mercredi 6 avril 2022

Memory Palace: aux portes du palais

 Énergie, vivacité, espièglerie et plaisirs sont les maîtres-mots de ce splendide spectacle. À découvrir d'ici le 8 avril.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Frédéric Chais

Synopsis (tiré du site web de La Rotonde)
Rigoureuse, ludique et énergétique, Memory Palace est une performance qui explore les liens entre la mémoire corporelle, la musique et la danse. Le titre de la pièce réfère à la méthode de mémorisation éponyme ayant recours à l’architecture d’un lieu afin d’organiser une large série d’informations. Suivant ce modèle, la chorégraphie s’axe sur la notion de souvenir collectif. Alternant entre séquences à l’unisson et solos intimes, elle révèle la façon indéniable dont le mouvement se grave dans le corps.

Incluant un large éventail de danses – folklorique, sociale, moderne, en ligne – la pièce construit un espace qui invite performeurs et spectateurs à retrouver leurs propres souvenirs dansés. Une expérience rafraîchissante, qui donne espoir.

Crédit photo: Frédéric Chais

Le partage de la danse
Memory Palace, le palais mémoire ou le palais mental en français, est un truc mnémonique fort utile pour retenir une grande quantité d’information en se servant de lieux connus ou familiers. Memory Palace utilise ce mode de rétention pour nous entraîner dans nos souvenirs dansés. C'est aussi une belle occasion pour les interprètes de nous offrir moult styles afin de raviver nos propres souvenirs.

Pour réaliser ce palais imaginaire personnel, la chorégraphe fait appel à une scène dénudée où le public se retrouve en face à face, au plus près d'un espace scénique au ras du sol. Deux séries de trois chaises se trouvent aux deux autres extrémités de la salle où les interprètes se poseront occasionnellement. L’espace est libre de toutes entraves, les artistes évolueront dans un lieu imaginaire, sorte de palais où la mémoire et le souvenir seront rois, d’où le titre d’ailleurs.

Un ton juvénile
Le voyage au centre de la mémoire que propose la chorégraphe débute sur les rythmes endiablés du swing pour se conclure avec une danse en ligne aux rythmes de la chanson Aux portes du matin de Richard Séguin.

Le trio de danseurs invite le spectateur à ouvrir différentes portes d'un palais et y découvrir tantôt un pas de danse, tantôt un souvenir dansé, tantôt un mouvement qui rappelle les pas parfois maladroits ou hors tempo mais tellement relaxant et libérateur de son passé personnel sur les pistes de danse.

Lors du solo aux airs de swing en ouverture, les deux autres interprètes de ce spectacle à six pieds se pose sur les chaises aux deux extrémités de la salle. Elles ont autant de plaisir à admirer la performance du danseur que celui-ci à exécuter les pas.

De ce premier extrait, il se dégage un esprit juvénile. Il en a l'ardeur et la vivacité ainsi qu'un esprit espiègle. Le danseur semble jouer avec les pas, les mouvements. Il exprime un véritable plaisir à danser, à bouger devant nous. L’art du mouvement prend tout son sens. C’est comme si on visitait un lieu et que l’on y faisait une découverte dansé. Les mouvements enfouis dans notre mémoire, à moins que ce soit dans la mémoire de notre corps, car pour la danse la souvenir provient autant du corps que de la mémoire. Corps et mémoire, même combat?

Crédit photo: Frédéric Chais

La danse dans toute sa splendeur
Cet esprit juvénile demeure tout au long du spectacle. Dans la remémoration de leur processus créatif, les interprètes nous offrent les pas et les mouvements qui sont revenus à leur esprit au fil des années. Le palais mémoire qu’ils nous proposent ramènent chez le spectateur des souvenirs enfouis de pas de danses cachés au plus profond de soi. Ils poussent l’audace jusqu’à inviter les spectateurs à fermer les yeux et à faire un voyage dans son palais mental pour s’approprier à nouveau des souvenirs dansés mémorables. Une expérience toute personnelle que cet exercice les yeux fermés pour se remémorer son passé d'apprenti danseur. Agréable moment.

S’il a des airs juvéniles, le spectacle est aussi fort énergique. Le magnifique trio de danseurs offre un mélange de performances énergiques et ludiques. Les séquences alternent les solos aux trios où les mouvements de chaque danseur sont les gestes mimés de ceux des deux autres. Une adéquation des gestes qui en fait une délicate bête que l’on prend plaisir à découvrir. C’est touchant et agréable à la fois. Le bonheur qu’on éprouve ne se dément pas.

Si le spectacle est très structuré, plusieurs styles y passent pour raviver un souvenir tout personnel à chacun de nous, il est aussi très sensoriel. Les sons et les mots y occupent une place. Tout comme la respiration des danseurs que l'on entend régulièrement tant ils sont proches des spectateurs. Il est presque possible de toucher le danseur. Le rappel de son passé personnel dansé n'en est que plus vif.

Crédit photo: Frédéric Chais

Acte de mémoire et de partage?
Ce qui surprend ici c’est que la danse qui, par essence, est un art éphémère devient en quelque sorte objet de mémoire. Le geste et le mouvement, incrustés dans cette mémoire et le corps qui le supporte deviennent pérenne. C'est une forme de partage entre danseurs et spectateurs où chacun y trouve le pas qui lui sied.

Memory Palace se conclue par une danse en ligne sur les airs d’Aux portes du matin de Richard Séguin. Moment enlevant ou une majorité de spectateurs sourient, dodelinent de la tête et dansent sur leur siège. Une belle façon de conclure ce spectacle.

Memory Palace est un voyage aux portes d'un palais de la danse où chaque porte s’ouvre sur une agréable chorégraphie qui agite notre corps. On découvre le bonheur et l’immense plaisir que les artistes éprouvent à s’exécuter devant nous. Et ce bonheur est communicatif et se transmet dans la salle.

Allez-y surtout si vous aimez: le plaisir de la danse tout simplement, l’esprit juvénile, les spectacles énergiques, les spectacles à la fois touchants et agréables.

Jusqu'au 8 avril à la Maison pour la danse dans le cadre de la saison de La Rotonde. Avec Lauren Semeschuk, Melina Stinson et Nathan Yaffe. Un concept et une chorégraphie de Dorian Nuskind-Oder en collaboration avec les interprètes. 

Les Enfants du paradis est un blogue qui s'intéresse au théâtre, à la danse et au cirque de Québec. Vous y trouverez des critiques, des informations concernant les lancements de programmation ainsi que des nouvelles d'actualité. Un blogue à consulter régulièrement.

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