samedi 16 octobre 2021

Marie Stuart: souveraines confrontations et souveraines passions

Deux reines que tout opposent. Deux rivales majestueuses qui portent à bout de bras leurs souffrances. Marie Stuart c'est la rencontre de deux souveraines imbues de pouvoir. Une rencontre qui ne peut finir que de manière tragique. 

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Martin Bélanger

Synopsis (tiré du site web du Périscope)
Ce sont des femmes de pouvoir. Elles sont imparfaites, cruelles, sensuelles, brillantes. Elles ont marqué l’histoire et inspirent à présent notre vision de la féminité. En travaillant la force et les nuances de ce texte de Dacia Maraini, Les Écornifleuses, guidées par Frédéric Dubois, poussent la réflexion sur l’acceptation de ce qui nous forme, de ce que nous sommes dans toute notre singularité et notre liberté.

Autour du face à face imaginé entre Marie Stuart, reine d’Écosse, et Élisabeth 1re, sa cousine et reine d’Angleterre, qui ordonna la sentence de sa captivité, l’autrice propose une série de tableaux dans lesquels on découvre la tension qui les oppose : l’une jouit d’une liberté physique mais est prise dans un carcan de valeurs et d’actions qu’on lui dicte, tandis que l’autre, captive, est libre de penser et d’embrasser sa féminité. Seules avec elles-mêmes ou en compagnie de leur servante respective, les grands tourments qui les tenaillent se posent dans une intimité naturelle et désarmante.

Ma chère cousine, ma chère soeur... il fut un temps où les gens disaient que si l'une de nous avait été un homme, notre mariage aurait été le plus sensé de toute l'histoire... Je vous aurais volontiers épousée, si cela avait pu être. Aujourd'hui, nous nous réjouirions d'avoir uni l'Angleterre et l'Écosse par des liens d'amour et de concorde...

Crédit photo: Martin Bélanger

Jeux de pouvoir
La confrontation entre Marie, reine d'Écosse, et Élisabeth, reine d'Angleterre est un conflit entre deux rivales majestueuses certes, mais entre deux femmes d'abord et avant tout. Tout les oppose. Elles sont passionnées, chacune campée dans son univers. Et rien ne semble vouloir les réunir.

Deux conceptions de l'amour s'affrontent car si Élisabeth veut rester vierge, Marie quant à elle se laisse dominer par des passions amoureuses qui la dévorent. Si ce n'était que cela. Marie envie le pouvoir d'Élisabeth alors que cette dernière jalouse la féminité de l'autre.

Tout ça se double d'un conflit intérieur. Chez ces deux reines les rêves s'opposent aux ambitions. Le combat pour le pouvoir est alors miné par des contrariétés qu'elles ne peuvent résoudre sans difficulté. 

Élisabeth et Marie sont transportées par leurs passions. Et le conflit ne pourra se terminer autrement que dans le sang. De façon tragique.

- Reconnaissez au moins que vous m'aimez aussi... 

- Je ne t'aime pas Kennedy; je te possède. J'ai pour toi cette tendresse un peu lascive que l'on éprouve envers les parties les plus délicates de son corps.

Crédit photo: Martin Bélanger

Jeux de miroirs
La scénographie minimaliste se compose essentiellement d'une dizaine de morceaux de miroirs. Placés derrière la scène, les reines s'y dédoublement à de nombreuses reprises. Symboles de leur relation brisée? Ou de leurs brisures intérieures?

Elles sont doubles et couples à la fois. Chacune devenant la servante de l'autre. Les corps se transforment alors. Élisabeth, interprétée par Marie-Hélène Lalande, se courbe lorsque la comédienne devient Kennedy, la servante de Marie. Et Marie, interprétée par Joanie Lehoux, transforme sa voix pour devenir la Nanny d'Élisabeth. Ce couple qui aime se déchirer et se déchire à s'aimer devient le double de l'autre dans un magnifique jeux de miroirs qui accentuent les conflits intérieurs de ces femmes ainsi que leurs oppositions. Elles sont le miroir l'une de l'autre. Un miroir déformé certes, mais un miroir. Cherchent-elles à fusionner? À devenir l'autre pour mieux se retrouver?

Dans cet exercice terriblement exigeant pour les interprètes, Marie-Hélène Lalande impressionne. Solide et fragile à la fois. Elle incarne une Élisabeth autoritaire qu'elle transforme en un tournemain en devenant la servante de Marie. Elle est alors une fragile et soumise Kennedy.  Il manquait à la Marie Stuart affairée de Joanie Lehoux un peu de prestance et d'autorité. Seul bémol à sa prestation. Elle fait également une Nanny maternelle à la reine d'Angleterre, éclatante contrepartie à une Élisabeth plutôt cassante.

Crédit photo: Martin Bélanger

Jeux d'ombres et de lumières
Les lumières de Caroline Ross créent une ambiance qui souligne magnifiquement le conflit intérieur et la guerre des souveraines. Tout se joue dans l'obscurité ou presque alors que la lumière se fait parcimonieuse.

Cette noirceur, c'est la part d'ombre de chacune. Elles ne peuvent échapper à leur destin. La rage et la douleur qui les habitent, leurs souffrances créent cet univers fantasmatique. Tout est sombre et ne peut mener qu'au destin tragique qui les guette.

Ce jeu d'ombres et de lumières offre un superbe déliement. Alors que la servante décrit la décapitation de Marie, celle-ci marche pieds nus sur un mince fil lumineux. On ne voit que ses pieds qui avancent lentement vers l'échafaud. La scène est magnifique et se clôt sur une image saisissante que je vous invite à découvrir en salles. 

Allez-y surtout si vous aimez: les confrontations d'idéologies, les dénouements d'une intensité sobre, les performances d'actrices, les pièces à saveur historique, les textes denses et verbeux.

Jusqu'au 30 octobre au Périscope. Avec 
Marie-Hélène Lalande et Joanie Lehoux. Un texte de Dacia Maraini, Une traduction de Marie-José Thériault. Une mise en scène de Frédéric Dubois.

Les Enfants du paradis est un blogue qui s'intéresse au théâtre, à la danse et au cirque de Québec. Vous y trouverez des critiques, des informations concernant les lancements de programmation ainsi que des nouvelles d'actualité. Un blogue à consulter régulièrement.

Bon théâtre, bonne danse et bon cirque!
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