mardi 9 octobre 2018

Manifeste de la Jeune-Fille: joyeuse déroute

Olivier Choinière propose une joyeuse déroute, un moment jubilatoire où le discours se retourne sur lui-même pour amener le spectateur à se reconnaître ou à refuser le portrait proposé.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Caroline Laberge
Synopsis (tiré du site web du théâtre)
Manifeste de la Jeune-Fille a pour point de départ les magazines féminins qui exposent un modèle de consommateur idéal : la Jeune-Fille. Elle n’a ni sexe ni âge, mais représente plutôt la figure de proue du capitalisme. Prenant la forme d’une parade de mode, la pièce confronte le public aux monstres de superficialité de la société d’aujourd’hui. Devant ce miroir, le spectateur choisira-t-il de se reconnaître ou de refuser ce portrait?

Sept Jeunes-Filles, interprétées distinctement par sept acteurs et actrices, paradent en toute légèreté, clamant leur fierté d’être à la fois présentoirs et marchandises. Amoureuses de leur reflet, elles déclarent la guerre à la Vieillesse, sans se douter que cette croisade entraînera leur propre décomposition.

Muriel :
Moi, la vieillesse, ça m’écoeure!
Les cheveux blancs, les plaies de lit, l’incontinence,
ce sont des choses qui devraient pas exister.

Joanie :
Moi, j’ai envie que les gens soient beaux.

Sébastien :
Vieillir, c’est dégueulasse!

Spectaculaire démesure
Olivier Choinière et sa joyeuse bande de drilles proposent une spectaculaire démesure autour de la récupération du discours. Pour ce faire, il utilise un miroir grossissant d'abord, absurde même, qui se transforme pour devenir de plus en plus réaliste.

Les comédiens apparaissent sur scène dans des costumes caricaturaux de l'image publicitaire offerte, celle de la jeunesse - la Jeune-Fille du titre de la pièce. Ils sont de véritables laiderons qui pavanent leur superficialité. Au fur et à mesure que la pièce progresse, ils prennent une forme de plus en plus humaine.

De parade de mode en parade de mode, les protagonistes troquent leurs habits à vue à moult reprises. Vêtements qu'ils exhibent sur des podiums lors de défilés ponctués d'une petite ritournelle de mots. Elle s'offre à l'arrivée de chaque nouveau thème et ressemble à ce qui suit: Ça va? Super bien. Et toi? Super bien. À part ça? Ça va... Si l'ouverture du thème est toujours positive, la chute est toujours sombre.

Les personnages, tous des Jeunes-Filles, se métamorphosent, se transforment mais le discours demeure toujours un peu le même. Et c'est là que le bât blesse. Chaque thème est décortiqué, trituré, transformé. Les discours se retournent contre eux. C'est tout et son contraire. Cela fonctionne bien une fois ou deux, mais le principe est bien vite saisi. Si comme le dit Choinière lui-même, le spectateur est confronté au choix de se reconnaître ou de refuser ce portrait, il n'offre aucune réponse et le spectateur quitte avec de belles images et le bonheur d'avoir participé à une superbe soirée festive mais pour laquelle il n'a aucune réponse. Choinière a transmis ses interrogations et ses peurs, le spectateur les reçoit sans savoir quoi en faire. Sa déroute est joyeuse, mais c'est bel et bien une déroute.

Crédit photo: Caroline Laberge
Superbe scénographie
Les talentueux top-modèles bénéficient d'une magnifique scénographie. Max-Otto Fauteux propose un décor lumineusement blanc que l'on associe aisément à une boutique ultra-branchée. Deux podiums, deux salles d'essayages, qui seront autant de portes de sorties ou, occasionnellement d'entrée, et une troisième cabine d'essayage transformée en porte tourniquet, d'où apparaitra des présentoirs aux contenus variés, et qui servira de porte d'entrée principale. Finalement deux penderies bien garnies utilisées lors des nombreux changements de vêtements complètent le décor, une de chaque côte de la scène. Le blanc et les rideaux en paillettes dominent. Les défilés de mode peuvent prendre leur envol dans ce bel écrin.

Toutes les folies y sont permises. Les chorégraphies seront étourdissantes. Et précises. Le texte et la mise en scène demandent une grande minutie dans les mouvements. Tout est calculé. Minuté. La distribution est solide. Outre quelques accrocs, ils défendent avec aplomb un texte souvent répétitif et qui exige une maitrise certaine, les revirements rapides étant fréquents.

Allez-y surtout si vous aimez: les pièces miroirs de notre société, les moments jubilatoires, la démesure spectaculaire, les joyeuses déroutes.

Au Périscope jusqu'au 20 octobre. Avec Raymond Cloutier, Stéphane Crête, Muriel Dutil, Joanie Martel, Catherine Paquin-Béchard, Sébastien René et Isabelle Vincent. Une mise en scène et un texte d'Olivier Choinière.

Vous voulez en savoir plus sur le spectacle? Écoutez notre interview avec Isabelle Vincent ici (au tout début de l'émission du 1er octobre).

Bon théâtre et bonne danse!
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