Orphée et son mythe. Un mythe à revoir. À redécouvrir sous la plume d'Isabelle Hubert et la chorégraphie d'Alan Lake. Dans un monde, qui pourrait bien être le vôtre, où tout n'est que banalités. Petits plaisirs quotidiens ou bonheur tout simple. Des âmes errent. Elles sont en peine. Et enchante l'espace.
Le mythe d'Orphée, version Alan Lake Factory, Trident et La Rotonde, les coproducteurs du spectacle, est un monde bien étrange où l'enfer n'est pas celui que l'on imagine. Il est là. Tout près. À nous côtoyer. C'est celui de notre quotidien. Peuplé d'âmes en peine. À la descente aux enfers, si descente il y a, la danse s'offre pour répondre aux vicissitudes d'Orphée pétri d'amour et en mal d'Eurydice.
La danse est le liant de ce spectacle, c'est d'ailleurs bien plus un spectacle de danse que de théâtre. La danse est un véritable jeu d'ombres. Les danseurs, ou plutôt les âmes, squattent le spectacle de bout en bout. La danse est l'essence même de ce mythe qui nous est offert. L'émotion, le mal de vivre, la crainte, les plaintes s'offrent en arabesques et pas de deux et en une distribution qui s'anime en groupe pour nous faire vivre les bons comme les mauvais moments. Ils sont là. Constamment. Ombres de la nuit. Décrivant en gestes les émotions du moment. Ils sont les sombres tourments qui agitent les pensées d'Orphée.
Seul bémol à ce spectacle, un dénouement quelque peu décevant. Si la sortie des âmes offrent un merveilleux moment dansé et théâtral avec cette transformation physique où les corps se défont pour se terminer avec un retour aux enfers où les corps disparaissent par petits morceaux qui quittent la scène en douceur, la conclusion de l'histoire entre Orphée et Eurydice n'est guère originale ou surprenante. Elle est toutefois rassurante pour le commun des mortels.
Un vibrant hommage
Le spectacle débute par l'ouverture de l'enfer qui s'ouvre sous nos yeux. Eurydice est celle qui l'ouvre, le découvre. Dès lors, les âmes perchés sur les deux murs côté cour côté jardin, s'animent. Le combat d'Orphée pour sauver Eurydice peut alors commencer. Rapidement la sarabande s'impose. Les gestes sont précis, même si au tout début ils semblent placés. Le verbe s'anime, mais si peu, et laisse une grande place à la danse.
L'enfer est merveilleusement dépeint par la chorégraphie dynamique d'Alan Lake. Chorégraphie en dialogue constant avec les choix musicaux. Le spectateur chancèle. Il est littéralement plongé dans un univers complètement démoniaque. Cerbère, le gardien de l'enfer, semble avoir laissé sortir tous ses habitants. L'âme tourmentée d'Orphée est en cendres. Il se consume et peine à retrouver la joie d'être et d'aimer Eurydice.
Il y a du talent dans ce groupe d'âmes qui dansent, à un train d'enfer d'ailleurs. Il y a de belles performances dans ce spectacle. Des danseurs que l'on aimeraient voir plus souvent sur une grande scène comme celle du Trident.
Le mythe d'orphée est un vibrant hommage à la danse. À ses qualités. Son sens de la transmission intense d'une émotion en quelques pas. Vifs. Dynamiques.