vendredi 28 juin 2019

Boeing, Boeing: décollage réussi!

Malgré quelques imperfections, Boeing Boeing est une agréable comédie où les portes claquent et les invraisemblances fusent pour notre plus grand plaisir!

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Synopsis
Boeing Boeing décolle à toute allure avec une intrigue irrésistible! Un habile séducteur croit avoir trouvé la solution idéale pour vivre en toute sérénité avec trois femmes qu’il a promis d’épouser. Son secret pour profiter des avantages de cette situation sans en subir les conséquences? Choisir d’adorables agentes de bord dans différents pays et harmoniser les horaires, avec la complicité de sa bonne drôlement bourrue.

Et voilà que sous le regard abasourdi de son ami d’enfance, les horaires se dérèglent et l’heureux séducteur quitte les cieux paisibles de ce formidable arrangement pour entrer dans une zone de turbulence rocambolesque. Les revirements de situation s’enchaînent alors à la vitesse d’un Boeing 747 alors que l’appartement se transforme en tour de contrôle où l’habile séducteur et son entourage tentent de maîtriser la situation.

Amours frénétiques
Boeing Boeing est une comédie qui s'intéresse aux amours frénétiques d'un séducteur qui croit détenir le graal de la tromperie. Mais avoir des relations amoureuses avec trois agentes de bord en même temps n'est pas de tout repos. Si la magie des fuseaux horaires lui permet de séduire une Québécoise, une Française et une Allemande, les intempéries et les changement d'horaire viendront défaire les plans de ce Don Juan qui croyait bien avoir le contrôle total de la situation.

Le spectacle est hilarant, les portes claquent, on se tape même sur les cuisses à plusieurs reprises mais le décollage se fait lentement, très lentement. Les vingt premières minutes ne sont qu'une longue introduction qui semble annoncer une bien piètre comédie. Tout cela se place par la suite et le boulevard prend son envol.

Plaisir et rires
Si la mise en scène de Marie-Hélène Lalande ajoute ici et là quelques des zestes de fantaisie, certains étant quelque peu discutables, d'autres n'ajoutant rien au comique de la situation, tout se joue dans la précision des entrées et sorties et le jeu des comédiens. Chapeau bas à l'équipe d'interprètes qui marie merveilleusement tempo endiablé et superbes performances. Plaisir et rires garantis. 

Le texte écrit dans les années soixante n'a pas pris une ride. Les dialogues sont ciselés. Les quiproquos et les situations périlleuses sont nombreuses pour notre plus grand plaisir.

Du théâtre léger certes, mais un agréable boulevard à découvrir avant qu'il ne fasse son dernier décollage le 3 août prochain.

Allez-y surtout si vous aimez: le théâtre de boulevard, les portes qui claquent, les comédies grinçantes, rire de bon coeur.

Jusqu'au 3 août au Théâtre Petit Champlain. Avec Emmanuel Bédard, Frédérique Bradet, Carolanne Foucher, Simon C. Lepage, Jonathan Gagnon et Mary-Lee Picknell. Un texte de Marc Camoletti. Une mise en scène de Marie-Hélène Lalande.

Bon théâtre et bonne danse!
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mercredi 26 juin 2019

Les Inséparables: pleins gaz!

L'été théâtral dans la grande région de Québec est celui de Claude Montminy. Il est l'auteur de deux pièces qui en mettent plein la vue. Deux comédies légères certes, mais dont on ressort le coeur léger et avec un immense sourire aux lèvres. Avec Les Inséparables, le spectacle s'éclate en comédie et en musique. Retour sur un soir de première.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: Jean-Sébastien Veilleux
Synopsis (tiré du site web du Nouveau Théâtre de l'Île d'Orléans)
Il y a 25 ans, Les Inséparables était le groupe musical le plus populaire de l’heure. Eddy Martin, le chanteur de charme, et Louis, son guitariste, étaient au sommet de la gloire… jusqu’au jour où ils apprendront qu’ils sont tous les deux le père du même enfant. Une génération plus tard, plus personne ne se souvient d’eux.

Maintenant dans la cinquantaine (et endettés), les deux hommes doivent accueillir chez eux un jeune rappeur populaire. La présence du jeune homme provoquera un choc de générations. La vie s’arrête-t-elle après 50 ans? Les jeunes sont-ils si différents de leurs parents lorsqu’ils étaient plus jeunes? Il n’en faudra pas plus pour que les deux hommes se mettent en tête de remonter sur scène. 

Mais, les choses ne sont plus comme avant… Le drôle de lien d’amitié qui unit les deux anciennes vedettes tiendra-t-il le coup? 
Crédit photo: Jean-Sébastien Veilleux
Des comédiens épatants
La distribution s'en donne à coeur joie dans cette sympathique et hilarante comédie. Si le texte est léger, c'est le propre des pièces de théâtre d'été, le jeu des comédiens lui donne une dynamique toute particulière.

Le ton est enjoué et bon enfant. Le rythme est là, malgré de nombreux noirs que la metteuse en scène a eu la bonne idée de meubler d'un immense écran où se retrouve une horloge qui rythme les changements. Cela permet aux spectateurs de suivre sans trop de difficulté les différents passages temporels.

Les comédiens, avec un jeu assez physique, occupent l'entièreté de la scène... et de la salle! Ils vont jusqu'à squatter l'allée centrale pour se rendre jusqu'à la dernière rangée. Ils offrent des performantes épatantes du début à la fin. Ils sont tout à fait dans le ton, même si parfois certaines performances, qui frisent la caricature, sont un peu trop exagérées.

Sarah Villeneuve-Desjardins, dans une magnifique performance du début à la fin et avec une voix splendide, ainsi que Bertrand Alain, dans un rôle clownesque et très physique, épatent. Nicolas Drolet, en rappeur fou amoureux, livre certains des moments les plus drôles alors que Christian Michaud, avec un personnage un peu moins unidimensionnel, propose de superbes performances. Ils sont tous multitalentueux étant à la fois comédiens, chanteurs, musiciens et... danseurs! Les pas de danse sont d'ailleurs parmi les moments les plus hilarants du spectacle. 
Crédit photo: Jean-Sébastien Veilleux
Humour bon enfant
Le texte, d'un humour bon enfant, frappe juste à plusieurs reprises. Certaines répliques sont absolument hilarantes et les réparties soulignent allègrement certains traits de caractère générationnels. Les mots d'esprit et les gags légers côtoient des interprétations fortement inspirées du théâtre de boulevard et une mise en scène énergique. 

Cependant le déliement s'étire beaucoup trop. On nous ressert les répliques les plus savoureuses de la comédie ainsi que les nombreuses créations musicales originales qui émaillent la pièce. Trop long, trop répétitif. Un court extrait d'une nouvelle pièce aurait très bien conclu cette savoureuse comédie.

Un spectacle à voir pour le plaisir et le bonheur de jouer qui s'en dégage. Il n'y a aucune bonne raison de bouder le court voyage jusqu'à Saint-Jean-Port-Joli pour voir cette pièce. Parions que vous adorerez!

Allez-y surtout si vous aimez: le théâtre musical, l'humour bon enfant, les textes de Claude Montminy, les performances dynamiques, voir de jeunes comédiens prometteurs.
Crédit photo: Jean-Sébastien Veilleux
Jusqu'au 31 août à La  Roche à Veillon. Avec Bertrand Alain, Nicolas Drolet, Christian Michaud et Sarah Villeneuve-Desjardins. Un texte de Claude Montminy. Une musique de Robert Léger. Une mise en scène de Nancy Bernier.

Bon théâtre et bonne danse!
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lundi 24 juin 2019

Plan de match: drôlissime

C'est tout un plan de match que propose l'auteur Claude Montminy et sa joyeuse bande de comédiens. L'aventure est amusante, les comédiens sont excellents et Carol Cassistat propose une mise en scène enjouée et dynamique.

Une critique de Robert Boisclair
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Synopsis (tiré du site web du Nouveau Théâtre de l'Île d'Orléans)
Ensemble depuis longtemps, Sophie et Jeff forment un couple solide. Au tennis comme à la maison, la sous-ministre et le facteur se complètent parfaitement… jusqu’au jour où Jeff perd son emploi. 

Surprise! À 42 ans, il décide alors d’écouter son cœur et de retourner au CÉGEP… en ART. Sophie, de treize ans son aîné – tout près d’une retraite bien méritée – voit ses projets d’avenir partir en fumée. Camarades de classe envahissants, jalousie, conflits de générations, humiliations et remises en question : rien de tout cela ne faisait partie du plan de match!

Drôlissime
Si la première partie du spectacle est quelque peu poussive et passablement moins drôle que la seconde partie ,celle-ci vaut à elle seule le déplacement. Une fois que tous les éléments sont bien en place, la pièce prend véritablement son envol à ce moment. Elle est immensément plus drôle que la première partie qui est, mais pas uniquement, une mise en situation qui s'étire un peu trop avec des chutes qui tombent parfois à plat. 

La seconde partie mise sur les gags visuels et le jeu des comédiens, particulièrement celui d'Éva Daigle. Une découverte! Reconnue pour ses rôles tragiques, elle se débrouille fort bien dans cette comédie où elle est la meneuse de bout en bout. Le soir de la première un petit accroc technique, les élastiques ne sont pas toujours très coopératifs, a bien servi la comédienne. Le reste de la distribution s'en tire fort bien. Élie St-Cyr, Laura Amar et Sébastien Dorval offrent tous de belles performances.

Carol Cassistat propose une mise en scène enjouée et bon enfant dans un décor fort joli et bien utilisé. Les nombreux noirs sont heureusement bien meublé par un environnement musical qui fait ressortir l'émotion du moment. Soulignons le bel équilibre entre musique francophone et anglophone qui permet à tous les publics d'apprécier le spectacle.

Si le texte aurait besoin d'un resserrement en première partie, il est fort bien équilibré en deuxième partie. Claude Montminy réussit toujours à servir d'agréables comédies au ton léger mais fort dynamique. Et cette fois-ci ne fait pas exception. Une comédie légère certes mais fort agréable. Un rendez-vous à ne pas manquer pour s'offrir du bon temps en agréable compagnie.

Allez-y surtout si vous aimez: les comédies légères, les textes de Claude Montminy, rire à vous en taper les cuisses.

Jusqu'au 1er septembre au Nouveau Théâtre de l'Île d'Orléans. Avec Laura Amar, Éva Daigle, Sébastien Dorval et Élie St-Cyr. Un texte de Claude Montminy. Une mise en scène de Carol Cassistat.

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lundi 17 juin 2019

C'est l'été! On fait une pause?

Si vous visitez régulièrement ce blogue vous avez sans doute remarqué qu'il est en semi-pause estivale. Enfin presque!

Un billet de Robert Boisclair
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En fait, ce blogue ne sera pas complètement en pause pour la saison d'été. Bien que l'activité reprendra plus régulièrement au mois d'août, il y aura, entre autres, des critiques de spectacles à quelques reprises. Et qui sait? Peut-être cette semaine!

Surveillez donc ce blogue, vous risquez d'y faire quelques belles découvertes. Notre compte Twitter continuera d'être actif également, alors suivez-nous tout au long de l'été. Au plaisir de vous retrouvez ici ou sur Twitter.

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samedi 8 juin 2019

Neuf (titre provisoire): coup de gueule générationnel

Mani Soleymanlou propose, en compagnie de sa bande de joyeux drilles, un coup de gueule générationnel. Des comédiens baby-boomers qui discutent de la vie, de leur vie, de magnifiques façons. Un petit bonheur théâtral!

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: Valérie Remise
Synopsis (tiré du site web du Carrefour international de théâtre de Québec)
Après Un, Deux et Trois, puis Ils étaient quatre, Cinq à sept et Huit, cette nouvelle création de Mani Soleymanlou se pose en point d’orgue à son cycle « des chiffres » entamé en 2011. Se détournant pour la première fois de sa propre génération, l’auteur se penche sur celle des baby-boomers.

Réunis à l’enterrement d’un de leurs amis, Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métellus et Monique Spaziani découvrent un texte inédit que celui-ci avait écrit peu de temps avant sa mort. Au milieu d’un espace simple et dépouillé, jouant leur propre rôle, ces comédiens d’expérience s’engagent dans un échange captivant, discutent, débattent, se souviennent…

Loin des nombreux personnages à qui ils ont prêté leurs voix, ils énoncent avec une authenticité désarmante leurs idéaux, leurs élans, leurs regrets, leurs écueils, parlent de ce qui les étonne, les dérange et leur donne espoir, affichant le feu qui les anime. Tout en abordant les événements qui ont ponctué l’histoire du Québec, ils évoquent des personnalités publiques qui colorent l’actualité mais aussi le corps vieillissant, la maladie puis la mort. La rencontre des cinq complices prend des allures de catharsis, de libération jouissive ; ils font grincer des dents, ils font rire et réfléchir… ils rayonnent et illuminent la scène !

Si Neuf [titre provisoire] explore les identités individuelles et collectives et profile avec verve et esprit le visage de toute une génération, la pièce donne aussi à voir dans un même souffle ce que notre passage sur terre a d’universel. Et c’est beau, drôle et très émouvant.
Crédit photo: Valérie Remise
Conversations de salon... funéraire
Neuf (titre provisoire) convie le spectateur à une véritable conversation de salon qui se déroule dans un salon funéraire. Lieu de toutes les confidences, les acteurs jouant leur propre rôle s'y livrent. Vieillesse, mort, souveraineté, rectitude politique, négritude, pour ne nommer que ceux-là, sont abordés tout au long du spectacle.

Si la discussion semble aller dans toutes les directions, il y manque un fil conducteur clair, elle est fidèle aux conversations qui animent les soupers entre amis ou de salon. Et c'est tant mieux. Les comédiens s'y livrent sur tout les tons: du très drôle au très sérieux. D'agréables moments en compagnie de cinq grands acteurs qui nous offrent de belles émotions. Les comédiennes s'y font plus discrètes. On aimerait les entendre plus alors que les hommes s'y confient plus.

Marc Messier et Pierre Lebeau sont les plus présents et les plus drôles. Il faut voir Pierre Lebeau piquer une crise lorsque vient le sujet de la rectitude politique ou de la mode de la santé à tout prix.  Un véritable coup de gueule comme seul Pierre Lebeau peut le faire. Monique Spaziani, possiblement la plus en forme du groupe, offre une performance très physique. Il est agréable de voir et d'entendre des baby-boomers à la fois contemplatif et dans le désir de vivre pleinement le petit ou le long chemin qu'il reste à parcourir.

Le magnifique éclairage, tout en clair-obscur et même s'il y a un abus des douches de lumière qui cadrent mal les visages, ajoute à l'ambiance. La sublime trame musicale colle admirablement à la fois au récit du moment et au climat général de la pièce. Chaque classique est bien utilisé et sert de liant entre les scènes. 
Crédit photo: Valérie Remise
Allez-y surtout si vous aimez: les coups de gueule de Pierre Lebeau, voir des magnifiques acteurs à l'oeuvre, les réflexions sur la vieillesse, le passage du temps et la vie après 60 ans.

Dernière représentation le 8 juin au Grand Théâtre de Québec dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec. Avec Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métellus et Monique Spaziani. Un texte et une mise en scène de Mani Soleymanlou.

Vous voulez en apprendre plus? Écoutez notre interview avec Mani Soleymanlou vers la vingtième minute de l'émission du 27 mai.

Bon théâtre et bonne danse!
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jeudi 6 juin 2019

Hidden Paradise: instinctif et brut

C'est du théâtre? C'est de la danse? Non! C'est un spectacle sympathique et divertissant qui ravit.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: Maxime Robert-Lachaine
Synopsis (tiré du site web du Carrefour international de théâtre de Québec)
En entrevue radiophonique avec Marie-France Bazzo à l’antenne de Radio-Canada en 2015, l’économiste et philosophe Alain Deneault expliquait de façon limpide les conséquences désastreuses de l’évasion fiscale, supportée par nos institutions politiques, sur la société. À l’écoute de l’émission, le comédien Marc Béland est alors pris au corps par une grande indignation. Cherchant un moyen pour canaliser sa colère et provoquer une prise de conscience collective, il invite Alix Dufresne à plonger dans l’arène avec lui pour composer Hidden Paradise, un manifeste politique chorégraphique et théâtral qui donne forme à la parole de Deneault.

Débutant par l’écoute intégrale de l’entretien, la performance en décline ensuite le verbatim dans une série de cinq variations. Les interprètes se livrent à un corps à corps avec les mots et le discours, appris à la virgule près, qu’ils transposent en mouvements. Avec une dose d’humour absurde absolument délectable et une incroyable énergie communicative, s’interdisant le confort et l’aisance, ils exécutent et expriment cette partition verbale dans une gestuelle ici lente et exigeante et là, rapide et complètement loufoque.

Si la performance illustre avec une éloquence déconcertante la corrélation entre l’évasion fiscale et certains problèmes rencontrés au quotidien, elle permet surtout, au fil des incarnations de l’entrevue, de ressentir dans la chair cette réalité brutale ancrée dans le vif d’enjeux actuels. Dénonçant les injustices structurelles et sociales trop souvent occultées, Hidden Paradise bouscule la manière dont on perçoit et comprend notre réalité de citoyen. Une œuvre effroyablement clairvoyante, une sorte d’exutoire émotif nécessaire qui appelle à l’engagement et au changement.
Crédit photo: Maxime Robert-Lachaine
Instinctif et brut
Béland et Dufresne proposent une allégorie sympathique et divertissante. Un moment d'éveil, de partage et de compréhension de questionnements que l'on glisse trop souvent sous le tapis. Qu'on oublie. Et pour lesquels on croit, à tort, qu'ils n'ont aucune influence dans notre quotidien.

Aujourd'hui, quand on attend quarante minutes à -20 degrés un autobus,
c'est parce qu'il y a le problème des paradis fiscaux.
Alain Deneault 

Un spectacle instinctif, brut, absurde où moult versions d'une unique interview expriment notre impuissance face à l'évasion fiscale. Quelle brillante idée! Utiliser une « italienne », méthode de travail théâtrale où le texte est récité sans intention aucune par les comédiens avant d'entrer en scène, et de le faire sur scène est également un trait de génie. Cela donne une couleur différente au texte, le remet au coeur du spectacle. Le brasse.

Nous questionne aussi sur le sens des gestes. Quelles significations ont-ils? Et tout ça, avec une seule interview que l'on nous sert en boucle. Tout d'ailleurs provient de l'interview: la musique, les sons, le texte. Elle est triturée. Transformée. Mais c'est bien elle. Parfois on la reconnaît. Parfois pas du tout.

La radio, havre de l'éphémère, trouve une deuxième vie grâce à ce spectacle. Des paroles qui s'évanouissent rapidement alors qu'elles devraient, pour certaines à tout le moins, nous faire sortir dans la rue, alors que ce n'est jamais le cas, sont décuplées. Elles ont une seconde vie. Nous questionne à nouveau. Ramène le sujet sur le tapis. Encore et encore.

Du théâtre ou de la danse? De la performance ou de l'art brut? Certainement des bêtes de scène, Béland et Dufresne, qui nous entraînent dans une étrange aventure scénique. Un spectacle qui surprend, fait réfléchir et charme. Oui, charme! Grâce à des scènes loufoques, drôles et incongrues qui s'enchaînent et ébahissent.
Crédit photo: Maxime Robert-Lachaine
Allez-y surtout si vous aimez: l'absurde, les performeurs, les spectacles hybrides.

Ce spectacle a été présenté dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec. Une idéation et une interprétation d'Alix Dufresne et de Marc Béland.

Bon théâtre et bonne danse!
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mercredi 5 juin 2019

Pinocchio: la quête de soi

Joël Pommerat et sa joyeuse bande proposent un spectacle de transformations extraordinaires et d'aventures surprenantes d'un petit homme fait de bois qui part à la recherche de l'humain qu'il voudrait être.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: Elizabeth Carecchio
Synopsis (tiré du site web du Carrefour international de théâtre de Québec)
Joël Pommerat est l’un des plus grands artistes du théâtre français. Il crée des œuvres infusées d’une sensibilité et d’une intelligence exceptionnelles qui éblouissent, bouleversent et font rêver les publics de tous les âges. Adaptation du célèbre conte pour enfants, son Pinocchio librement réinventé retrouve le souffle ténébreux de l’œuvre initiale achevée en 1883 par Carlo Collodi.

À peine sorti du tronc d’arbre dans lequel il a été sculpté, Pinocchio, candide pantin de bois, est déjà d’une insolence exaspérante. Courant au-devant des catastrophes, il est rapidement confronté à une foule d’aventures et d’épreuves périlleuses qui l’amèneront peu à peu à se métamorphoser. Grâce au soutien et à la bonté de la fée, à la patience et à l’amour inconditionnel de son père, puis surtout à force d’expériences et d’efforts, Pinocchio se transforme pour finalement devenir un être de chair, un véritable petit garçon.

Opposant l’imaginaire affable de l’enfance à la dureté des « grandes personnes », Pinocchio joue des contrastes entre l’austérité du réel et les artifices de la fantasmagorie. Sombre et lumineux, magique et moral, drôle et inquiétant, le spectacle étreint certains des aspects les plus cruels mais aussi les plus tendres de la nature et de l’existence humaines.

Dans ce théâtre fabuleux, tout est cohérent et serti d’ingéniosité. Masques, théâtre d’ombre, voilage, éclairages et multiples effets poétiques donnent à l’objet scénique une dimension presque cinématographique et participent à créer une œuvre follement féérique d’où émane tout le prodigieux génie de Pommerat.
Crédit photo: Elizabeth Carecchio
Allures circassiennes
Pommerat s'offre un conte comme vous n'en avez pas souvent vu. Les noirs pullulent pour nous offrir des métamorphoses surprenantes. Si elles semblent être parfois des effets d'esbroufe, ces transformations sont extraordinaires. En l'espace d'un clin d'oeil, parfois deux, une foule apparaît là où il n'y en avait pas, une salle de spectacle se pointe le nez alors que la seconde d'avant il n'y avait rien ou une scène remplie est soudainement vide. Gare à celui ou celle qui cligne des yeux trop vite.

Son Pinocchio a des allures de cirque. Le narrateur arrive directement du théâtre de rue avec ses allures de clown à la fois sympathiques et antipathiques. Celui qui fait fuir les enfants l'espace d'un instant pour les fait rire la seconde suivante. Pinocchio est une sorte d'homme de foire qui va d'aventure en aventure à la recherche de son humanité. Une quête faite de hauts et de bas. Faite de bien et de mal. S'il chute souvent, il se relève toujours. La transfiguration sera au rendez-vous après moult aventures. 
Crédit photo: Elizabeth Carecchio
Du peu on fait beaucoup
De lumières, d'ambiances et de peu d'accessoires et décors, Pommerat et ses quatre comédiens réussissent à créer des univers féériques. L'ingéniosité de l'équipe n'a que peu de limites. Une mer agitée ou un arbre géant se matérialisent sous nos yeux ébahis avec peu en l'espace d'un instant. La magie opère à chaque fois, y compris, lorsque le nez s'allonge, et s'allonge, et s'allonge. Les images frappent l'imaginaire à chaque fois. Et l'on se demande comment ce miracle a bien pu se réaliser. Jusqu'à la scène suivante où l'on se pose la même question.

Le succès de ce spectacle tient à ses clairs-obscurs et ses parts d'ombre, ses transformations extraordinaires, ses jeux de lumières et à l'émerveillement qu'il crée tant chez les jeunes que les moins jeunes.

Allez-y surtout si vous aimez: le théâtre de Pommerat, la fantasmagorie, les spectacles qui utilise le peu pour faire beaucoup, les transformations extraordinaires.

Jusqu'au 8 juin à La Bordée dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec. Avec Myriam Assouline, Pierre-Yves Chapalain, Daniel Dubois, Maya Vignando. Un texte et une mise en scène de  Joël Pommerat.


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mardi 4 juin 2019

Granma. Les trombones de La Havane: générations croisées

L'histoire de Cuba contée au travers des yeux de deux générations qui s'aiment mais qui ne voient pas nécessairement les choses du même oeil. Grands-parents et petits-enfants échangent par voie de vidéos sur Cuba, sa révolution et ce que le pays est devenu. Les constats ne sont pas nécessairement les mêmes mais l'espoir d'un avenir meilleur, toujours présent.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: Dorothea Tuch
Synopsis (tiré du site web du Carrefour international de théâtre de Québec)
Depuis la mort de Fidel Castro, Cuba s’ouvre de plus en plus au reste du monde et connaît des bouleversements profonds dans toutes les sphères de sa société. Rompu à l’approche documentaire, Stefan Kaegi, du collectif Rimini Protokoll, a vu dans ce moment charnière de l’histoire du pays un terreau fertile. Grâce à l’initiative du Laboratorio Escénico de Experimentación Social, basé à La Havane, le metteur en scène a rencontré certains des petits-enfants des révolutionnaires des années 1950. Quatre d’entre eux ont été retenus et invités à collaborer à la création de cette œuvre qui retrace le chemin de la révolution cubaine d’hier à aujourd’hui, par le prisme des récits familiaux traversant les générations.

Âgés d’à peine trente ans, les descendants des compagnons de la Revolución entrent dans la peau de leurs grands-parents pour raconter le pays à travers leur vie et leur histoire et… ils jouent du trombone! L’apprentissage de cet instrument de musique emblématique des fanfares militaires de l’île relève d’une forme d’utopie dont l’écho résonne avec l’idéal révolutionnaire cubain, qui peine à survivre au passage du temps.

Voici un objet scénique hors norme absolument fascinant où réalité et fiction glissent l’une dans l’autre pour donner naissance à un émouvant pèlerinage historique et humain. Les protagonistes y empoignent d’un même élan le passé, le présent et le futur. Ils interrogent l’héritage social laissé par le mouvement castriste, rendent hommage au parcours de leurs familles, puis donnent vie à leurs propres aspirations, à leur quête d’un monde plus juste, pour finalement rêver tout haut le Cuba de demain.
Crédit photo: Dorothea Tuch
Constats et questionnements
Granma, c'est le bateau qui a ramené en terre cubaine Fidel Castro en compagnie de 81 compagnons pour faire la révolution. C'est aussi, le nom du seul quotidien cubain, organe du parti communiste, depuis 1965. Pendant plus de deux heures, quatre protagonistes, petits-enfants de la génération révolutionnaire des grands-parents, discutent de l'arrivée de ce Granma en terre cubaine et des soixante années qui ont suivi.

D'ingénieuse façon, ces quatre trentenaires entretiendront une conversation avec leurs grands-parents sur Cuba et son histoire. Une réflexion tout en douceur qui se fera par la magie de la vidéo avec les grands-parents. Si la mise en scène use de féerie, les trombones se transforment en différents objets, du bâton de golf à l'arme d'assaut, une machine à coudre devient un calendrier où défile les années et une bouteille d'eau devient bâton de baseball, elle est bien statique et manque de rythme à de nombreuses occasions. Les intermissions musicales des trombonistes, bien que sympathiques, n'insufflent guère de dynamisme à l'ensemble.

L'histoire cubaine revisitée par ces parcours et visions intergénérationnels est fort intéressante. Les constats et les questionnements foisonnent. On en apprend beaucoup, de manière un peu trop didactique cependant, sur l'histoire de ce pays mais ce qui est encore plus intéressant ce sont les questionnements. En bout de course, la nouvelle génération fait sa révolution à sa manière, mais elle se questionne et veut que les choses changent. 

Crédit photo: Ute Langkafel MAIFOTO
Sincérité et naturel
Un des éléments forts de cette production est la sincérité et le naturel des jeunes non-acteurs de cette production. Ils n'ont pas de formation d'acteurs mais parlent avec verve de leur pays qu'ils aiment profondément. On le sent bien à chacune de leur intervention.

La présence de deux grands-parents via la magie de la vidéo est également rafraîchissante. Elle permet un quasi-véritable dialogue, la vidéo étant pré-enregistrée, entre les deux générations. Encore une fois le naturel des intervenants séduit. Une magnifique façon de faire le point sur l'histoire. Rien n'est noir. Rien n'est blanc. Mais l'échange, l'écoute et l'admiration de la jeune génération, qui n'en est pas moins critique de celle de la révolution, sont au coeur de ce documentaire.

Il s'agit bien plus d'un documentaire que de théâtre. Le modus operandi du spectacle se colle très peu à celui du théâtre, même s'il si apparente. L'histoire défile simplement par l'entremise de destins familiaux qui se déroulent en parallèle. On se promène de témoignages en anecdotes et le fil qui relie tout ça est Cuba.

Granma. Les trombones de La Havane est un docu-réalité qu'il vaut la peine de voir. La jeunesse cubaine est belle à voir. Elle est courageuse, remplie d'espoir et de rêves. Ne serait-ce que pour cela, le déplacement en vaut la peine. Le spectacle a bien d'autres qualités pour ne pas hésiter à se rendre à la Salle Multi de Méduse aujourd'hui avant que le spectacle ne disparaisse.


Allez-y surtout si vous aimez: le documentaire, les petites histoires derrière les grandes, découvrir les dessous de l'histoire cubaine, les créations collectives, les histoires qui viennent du coeur.

Dernière représentation le 5 juin à la Salle Multi de Méduse dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec. Avec Milagro Álvarez Leliebre, Daniel Cruces-Pérez, Christian Paneque Moreda, Diana Sainz Mena. Une conception et une mise en scène de Stefan Kaegi.


Vous voulez en apprendre plus? Écoutez notre interview avec Stephan Kaegi vers la quarantième minute de l'émission du 27 mai.

Bon théâtre et bonne danse!
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lundi 3 juin 2019

Hurlevents (lecture): l'orage gronde

Une soirée qui s'annonce somme toute banale, tourne aux règlements de comptes. L'amour sera au centre de ce chassé-croisé de conversations. Il prendra différentes formes mais pas toujours pour le bien des protagonistes.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: Gunther Gumper
Synopsis (tiré du site web du Carrefour international de théâtre de Québec)
Émilie part demain pour un long voyage. Elle n’a pas vu sa sœur Catherine depuis un moment quand celle-ci surgit, fragilisée, un soir de tempête, avec son amoureux de peu de mots. Mais ce soir-là, Émilie prépare un repas réunissant son bouillant colocataire Édouard, son amie Isa aux prises à son insu dans un piège amoureux, et Marie-Hélène, la professeure de littérature qu’elle adule.

À mesure que la soirée avance, que les jeunes idéalistes se noient dans leur soif d’absolu, les échos des personnages du roman Les Hauts de Hurlevent (Emily Brontë) se font de plus en plus insistants. Jusqu’à entrer en eux.
Crédit photo: Gunther Gumper
Difficiles amours
Amour vengeance, amour fusionnel, amour difficile, voilà les formes que prend l'amour ici. Une génération qui se cherche dans ses relations amoureuses. Elles sont difficiles et inavouées, cachées parfois. D'autres sont fusionnelles. Aucune ne semble satisfaisante. Est-ce une génération qui cherche l'amour? Qui ne le connaît pas vraiment? Trop sexualisée? Peut-être. Mais peut-être pas aussi. Elle n'est pas véritablement différente des autres. Elle le désire cet amour vrai. Ce bonheur d'être lié à un autre. Elle le trouvera sans doute. Mais ici elle lance des hurlements, des cris.

Cette génération du paraître a de la difficulté avec l'être. Le texte de Fanny Britt le dépeint merveilleusement bien. Il est ciselé et frappe juste. L'émotion enfoui tente son chemin et l'on sent bien que les personnages ont de la difficulté à l'exprimer. Le jeu des comédiens y est pour beaucoup. Emmanuelle Lussier-Martinez et Benoît Drouin-Germain se démarquent particulièrement. 

La mise en lecture proposée hier était très dynamique. Peu de de statisme. Pour ajouter au réalisme d'une véritable représentation, les comédiens portaient les costumes des personnages (la pièce a été présenté à Montréal en 2018). Il ne manquait que le décor. Il n'était pas vraiment nécessaire, le drame des rêves de jeunesse était bien présent. Le message passait merveilleusement bien. À un point tel que l'on revivait les nôtres l'espace d'un instant. Les générations passent mais les rêves demeurent.
Crédit photo: Gunther Gumper
Ce spectacle a été présenté dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec. Un texte de  Fanny Britt. Avec Alex Bergeron, Kim Despatis, Benoît Drouin-Germain, Florence Longpré, Emmanuelle Lussier-Martinez et Catherine Trudeau. Une mise en scène de Claude Poissant.

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dimanche 2 juin 2019

Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l'irrémédiable: magnifique Pascual!

Une interprétation forte d'Alice Pascual, un texte superbement structuré et une mise en scène efficace font de ce spectacle un événement à ne pas manquer! Malheureusement, il n'est plus à l'affiche (il n'était présenté que deux fois). Ne le manquez surtout pas s'il part en tournée.

Une critique de Robert Boisclair
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Crédit photo: Zoé Rioux
Synopsis (tiré du site web du Carrefour international de théâtre de Québec)
Traumatisée par la tuerie perpétrée à Sandy Hook en 2012 et préoccupée par la sécurité de l’école qu’elle juge inadéquate, une enseignante du primaire décide de préparer les élèves de son groupe à l’éventualité d’une fusillade.

Le public prend place dans un espace qui fait office de salle de classe. Directement interpelés tout au long de la pièce, les spectateurs assistent à une leçon de survie qu’ils ne sont pas près d’oublier…

Professeure compétente et imaginative, Madame Catherine adopte de multiples stratégies pour susciter l’intérêt de ses élèves : marionnettes, masques, chanson, jeux participatifs, dessins, elle déploie tous les moyens possibles pour les sensibiliser au danger qui les guette.

Tantôt douce et aimante, tantôt lucide et menaçante, Madame Catherine, en proie à son obsession, s’enfonce de plus en plus dans la paranoïa et sombre dans l’excès. Dans le rôle de cet être complexe, paradoxal et perturbé, Alice Pascual, seule en scène, est absolument magistrale.

Avec la gravité du sujet, l’état psychologique fragile du personnage et les procédés ludiques employés tout au long de la leçon, Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l’irrémédiable navigue entre le comique et le tragique, entre la candeur de l’enfance et la rudesse du monde actuel et entraîne dans des montagnes russes d’émotions. De cette œuvre choc, évocation explicite et troublante du discours soutenu par certains dirigeants politiques, surgit une réflexion lucide et nécessaire sur les dérives de la peur. Et le public, face à ses propres angoisses, s’y confronte avec un rire tantôt franc tantôt grinçant.
Crédit photo: Zoé Rioux
«Montagne russe d'émotions»
Cette citation d'Alice Pascual, l'actrice principale de cette pièce, résume bien ce qu'est Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l'irrémédiable. Très bien construit, le texte amène le spectateur dans la tête de cette enseignante qui, bien qu'elle veuille le meilleur pour ses élèves, transmet ses craintes et alimente le climat de peur jusqu'à devenir l'incarnation même de cette peur.

Chaque scène est presque dans un style de théâtre différent :
il y a du jeu masqué, de la marionnette, du théâtre participatif, du rap, du jeu vrai, intime…
C’est une montagne russe d’émotions.
Alice Pascual, Le Devoir, 24 mars 2018

La mise en scène efficace de Jon Lachlan Stewart et la scénographie sobre, un tableau noir, un bureau, un meuble d'appoint et quelques accessoires supplémentaires, participent grandement au climat de peur qui s'installe graduellement entre l'enseignante et ses élèves. Ambiance qui gagne la salle puisque celle-ci devient la salle de classe.

Alice Pascual interpelle régulièrement la salle en tant qu'élève de diverses manières. Les deux premières rangées sont identifiées au nom des élèves de la classe. Elle incite la salle à participer de différentes manières. Le mur n'existant plus entre la scène et la salle, la complicité salle/scène est donc grande. Cette complicité demande également à l'actrice d'affronter l'inattendu, de réagir à ce qui se passe dans la salle et aux réactions du public, qui furent nombreuses lors de la représentation à laquelle j'ai assisté. La comédienne est donc dans une zone de danger qui contribue certainement au succès du spectacle. 
Crédit photo: Zoé Rioux
Superbe Pascual!
Alice Pascual est superbe dans le rôle de cette enseignante au bord de la crise de nerfs. Elle interprète magnifiquement ce moment de basculement où la folie triomphe de la raison. Ce moment charnière où le citoyen ordinaire devient terroriste. C'est bien de cela qu'il s'agit ici. Une réflexion sur cette transformation entre l'individu rationnel et celui qui finit par croire à ses lubies.

Alice Pascual, au travers de son personnage, nous amène doucement dans son univers quelque peu tordu où les complots et les croyances prennent toute la place. Le spectateur croit à ses lubies. Et cela avec des techniques toutes simples: participation du public, raps, compliments adressés à ses élèves qui sont en réalité les spectateurs. Inquiétant et... éclairant. Le processus qui transforme un bon citoyen en terroriste potentiel est bien mis en évidence ici. Il est tout simple et il fonctionne. En voulant le prévenir, elle alimente le climat de peur. Et une fois que le feu est mis, il brûle ce qui l'entoure. À force d'entendre un discours, on finit par l'assimiler, l'intégrer, y croire et puis, pour certains, poser le geste fatidique.

De par sa magnifique performance, elle inscrit dans nos esprits des moments de théâtre qu'on n'oublie pas de sitôt. Elle incarne sans faux pas et avec intensité une Madame Catherine qui vacille, qui reprend ses esprits mais qui finit pas céder à ses lubies. Elle joue merveilleusement bien sur la fine ligne qui sépare la lucidité de la folie, la tendresse de l'hostilité, le bonheur de la souffrance. Une remarquable et énergique performance.
Crédit photo: Zoé Rioux
Ce spectacle a été présenté dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec. Un texte de  Elene Belyea. Avec Alice Pascual. Une mise en scène de Jon Lachlan Stewart.

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