vendredi 20 janvier 2023

Albane: plongée en apnée

Premier acte offre à son public un questionnement profond autour de la violence qui sommeille en nous. Une plongée en apnée à l'intérieur de soi dans une forme quelque peu cacophonique mais qui suscite la curiosité tout de même.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Synopsis (tiré du site Web de Premier acte)
Dréa a trois enfants: Nathan, Albane et Héloi. Le premier est sorti de son ventre, les deux autres d’un orphelinat. Nathan, Albane et Héloi s’aiment et se détestent comme des frères et soeur. Comme des frères et soeur, ils fêtent les anniversaires en croyant qu’il y en aura toujours, qu’ils se laisseront parler d’amour jusqu’à la fin des temps. Un jour, pourtant, dans la fumée des chandelles, la famille chancelle. Un jour, Nathan tue Héloi.

À partir de là, il n’y a plus de frères, plus de soeur ni de mère. Il y a des monstres. Des machines. Il y a une violence si lourde qui déforme les corps, les gestes et les neurones. Une violence qui se lègue, de génération en génération. Qui devient de plus en plus indélébile. Et qui finit par tracer les contours d’une tragédie.

Ça semble très loin de nous — toute cette violence. Et pourtant, on se surprend à reconnaître un geste, un regard, une intonation. On se surprend à se reconnaître dans ces êtres, dans cette famille qui a commis l’irréparable, qui s’est entretuée. On frissonne. On se demande: et si c’était moi? Si je pouvais, moi aussi, tuer? Si les gestes étaient inscrits en moi aussi? Lever le bras. Dresser le poing. Crisper les mains.

Oui, si c’était moi, comment, alors, faire cesser la violence? Comment terminer la tragédie?

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Morts en série et plongée en apnée
Albane explore la brutalité au sein d’une famille où la violence semble être le remède aux situations conflictuelles. Les morts s'enchaînes de génération en génération. L'auteure et la metteuse en scène, qui est également comédienne, entraîne le spectateur dans une plongée en apnée au centre même de la mémoire de ces meurtriers, un peu comme si nous faisions une entrée directe dans ces cerveaux qui mélangent amour, bonheur, haine et libération.

La structure du spectacle s'articule autour de cette violence qui déforme tout. Le spectateur se retrouve alors dans un univers cacophonique où il est bien difficile, pendant les trois quarts de la représentation, de savoir où Odile Gagné-Roy désire nous emmener. Heureusement le dénouement laisse espérer une voie de sortie à ce cercle infernal dans lequel la famille semble enferrée et permet au spectateur d'enfin saisir sa proposition.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

De l'audace
La proposition est audacieuse. Et l'auteure est courageuse. Le sujet est difficile et il se présente dans une forme osée où un choeur de comédiens et comédiennes jouent avec les ruptures de tons, se présentent dans des costumes atypiques et avec des maquillages qui déforment les visages. Sans oublier les masques blancs et des accessoires qui surprennent comme ce coton-tige géant que manipule quelques comédiens. La mise en scène jumelée à ce qui précède peut en laisser certains perplexes.

Soulignons, le choix judicieux du chœur de comédiens et comédiennes qui ajoute une touche dramatique et, parfois prenante, aux drames, aux chamboulements émotionnels et psychologiques des protagonistes. Cependant, la structure chorégraphique crée une grande confusion chez le spectateur.

L’ensemble de la distribution offre de belles performances en récitant un texte très bien écrit à la structure complexe qui exige un travail colossal de mémoire. Le décor épuré est un choix avisé alors que les costumes et les maquillages exagérément excentriques n’ajoutent rien au récit et au spectacle.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Un spectacle qui séduira sans doute par son côté absurde et clownesque certains spectateurs mais il risque d’en rebuter plus d’un, dont cette spectatrice qui a quitté en cours de représentation lors de la première. La proposition qui mérite que l’on y jette un œil.

Un spectacle à voir pour ceux qui sont prêts à accepter une mise en scène atypique qui flirte avec l’absurde.

Allez-y si vous aimez: le théâtre qui sort des sentiers battus, les nouvelles propositions théâtrales, être déstabilisé par une proposition.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Jusqu'au 4 février à Premier acte. Avec Noémie F. Savoie, Odile Gagné-Roy, Myriam Lenfesty, Marie-Ève Lussier-Gariépy, Vincent Paquette, Thomas Royer, Dayne Simard. Un texte et une mise en scène d'Odile Gagné-Roy.

Les Enfants du paradis est un blogue qui s'intéresse au théâtre, à la danse et au cirque de Québec. Vous y trouverez des critiques, des informations concernant les lancements de programmation ainsi que des nouvelles d'actualité. Un blogue à consulter régulièrement.

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