vendredi 26 mai 2023

Phèdre!: drôlissime mise en abyme

 Mon Carrefour de théâtre débute par une drôlissime et charmante mise en abyme où le théâtre classique s'offre un coup de jeunesse!

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Cloan Nguyen

Synopsis (tiré du site web du Carrefour)
Il s’agit bien ici de la Phèdre de Racine. Non pas la tragédie en alexandrins, chef-d’oeuvre du théâtre classique français, mais plutôt une comédie contemporaine qui s’en inspire, mettant en scène un unique personnage, un conférencier un peu naïf animé par une fervente passion pour l’oeuvre en question. Le point d’exclamation, ajouté au titre, se nommait le « point d’admiration » à l’époque de Racine. Il exprime, en l’occurrence, toute celle éprouvée par le protagoniste.

Avec pour seul décor un tapis et une table, notre conférencier nous présente, livre en main, la pièce de Racine. Il entreprend de nous en raconter l’histoire, acte par acte; il décortique les merveilles de l’alexandrin, évoque la mythologie grecque à travers la généalogie des personnages. Et peu à peu, emporté par son enthousiasme, il se met à interpréter tous les rôles, totalement habité par la beauté du texte et le plaisir complice du jeu.

Monologue humoristique interactif et leçon d’histoire délicieusement ludique, la partition de François Gremaud use de nombreux clins d’oeil à la culture populaire, paroles de chansons, blagues, jeux de mots, références cocasses à d’autres oeuvres connues. Romain Daroles s’y révèle un formidable conteur, livrant une performance éblouissante, généreuse, à la fois bouffonne et subtile. Point d’admiration à l’ensemble!

Crédit photo: Cloan Nguyen

Comme avec irrévérence, parle de Phèdre ce maraud!
Emprunté à Molière, cette quasi-citation de Jean-Baptiste Poquelin exprime bien ce qu'est ce Phèdre! que propose François Gremaud dans une interprétation fort sympathique et drôle à souhait de Romain Daroles.

Il faut voir cet homme seul sur scène, avec un livre et une table comme seuls accessoires, nous offrir une version revampée et remaniée de Phèdre, l'autre pièce, celle de Racine. C'est tout un revirement alors que ce seul en scène passe de la tragédie, celle de Racine, à la comédie, celle de Gremaud.

Le texte est vif, drôle à souhait. Le comédien, vivace et magnifique interprète de la galerie de personnages du Phèdre de Racine, offre un spectacle qui tient tout autant de la haute voltige verbale et physique que de la performance hautement joyeuse. Une belle façon de faire découvrir un classique à un plus large public et de l'offrir au goût du jour. C'était d'ailleurs l'objectif à l'origine de la commande originale soit de rejoindre un jeune public.

Et tout ça est réussi en respectant l'alexandrin... enfin pas toujours! Si l'alexandrin est présent, et joyeux faut-il le dire à nouveau, on s'en écarte allègrement tout au long de la pièce à plusieurs reprises. L'accent du sud de la France se pointe pour un personnage, le comédien digresse et nous explique l'action dans un français plus contemporain, les allusions à des succès musicaux (c'est un beau roman, c'est une belle histoire), les jeux de mots pullulent, certains plutôt faciles, mais d'autres plutôt savoureux comme ce Thésée, vous, taisez-vous! et de succulentes paraphrases des textes d'origine se pointent tout au long du spectacle. 

Crédit photo: Cloan Nguyen

Phèdre de Racine adapté?
Que nenni! Plutôt un maître en tragédie qui nous fait découvrir une oeuvre classique sous un oeil nouveau. Et vous savez quoi? On aime ce classique de Phèdre après la représentation de Phèdre! Gremaud et Daroles nous font aimer la pièce originale. Elle prend une nouvelle couleur. On a envie de se précipiter à la bibliothèque ou sur le Web pour mette la main sur l'oeuvre et la découvrir dans sa version originale. C'est une des grandes victoires de Phèdre! Celle de nous faire aimer ce classique et les classiques. Il ressort de ce spectacle un amour de la langue et, particulièrement, celle de Racine. Une langue riche et merveilleusement belle.

Derrière la légèreté du spectacle se cache un amour et une relecture absolument délectable de l'oeuvre. L'auteur et le comédien font mouche. Il y a de l'entrain dans ce spectacle, de l'humour et une sublime, délicate et savoureuse alternance entre la conférence, le jeu et le théâtre dont le quatrième mur vole en éclats pour le plus grand plaisir des spectateurs. D'ailleurs, le public s'est levé d'un bond alors que le spectacle se conclue par une mise en abyme impliquant les spectateurs qui, en boni, auront le plaisir de... Mais j'arrête ici, car j'ai trop peur de divulgacher un dénouement, ma foi, pas piqué des vers et qui laisse un souvenir impérissable du Phèdre! celui de Gremaud tout autant que le Phèdre de Racine.

Crédit photo: Cloan Nguyen

Allez-y si vous aimez: les spectacles coup de coeur, le théâtre intelligent, les digressions désopilantes, la pédagogie drôle, le théâtre qui fait un pied de nez au théâtre, l'humour et l'irrévérence, les conférences qui n'en sont pas une.

Jusqu'au 29 mai au Périscope dans le cadre du Carrefour international de théâtre. Avec Romain Daroles. Un texte de François Gremaud d'après Jean Racine. Une conception et une mise en scène de François Gremaud.

Les Enfants du paradis est un blogue qui s'intéresse au théâtre, à la danse et au cirque de Québec. Vous y trouverez des critiques, des informations concernant les lancements de programmation ainsi que des nouvelles d'actualité. Un blogue à consulter régulièrement.

Bon théâtre, bonne danse et bon cirque!
Suivez-nous quotidiennement sur Twitter: @Enfantsparadis et @Rob_Boisclair

Aucun commentaire:

Publier un commentaire