C'est à une véritable plongée en apnée dans un univers à la fois si près et si loin de notre monde en mutation que nous propose le Carrefour international de théâtre de Québec avec Holoscenes.
Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: Times Square Arts
Aquarium pour êtres vivants
Une grande boîte vitrée sise au coeur de Place D'Youville se transforme en aquarium géant lorsque plusieurs tonnes d’eau la remplissent soudainement, immergeant les interprètes qui s’y livrent à des occupations quotidiennes.
Cette collision performative viscérale et visuelle du corps humain et de l'eau est née de l'inquiétude que la hausse du niveau mondial de la mer, les inondations et la sécheresse deviendront les problèmes centraux du 21e siècle.
Holoscenes présente une sculpture totémique semblable à un aquarium remplie et drainée par un système hydraulique personnalisé, capable d'inonder l'aquarium de douze tonnes d'eau en aussi peu que 45 secondes. Ce croisement entre la performance et le laboratoire scientifique est une image forte de notre myopie collective.
Collision entre l'humain et l'eau
L'aquarium inondé est habité par une distribution tournante d'artistes exécutant des comportements quotidiens - vendre des fruits, s'habiller, lire un journal, accorder une guitare - provenant de collaborateurs du monde entier. La performance met en scène quatre interprètes présentant sept chorégraphies en rotation, d'une durée de 45 minutes à une heure chacune. Chaque représentation dure cinq heures, couvrant le coucher du soleil.
Voir ce spectacle à la tombée du jour augmente l'effet de collision entre l'humain et l'eau. La grand boîte vitrée devient un nouvel univers, celui dans lequel nous pourrions bien nous retrouver bientôt. Ainsi, le spectateur se sent encore plus interpellé par le choc causé par la montée des eaux et de son impact sur sa vie. Il se questionne alors que dans son quotidien, ce phénomène lui semble si loin et si près en même temps.
L'environnement sonore, mélange de bruitages, de musiques et de clapotis, augmente l'effet perturbateur de la démonstration qui s'offre devant nous. L'ambiance est angoissante avec cette montée et descente des eaux que vivent les protagonistes et que découvrent les spectateurs.
Contemplatif et viscéral
Holoscenes tisse l'histoire d'une rapide montée des eaux - la montée des océans, la fonte des glaciers, l'intensification des inondations et des sécheresses - dans les situations du quotidien. Le flux et le reflux de l'eau et la transfiguration du comportement humain qui en résulte, offrent un portrait élémentaire de notre myopie collective, de notre persévérance et, pour le meilleur ou pour le pire, de notre adaptation.
Contemplatif et viscéral, Holoscenes prend aux tripes. L'effet est encore plus grand si le spectateur s'installe sur l'esplanade tout juste devant le Palais Montcalm. L'effet de hauteur créé par l'esplanade surélevé amène le cube inondé à hauteur des yeux. La foule amassée de l'autre côté du cube semble être dans la boîte immergée créant un effet encore plus angoissant. Sommes-nous de simples spectateurs de notre propre descente aux enfers dans un monde où l'eau sera notre nouvel environnement. L'effet est terrifiant. Inquiétant. Apeurant même.
Crédit photo: Times Square Arts
Allez-y surtout si vous aimez: les performances, les expériences contemplatives, sensorielles et hypnotiques, les spectacles extérieurs.
Jusqu'au 9 juin à Place D'Youville. Avec Benjamin Kamino, Annie Saunders, Emmanuelle Martin et Geoff Sobelles. Une conception et une réalisation de Lars Jan. Une chorégraphie de Geoff Sobelles.
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