vendredi 28 mai 2021

Les dix commandements: danses à thèmes

Prendre les dix commandements de vous savez qui, et leur donner une nouvelle direction, une nouvelle énergie aux accents de 2021. C'est un peu, beaucoup ça, Les dix commandements du chorégraphe Harold Rhéaume en représentation du 31 mai au 11 juin au Carrefour international de théâtre de Québec.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Ariane Voineau dans Les dix commandements
Crédit photo: Daphné Lehoux Traversy

Synopsis (tiré du site web du Carrefour international de théâtre de Québec)
Quels sont les codes moraux et les valeurs collectives qui servent de socle au vivre-ensemble, alors que l’individualisme atteint son paroxysme? En 1998, le chorégraphe Harold Rhéaume soulevait cette question avec son œuvre ambitieuse Les dix commandements. Pour fêter les 20 ans de sa compagnie, Le fils d’Adrien danse, il revisite ce spectacle fondateur sous forme déambulatoire, dans un lieu emblématique du patrimoine religieux québécois : le Monastère des Augustines. Un environnement à la fois envoûtant et apaisant, qui enveloppe les interprètes d’une sorte d’aura sacrée. En passant d’un espace à l’autre, le spectateur sera confronté à des corps tour à tour ardents et fragiles, ondulants, survoltés, contraints, furieux, désarticulés, en repli ou sur le point de prendre leur envol. Au cœur des mouvements, les mains parlent aussi fort que des mots.

...quand j'ai replongé là-dedans avec les nouveaux interprètes, j'avais envie finalement de garder des traces du passé et en même temps de faire parler le présent aussi...
Harold Rhéaume aux Enfants du Paradis du 29 mars dernier

Les commandements de l’Église catholique, eux, se tissent dans l’ensemble en un filigrane très discret. C’est surtout une vaste palette d’émotions qui est mise en scène sur les mélodies atmosphériques de Josué Beaucage, qui font alterner électro et instruments organiques. Le message final résonne avec une puissance particulière en cette ère où la haine a trop souvent la parole: l’important, c’est l’harmonie. Avec soi et avec les autres.

Danses à thèmes
Les chorégraphies, car il faut bien parler de multiples chorégraphies faites en collaboration avec les artistes, sont toutes en intériorité, explorant chacune à leur façon un des dix commandements. Il s'agit bien de danses à thème ici, où chaque commandement a été revu au travers des yeux des interprètes.

...les danseurs ont une part de création immense... Chaque solo s'est créé dans l'intimité du studio avec moi, l'interprète, le compositeur Josué Bocage et j'avais aussi le bonheur d'avoir une personne qui était là d'abord pour être illustratrice, Mathilde Bois, qui est devenue très vite un oeil extérieur...
Harold Rhéaume aux Enfants du Paradis du 29 mars dernier

Le spectacle propose dix commandements revisités qui se conclue sur une grand-messe en compagnie des dix interprètes et de l'ensemble des spectateurs. Un moment de communion essentiel après ce passage de salles en salles où les spectateurs en petits groupes de cinq au maximum découvrent chaque moment d'intensité communale autour de pas de danse parfois toniques, parfois tout en retenu et en sentiments intérieurs sur le point d'exploser.

Alexandre Carlos dans Les dix commandements
Crédit photo: Daphné Lehoux Traversy

Ce parcours déambulatoire dans le magnifique lieu qu'est le Monastère des Augustines, apaisant et propice à la réflexion et à l'absorption des émotions vécues à chaque station dansée, est un petit bijou chorégraphique. Il s'y dégage une forme d'énergie de protestations ou de contestations enrobée dans une sensibilité à fleur de peau qui vient chercher le spectateur. Un peu à la manière de ces mouvements sociaux qui agitent nos sociétés aujourd'hui. La rage contenue est là, vive, à fleur de peau, sur le point d'exploser. Écoutez-moi, semblent dire les interprètes, vous qui me regardez. Captez mon message.

Les ramifications sont vastes, les interprétations peuvent varier mais le choc est là. La réception se fait à partir d'une matière brute qu'il appartient à chacun d'interpréter. Chacun reçoit ce magique et magnifique moment de danse à sa manière. L'important, après tout, c'est que la danse est là devant nous et qu'elle nous envahit et nous fait vibrer. C'est ce qui importe. Le reste appartient à chacun dans sa réaction viscérale profonde.

Miranda Chan dans Les dix commandements
Crédit photo: Daphné Lehoux Traversy

Un environnement sonore envoûtant
La musique originale que propose Josué Beaucage est absolument envoûtante. Elle traduit merveilleusement bien le sentiment transmis par l'interprète et donne une aura à la fois surnaturelle et porteuse de sens. Le spectateur est ensorcelé. Envoûté. Captivé. Par la judicieuse combinaison de la musique, de l'interprétation et de la chorégraphie, il reçoit en plein visage la rage et le désespoir de marginaux ou d'une génération.

Cette musique transcendante jointe à un dépouillement du geste, de la gestuelle ramène le spectacle à quelque chose de plus archaïque. Le geste est simple et très souvent intériorisé comme une prière à la fois pour le danseur et pour le spectateur. Même quand la prestation est brusque ou plus physique, la musique et le mouvement du corps suggèrent à une réflexion spirituelle personnelle.

Un spectacle à découvrir pour vivre des moments d'intense communion avec la danse. Il y en a 11, malheureusement trop courts, mais tous immensément bénéfiques.

Allez-y surtout si vous aimez: les introspections, le dépaysement, les spectacles dansés intimes, la diversité des chorégraphies.

Du 31 mai au 11 juin au Monastère des Augustines dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec. Avec Nicholas Bellefleur, Josiane Bernier, Alexandre Carlos, Miranda Chan, Charles-Alexis Desgagnés, Jean-François Duke, Misheel Ganbold, Etienne Lambert, Eve Rousseau-Cyr et Léa Ratycz Légaré. Une chorégraphie d'Harold Rhéaume.

Bon théâtre et bonne danse!
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