jeudi 31 octobre 2019

Hope Town: volcan tranquille

La famille, que bien souvent l'on aime et que parfois l'on déteste, n'est peut-être pas toujours celle que l'on croit. Derrière une belle unité peut se cacher une zizanie latente ou un mal-être qui ne se dévoile pas. C'est ce qui se passe ici. Une histoire d'amour forcé parce que la famille doit être unie.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
En répétition
Crédit photo: Nicola Frank-Vachon
Synopsis (tiré du site web du théâtre)
Lors d’un voyage en Gaspésie, Isabelle s’arrête à un Subway et y découvre son frère, qui était disparu depuis cinq ans… Pourquoi était-il parti sans donner aucune nouvelle? Que lui était-il arrivé? Pourquoi garder ses parents dans la plus grande des inquiétudes? Pourquoi ce secret?

Après le très émouvant Sauver des vies, Pascale Renaud-Hébert, auteure en résidence, revient avec son second texte. Avec un sens aigu du dialogue, elle nous tient en haleine tout au long de la pièce en mélangeant finement drame et humour, pour parler de famille, d’amour et de secrets. Cette fois-ci, elle pose une terrible question : a-t-on le droit de ne pas aimer sa famille?

De quoi, t’as pas de lien ? J’suis ta sœur, oui, on a un lien.
Extrait de la pièce
En répétitiion
Crédit photo: Nicola Frank-Vachon
Mensonges, mensonges
La famille, centre de nos vies, n'est peut-être pas celle que l'on croit ou que l'on voudrait qu'elle soit. Celle dépeinte dans Hope Town vit dans le mensonge. Tout le monde connait les véritables raisons qui unissent la famille. Certains ferment les yeux et prient pour que la famille reste unie, d'autres voudraient dire la vérité mais ne peuvent le faire pour ne pas briser la famille ou faire de la peine. La pression sociale est sans doute trop forte, car briser la famille ou être apatride de famille, ce n'est pas acceptable. Le mensonge est donc ce qui traverse la pièce de part en part.

La mère qui connait la vérité mais qui fait comme si elle n'existait pas. Le père qui voudrait savoir mais qui préfère se taire. La soeur qui tient à réunir la famille et qui pour cela est prête à ne jamais dire la vérité. E le frère qui lui a fait le geste de quitter la famille mais qui au moment critique de tout avouer se tait et joue le jeu de la famille heureuse.

Les airs de famille normale ne sont qu'une belle image. Celle qu'il faut donner. Tout au fond, tous sont malheureux. Ils ne forment une famille heureuse que de façade. Ils sont comme un volcan tranquille où la lave bout sous une surface calme. Le volcan pourrait exploser à tous moments et cracher sa lave. 

Pascale Renaud-Hébert a frappé juste. Elle a dépeint une famille comme il y en a tant. Elles sont parfois bien cachées mais elles sont là. Nous en croisons à chaque jour. À chaque heure de la journée. Qui ose le dire? Personne ou presque mais elles sont bien là. Hope Town c'est une sorte de gros malaise qui se dévoile. C'est réconfortant de voir une jeune auteure mettre au jour un questionnement aussi tabou.
En répétition
Crédit photo: Nicola Frank-Vachon
Le volcan tranquille dont je parlais tout à l'heure éclate tout de même à quelques occasions. Certains soubresauts sont forts émouvants. Je pense à cette scène où le père, touchant Jean-Sébastien Ouellette, éclate et demande à son fils, excellent Olivier Arteau tout en retenu, s'il est responsable de cette absence de cinq ans. Un des beaux moments de la pièce.

Les malaises de la famille sont bien suggérés par la mise en scène de Marie-Hélène Gendreau. La nourriture occupe une place importante dans la pièce. L'histoire débute dans un Subway où la bouffe est omniprésente mais où personne ne mange. Les émotions sortent, elles s'expriment. Il n'y a aucune raison de compenser en mangeant. Au domicile familial, le malaise est palpable alors les protagonistes mangent. Ils compensent en écrasant les émotions avec la nourriture.

Autre signe de malaises, les comédiens ne s'assoient presque jamais. Ils ont besoin de bouger. De se déplacer. Ils ne peuvent s'asseoir car l'émotion les étouffe. Le volcan pourrait éclater d'un instant à l'autre. Le mal-être traverse la pièce de part en part.

La scénographie toute simple et faite de parties de décor mobile permet des transformations rapides. Ce décor épurée dépeint également le faux-semblant qui habite la famille. Tout s'imbrique magnifiquement dans cette pièce.

Allez-y surtout si vous aimez: la belle plume de Pascale Renaud-Hébert, découvrir la famille d'un autre oeil, les mises en scène de Marie-Hélène Gendreau.

Jusqu'au 23 novembre à La Bordée. Avec Olivier Arteau, Nancy Bernier, Jean-Michel Déry, Jean-Sébastien Ouellette et Pascale-Renaud Hébert. Un texte de Pascale Renaud-Hébert. Une mise en scène de Marie-Hélène Gendreau.

Vous voulez en apprendre plus? Écoutez notre interview avec Pascale Renaud-Hébert au tout début de l'émission du 14 octobre.

Bon théâtre et bonne danse!
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