mercredi 5 juillet 2023

Dernier coup de ciseaux: glousser de plaisir

 Dernier coup de ciseaux au Théâtre Petit Champlain est une pièce-bonheur, au plaisir garanti même pour les plus mélancoliques.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Se prendre pour Hercule Poirot ou Miss Marple!
Chaque soir, un meurtre est commis au Salon de coiffure du Champlain. Un salon de coiffure et des personnages: un inspecteur, son adjoint, quatre suspects hauts en couleur. Une journée apparemment banale. Sauf qu’un meurtre a eu lieu à l’étage du dessus. Et le coupable serait une personne présente dans le salon de coiffure. Ils ont tous une bonne raison de lui avoir administré un dernier coup de ciseaux fatal.

Dans cette pièce pleine d’humour et d'improvisation, le quatrième mur est aboli pour permettre au public, qui a assisté à tout ce qui s'est passé dans le salon de coiffure, d’intervenir, de prendre part à l’enquête, de témoigner et d'aider les policiers à démasquer le meurtrier. Leurs interventions sont précieuses et leurs observations influenceront le scénario, soir après soir. Le public sera-t-il capable de trouver le coupable?

Une pièce en trois actes. D'abord une mise en situation, puis un reconstitution où le public peut intervenir afin de s'assurer que celle-ci soit véridique et que les suspects ne tentent pas d'éluder un événement. Après l'entracte, un troisième acte se joue alors que le public agit comme enquêteur en posant des questions directement aux suspects. Le choix du coupable est alors déterminé par le vote du public. Et le dénouement risque d'être différent à chaque soir.

Jeu de mémoire
Cette pièce est un véritable jeu de mémoire pour les comédiens... et le public! Il faut être observateur alors que le premier acte propose aux spectateurs-enquêteurs un ballet où les personnages entrent, sortent, cachent des objets ou ont des conversations discrètes.

Pour les comédiens, la tâche n'en est pas plus facile puisqu'ils doivent mémoriser quatre dénouements différents sans oublier de prévoir des réponses à toutes les questions possibles, et parfois imaginées, des spectateurs. Un travail colossal qui procure de savoureux moments en deuxième et troisième parties. C'est d'ailleurs à ce moment que la pièce prend son véritable envol.  Pas que la première partie soit ratée, non. Mais les rires sont moins nombreux alors que l'on place l'action. Les personnages typés le sont juste assez sans tomber dans l'excès inutile et inapproprié alors que les gags ne sont pas toujours réussis.

Lorsque le quatrième mur tombe, les spectateurs peuvent intervenir et, surtout, faire appel à leur mémoire... parfois défaillante! Il n'est pas toujours facile de se souvenir par quelle porte est entré l'un des personnages. Ou encore ce qu'il est advenu de la mallette apportée par un autre personnage. Cette mallette a d'ailleurs donné lieu à un savoureux moment alors qu'un spectateur la croyait brune, mallette qui était en réalité noire. L'inspecteur lui a alors offert une joyeuse répartie qui a fait crouler de rire la salle.

Il faut une main de maître pour éviter la cacophonie d'une salle qui ne demande qu'à participer à l'enquête, et c'est ce que réussi l'inspecteur interprété par Emmanuel Bédard. Le reste de la distribution n'est pas en reste avec des répliques nombreuses et savoureuses en réponse aux interrogations des spectateurs.

Une traduction très... québécoise!
Si l'intrigue est mince, on veut que le public participe à l'enquête. On y retrouve une panoplie de petites trouvailles. Dans cet ordre d'idée, la traduction propose de nombreuses références à Québec et à son environnement. Le quartier Petit-Champlain, Le Journal de Québec, Le Devoir et bien d'autres lieux amènent leur lot de blagues, ma foi, savoureuses. Bref, de ce côté, ça déménage et ça fait rire à de nombreuses reprises. 

À l'entracte, l'inspecteur s'offre une incursion dans la foule au foyer du théâtre pour récolter des suggestions, des questions ou des observations. Les suspects, quant à eux, demeurent sur scène et les spectateurs peuvent discuter avec eux, ce que certains ont fait.

Un très bon moment

On se laisse prendre au jeu des comédiens qui réagissent en fonction des propos tenus. Un travail de haut vol qui permet chaque soir, non seulement d'assister à un dénouement différent mais à un spectacle unique, coloré et fort étonnant. Le déroulement de l'action nous prend aux tripes d'une manière telle qu'il est impossible de se détacher de l'histoire. Le désir d'en faire partie et d'aider à résoudre l'énigme est trop fort.


Le succès de la pièce tient à sa forme, bien sûr, mais également à la mise en scène trépidante de Marie-Hélène Lalande et à une distribution qui manie bien, voire à la perfection, l'improvisation et l'art de rebondir. Même dans les situations les plus inextricables. C'est un pur moment de bonheur de voir les comédiens tenter de se dépatouiller de situations inattendues et complexes. C'est ce qui fait le charme de cette production: la surprise, les imprévues et les réparties savoureuses et surprenantes.  


Dernier coup de ciseaux est un spectacle divertissant et hilarant. Un très bon spectacle où le rire est roi et où l'on retrouve le doux plaisir de s'offrir un moment de détente. N'avons-nous pas besoin de cela de temps en temps?

Allez-y si vous aimez: jouer au détective, l'improvisation, la fraîcheur et la bonhommie au théâtre, les spectacles au rythme enlevé, la complicité des comédiens avec les spectateurs.

Jusqu'au 6 août au Théâtre Petit Champlain. Avec Marie Michaud, Jean-Michel Girouard, Laurence Champagne, Israël Gamache, Emmanuel Bédard et Miguel Fontaine. Un texte de Paul Pörtner, d'après l'adaptation de la version parisienne de Sébastien Azzopardi et Sacha Daninon. Une mise en scène de Marie-Hélène Lalande.

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