mercredi 20 avril 2022

Titre(s) de travail: jeunes femmes en colère

 Avec Titre(s) de travail le Périscope offre une oeuvre qui s'intéresse au système des auditions où les comédiennes n'ont pas le beau rôle.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Carla Chable de la Héronnière

Contrats, titre et notoriété (inspiré du  du communiqué de presse)
Particulièrement en art, c’est grâce à son titre, sa notoriété, que l’on parvient à décrocher un contrat. Pourtant il faut des contrats pour bâtir son titre et sa notoriété. Ce cercle vicieux est habilement exploré dans l'oeuvre contemporaine intitulée Titre(s) de travail que présente le Périscope jusqu'au 7 mai.

L’ensemble du travail est le fruit d’une cocréation unissant les comédiennes du spectacle et le metteur en scène. On y explore crûment les différentes facettes du milieu culturel; passant de l’angoisse générée par le processus d’auditions, principalement auprès des artistes de la relève.

Sous forme de collage, Titre(s) de travail s’intéresse plus particulièrement à la fonction de comédienne, aux rapports de pouvoir qui régissent ce métier, au processus d’objectivation qui traverse parfois cette profession ainsi qu’aux iniquités rattachées au casting féminin.

Synopsis (inspiré du  du communiqué de presse)
Des auditions se tiennent pour trouver l’actrice idéale qui incarnera le rôle de Juliette, dans la célèbre pièce de Shakespeare Roméo et Juliette, produite prochainement dans un théâtre institutionnel réputé. Quatre jeunes comédiennes décident de participer, d’une manière bien à elles, à ces auditions.

Dans un langage scénique à mi-chemin entre fiction et métathéâtralité, Titre(s) de travail aborde la question délicate des mécanismes de marchandisation et notre capacité à bousculer ces paradigmes qui dictent nos vies.

Crédit photo: Carla Chable de la Héronnière

Un prologue prometteur
À son arrivée, le spectateur découvre un véritable capharnaüm où trônent des accessoires hétéroclites répandues sur la scène. Une toile géante, constituée d'un drap blanc, est en arrière-scène et offrent des projections aux spectateurs. Un bureau avec un écran d'ordinateur est à la droite de la scène. Cet agencement bric-à-brac offre beaucoup de possibilités. L'ambiance s'annonce festive.

Dès l'arrivée des comédiennes et du comédien, le quintette s'affère à remettre de l'ordre dans le fouillis présent sur scène. Le décor est planté. L'esprit du spectacle est là. L'image est frappante. Les auditions, voire le théâtre dans son ensemble, est avilissant pour les femmes. Le capharnaüm, symbolisant ici le système des auditions, où elles doivent naviguer et qu'elles n'acceptent pas, elles vont le nettoyer, ce que le quintette fait en ouverture du spectacle en remettant de l'ordre sur la scène, afin de le moduler dans un mode de fonctionnement qui leur sied mieux.

Crédit photo: Carla Chable de la Héronnière

Jeunes femmes en colère
Titre(s) de travail est une oeuvre dans l’air du temps. Quatre femmes, comédiennes de leur métier, s’ouvrent au sujet des difficultés de leur métier. L'éventail de leurs récriminations est assez vaste: processus discriminatoire lors des d’auditions, rôles stéréotypés imposées aux femmes, images que les comédiennes doivent véhiculer sur scène et lors des auditions, pour ne nommer que celles-ci.

La dénonciation s’avère être une séance de défoulement de jeunes femmes en colère. La conversation se déroule en mode rage. Elle prend la forme d’un grand cri du cœur récité ultra rapidement où il est difficile de bien saisir le contenu du discours. La présence de musique et d’un environnement sonore en mode quasi continu n’aident pas à suivre le discours de ces quatre comédiennes. Parfois, gronder plutôt que constamment vociférer ou crier serait bien plus efficace.

Le spectateur que je suis aurais aimé bien comprendre les obstacles que les comédiennes vivent dans le milieu théâtral. Surtout que bien des aspects de la difficulté à s’imposer au théâtre ne me semble guère différent de ce que l’on vit dans d’autres milieux. Ainsi, le choix d’une comédienne par audition, dont la sélection finale est parfois surprenante voire incompréhensible, n’est guère différent de processus de recrutement via l’entrevue d’embauche des entreprises. 

J’aurais aimé qu’elles sortent de la colère pour offrir de possibles solutions. Des alternatives ou, à tout le moins, une lueur d’espoir. Malheureusement, ce n’est pas ce qu'elles proposent.

Crédit photo: Carla Chable de la Héronnière

Un quatuor efficace
Les quatre comédiennes offrent de belles performances.  Elles sont efficaces et fortes d’une énergie qui donnent du souffle à leur performance. Ensemble, elles ont décortiqué les questionnements autour du métier de comédienne et du processus d’audition de belle manière. Leur cri du cœur nous frappe en plein front. Cependant, les émotions, autres que la colère, sont absentes. Leur message passe donc moins bien. Sans cette modulation d’émotions, il y absence d’identification aux réalités des héroïnes.

Une joute oratoire
En même temps que le spectacle nourrit un peu la réflexion il laisse un goût amer. Le spectacle se résume à une joute oratoire, somme toute bien menée, sans le clash que l’on espérait voir poindre et qui nous aurait brassé la cage. La modernisation du théâtre soulevée dans ce spectacle ne trouve pas de réponse. Et c’est ce qu’on espérait. À tout le moins une lueur.

Crédit photo: Carla Chable de la Héronnière

Allez-y surtout si vous aimez: la métathéâtralité, les cris du coeur, les performances de comédiennes.

Jusqu'au 7 mai au Périscope. Avec  Natalie Fontalvo, Odile Gagné-Roy, Lauren Hartley, Christian Lapointe et Marie-Ève Lussier-Gariépy. Un texte et une conception de Natalie Fontalvo, Odile Gagné-Roy, Lauren Hartley, Christian Lapointe et Marie-Ève Lussier-Gariépy. Une mise en scène et une direction de création de Christian Lapointe.

Les Enfants du paradis est un blogue qui s'intéresse au théâtre, à la danse et au cirque de Québec. Vous y trouverez des critiques, des informations concernant les lancements de programmation ainsi que des nouvelles d'actualité. Un blogue à consulter régulièrement.

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