjanté de cette soirée catastrophique.

Tout s'y passe. Imaginez le pire et cela se produira dans la soirée que propose Blanche Gionet-Lavigne. Des moments complètement loufoques s'y produisent. Il faut cependant laisser sa logique au vestiaire pour adhérer à la réalité des protagonistes. L’écriture, si elle est intéressante par moments, souffre d'exagérations et de mises en situation par toujours très élaborées.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

De bons moments
L’envers propose une sorte de condensé de tout ce qui peut se produire à l'occasion d'une soirée catastrophe. La réalité de Dans l'eau chaude surpasse largement la fiction de ce spectacle. Il y a de la facilité ici. Pas de morale, pas de réflexions. Il y a comme un vide. 

Le retour en arrière avec une inversion de rôle, qui sert de dénouement au spectacle, est fort intéressant malgré la fausse finale qui le précède. L’auteure propose un renversement de situation ou ce qui est négatif tourne au positif. Ce qui était à l’envers reviens à l’endroit... enfin presque! Une belle démonstration que plus ça change et plus c'est pareil.

Plusieurs belle réparties, de belles images mentales et plusieurs jeux de mots savoureux émaillent le texte de Blanche Gionet-Lavigne. Elle a l'imagination fertile c'est certain. Quelques retouches au-delà l'anecdote feraient de L'envers un magnifique texte. On y passe toutefois un bon moment. C'est bon enfant et réjouissant.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

De belles performances
Ce spectacle qui arrive alors que la deuxième saison des balados Dans l’eau chaude, excellente série audio qui est une immersion au coeur de véritables soirées catastrophes en compagnie de chefs renommés et qui est un coup de coeur des Enfants du Paradis, n’est pas le point d’orgue espéré. La réalité des aventures vécues par de vrais chefs de cette série est passablement plus vivifiante que la version théâtrale.

Tout n’est pas mauvais, bien au contraire. Le rire et la cocasserie s’y pointent souvent. On s’amuse de voir les protagonistes s’enliser dans les difficultés et tenter de s'en sortir. La distribution offre de belles performances et des moments savoureux et drôles. La pièce exige une certaine finesse d’exécution et la distribution relève le défi avec brio. On ne boude pas son plaisir à les voir s’extirper de leurs difficultés. Chapeau! 

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Allez-y surtout si vous aimez: rire du malheur des autres, découvrir une belle brochette de comédiens.

Jusqu'au 2 avril à Premier acte. Avec Laura Amar, Silviu Vincent Legault, Vincent Massé-Gagné, Nadia Girard Eddahia Jocelyn Paré et Maxime Perron. Un texte et une mise en scène de Blanche Gionet-Lavigne.

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mardi 15 mars 2022

Je suis William: croire en son étoile

Je suis William est un spectacle où tout s'enchaîne magnifiquement. Un délice pour les yeux et pour les oreilles à découvrir aux Gros Becs.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: François Godard

Synopsis
Quand Margaret Shakespeare, la soeur de William, écrit la nuit, elle répare tout ce qu’elle côtoie d’injustices. Âgée de treize ans, elle s’inspire des contradictions humaines pour écrire des histoires d’une puissance remarquable. Seulement, en 1577, dans son petit village d’Angleterre, la place des filles est à la maison, près des chiffons. Pire encore, les femmes qui savent lire et écrire sont accusées de sorcellerie et punies. Le jour où William découvre l’ampleur du talent de sa soeur, il est soufflé et, tout en cherchant à la protéger, ne peut garder pour lui son émerveillement.

MARGARET
Regardez les étoiles.

WILLIAM
Pouvez-vous y croire?

MARGARET
Elles sont magnifiques.

WILLIAM
Pouvez-vous?

MARGARET
J’aurais envie d’accrocher mes yeux à l’une d’entre elles pour observer la cartographie
du genre humain.

JOHN
Et c’est ici, à ce moment précis, à cette exacte seconde, que les problèmes commencent.
Tu as dit que quoi toi là?

MARGARET
J’ai dit : oh-des-étoiles-donnez-moi-quelque-chose-à-laver-que-je-célèbre.

Croire en son étoile
Ce spectacle propose, tout en jouant avec l'histoire, celle du petit comme du grand H, et la fiction, de croire en son étoile. Que l'on soit un homme ou une femme, notre avenir sera celui que l'on se forgera envers et contre tous. Malgré les interdits et les obstacles dressés devant nous, nous réussirons. C'est sans doute la grande morale de ce charmant théâtre musical.

Bien sûr, la place de la femme et les injustices d'hier et d'aujourd'hui sont bien présentes, et c'est tant mieux, mais la pièce met bien en évidence que William et Margaret sont, contrairement à leur parent, égalitaires. Si Margaret se bat pour ce qu'elle aime et veut faire, William trouve sa place sans s'approprier celle de sa soeur. Il trouve sa voie en se détachant des à priori de son époque, et aussi de la nôtre. Ils sont égaux. Ils se sont reconnus comme des êtres égalitaires. Elle a, comme lui, tous les rêves à sa portée. Le narrateur le souligne lors du dénouement de la pièce et la réaction des garçons comme des filles dans la salle est très positive à cet égard. L'avenir, je l'espère, sera aussi égalitaire pour les filles comme pour les garçons lorsque cette génération sera au pouvoir.

Crédit photo: François Godard

S'amuser avec l'histoire
En 70 minutes top chrono, l'auteure s'amuse avec l'histoire. Elle s'en joue et s'en moque joyeusement. Les apartés au public sont nombreux, les références à notre époque s'invitent et font sourire, l'accent québécois s'immisce entre deux répliques plus théâtrales et le théâtre se transforme en comédie musicale en de nombreuses reprises.

La portion musicale sied à merveille au spectacle. Elle lui donne du souffle, de l'énergie et permet de faire une pause afin d'offrir une plus longue réflexion aux sujets qui, justement, en demandent. Tout est bien rôdé dans ce spectacle et l'auteure comme les comédiens s'amusent à jouer avec l'histoire. En mots comme en gestes et en chants.

Crédit photo: François Godard

Le travail des trois comédiens est superbe et ils offrent de puissantes interprétations. Soulignons la performance d'Édith Arvisais qui offre une Margaret déterminée et vulnérable à la fois, tout en étant dotée d'une magnifique dose d'humanité. C' est un personnage auquel on s'attache dès les premières minutes.

Ce spectacle est un petit bijou où la force des rêves charmera le jeune homme comme la jeune fille. Un spectacle à découvrir avant qu'il ne retourne à l'époque de Shakespeare le 20 mars. 

Amenez votre adolescent ou pré-adolescent surtout s'il aime: les clins d'oeil anachroniques, les pointes d'humour, le théâtre musical, les histoires qui ne se prennent pas au sérieux, les textes qui mêlent fiction et vérité.

Jusqu'au 20 mars aux Gros Becs pour les 10 à 14 ans (5e année à 2e secondaire). Avec Guillaume Rodrigue, Jonathan Caron et Édith Arvisais ainsi que le musicien sur scène Jean-François De Bellefeuille. Un texte et des paroles de Rébecca Déraspe. Une musique et un environnement sonore de Benoît Landry et Chloé Lacasse. Une mise en scène de Sylvain Scott.

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