mercredi 22 janvier 2020

.ES - CHAPITRE 1 - SOI: docufiction éclatée

Au-delà de la question posée, les femmes et le pouvoir, il y a dans cette production une sensibilité, une intimité et une grande sincérité de six femmes qui se questionnent. Un moment de théâtre qui tient à la fois de la performance et de la recherche sociologique.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: Vincent Champoux
Synopsis ( tiré du site web du théâtre)
« Quelle reine sommeille en vous ? »

Natalie, avec cette question, espère parler de politique, mais se trouve finalement coincée dans l’intime; Marie-Ève est constamment déchirée entre la vierge et la pécheresse; Rosalie explore le radical softness et la censure des mamelons en photographie; Maude se gave d’essais féministes pour étouffer son sentiment d’impostrice; Noémie s’insurge contre la monarchie et brûle sa couronne. Elle s’empresse ensuite de lancer de l’eau sur les flammes par peur de déranger ses voisins. Finalement, la couronne reste là, sans tête. Cette fois, il n’y aura même pas de sang.

Elles sont cinq comédiennes aux balbutiements de leur carrière. Elles entreprennent la création d’un spectacle en collectif autour de la thématique des femmes et du pouvoir. Au fil des ateliers et des répétitions, leur groupe devient un espace de parole privilégié où confier leurs colères, leurs peurs, leurs vulnérabilités face à ce monde qu’elles habitent et qui, trop souvent, leur enseigne qu’elles sont de ces êtres qu’il est normal de sous-estimer, de détester, de posséder. Une sororité se tisse.

Aux interstices entre le théâtre documentaire, la performance et l’autofiction, .ES - chapitre 1 - soi raconte l’histoire de cinq reines en devenir, de nombreuses assemblées de cuisine, de la quête de nouveaux discours sur les femmes et le pouvoir, d’un show annulé, de discussions politiques sur un banc de neige, de l’envie irrésistible de désobéir.
Crédit photo: Vincent Champoux
Docufiction éclatée
Un quintette, pardon un sextuor, de femmes qui s'ouvrent dans une docufiction aux forts accents féministes. Le spectacle s'offre dans une forme éclatée où les discours autour du pouvoir prennent différentes formes: présentations personnelles, apartés, interventions d'une pas vraiment scénographe et pas vraiment comédienne et d'un déliement qui prend la forme d'un déambulatoire où scène et salle, comédiennes et spectateurs se confondent.

Un spectacle de près de trois heures aux allures bien brouillonnes. Si la proposition est intéressante, elle s'offre dans un salmigondis qui, ma foi, n'est pas dépourvu d'intérêt pour autant. Les sous-thèmes sont nombreux et malheureusement, le public s'y perd. Les instigatrices du projet entraînent le spectateur dans un aventure qu'il peine à suivre. Le discours n'est pas confus, c'est plutôt la quantité de questionnements pas toujours approfondis qui dérange. 
Crédit photo: Vincent Champoux
L'objectif d'amener une discussion sur le sujet des femmes et du pouvoir est réussi avec la dernière partie de la docufiction où la salle et la scène ne font plus qu'un. Le public est invité à se joindre aux comédiennes et à suivre un déambulatoire, ma foi fort intéressant, mais qu'il est impossible de découvrir tant le temps imparti à cette portion du spectacle est court. L'échange que l'on peut y faire, la découverte des différentes stations mériteraient un plus long temps. Une belle occasion d'en découvrir un peu plus sur les comédiennes et le pouvoir chez les femmes.

D'une grande sincérité
Là où les créatrices viennent nous chercher, c'est dans l'intimité du propos. Dehors les quand-dira-t-on et bonjour l'authenticité et la sincérité. Les confidences sont touchantes. Les mots pour le dire frappent justes, même si parfois elles doutent de leurs paroles. Ce qu'elles ne devraient pas. Elles savent nous partager leurs émotions et ressentiments avec justesse. Leurs peurs aussi. Ce qu'il manque peut-être un peu, c'est leur espoir. Que tout ça change. Pour le mieux. Pour elles.

C'est un spectacle féministe qui prend position mais c'est aussi un spectacle que seule des femmes peuvent faire. Je sais je ne devrais pas dire ça. Il y a de la tendresse dans ce spectacle. Beaucoup de tendresse. Un esprit collaboratif aussi. Très fort. De soutien aussi. Et ça, c'est une prise de pouvoir toute féminine. Les hommes n'y arrivent pas. Jamais. Ou presque. Il y a une solidarité chez elles, dans ce spectacle qu'on ne trouve pas dans un spectacle fait par l'autre moitié de l'humanité. Cette solidarité, cette sororité c'est un pouvoir immense qu'on vous envie secrètement.
Crédit photo: Vincent Champoux
Par moments, je ne vous suivais pas dans ce spectacle, dans cette aventure mais vous êtes venu me chercher avec cette espèce de catharsis que fut la rencontre proposée après l'entracte. Ce joyeux «melting pot» scène/salle, spectateurs/comédiennes.

Il y a beaucoup de belles choses dans ce spectacle. À commencer, par les interprètes. Sincères. Qui prennent des risques. Qui osent se mettre à nu, au sens figuré. À ouvrir leur coeur. À partager leur intimité. Vous vous êtes ouvertes à nous et ça, c'est le plus beau cadeau que vous pouviez nous offrir.

Il y a aussi dans ce spectacle un grand amour pour le théâtre. Et ça je l'ai senti tout au long de la représentation. Si vous doutez que le théâtre est fait pour vous, ne doutez plus.
Crédit photo: Vincent Champoux
Allez-y surtout si vous aimez: le théâtre féministe, les formes éclatées, les spectacles hors normes.

Jusqu'au 8 février à Premier acte. Avec Maude Boutin St-Pierre, Rosalie Cournoyer, Natalie Fontalvo, Noémie F. Savoie et Marie-Ève Lussier. Une création de Maude Boutin St-Pierre, Rosalie Cournoyer, Natalie Fontalvo, Noémie F. Savoie et Marie-Ève Lussier.

Bon théâtre et bonne danse!
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