vendredi 13 octobre 2023

D'une étonnante force visuelle (Critique: La Messe de l'âne)

 La Messe de l'âne que propose La Rotonde est un objet étrange, intriguant et un laboratoire où l'humain n'est plus tout à fait lui-même. Il se transforme et intrigue beaucoup.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: Alain Monot

La pièce en quelques mots
La scène est un laboratoire fantastique où chaque interprète passe tout à tour de Frankenstein à sa créature. L’artiste se saisit des têtes, les recouvre d’argile et y sculpte d’autres visages dans l’espoir d’excaver leur véritable identité. En résulte des tableaux d’une grande force visuelle qui évoquent certaines statuaires africaines, mais aussi les distorsions du peintre irlandais Francis Bacon et la «danse du corps obscur» du butô japonais. Les corps dévoilent leur part d’étrangeté, donnent à rêver, parfois jusqu’aux rivages du cauchemar.

Ovni dansé
Danse, sculpture ou peinture? La Messe de l’âne, c’est bien peu de danse, beaucoup de sculpture, qui tient de la déstructuration, et de la peinture dans sa forme, les tableaux, et dans son inspiration. Tout ça fait du spectacle un ovni dansé plutôt inclassable.

Pour apprécier le spectacle, qui ne s’offre qu’aux 16 ans et plus, il faut s’y présenter l’esprit ouvert. Lors de la discussion qui suivait le spectacle, Olivier de Sagazan, le directeur artistique et interprète, parlait d’un spectacle ou un extra-terrestre découvrait les humains. De la surprise, de la peur, de la curiosité et de l’incompréhension à la vue des humains. Les corps sont constamment transfigurés et transformés, exprimant ainsi la curiosité à la vue de ces êtres différents et objets de curiosité à leur yeux.

Les humains représentés sont souvent des riches et des puissants. Dans les quelques cinq ou six tableaux offerts, ils sont ramenés à une dimension plus terre à terre, celle du commun des mortels. Ils tombent de leur piédestal. Au propre comme au figuré, alors que les visages sont transfigurés et que leurs mises en situation frisent l'absurde. Une juste et précise remise en place. 

Crédit photo: Alain Monot

D'inspiration picturale
Chaque tableau du spectacle est inspiré d’une œuvre connu ou peu connu. Il faut avoir l’œil aiguisé pour les découvrir., dont La pietà de Michel-Ange ou Le Malade imaginaire de Molière. Le passé d’Olivier de Sagazan, il est peintre et sculpteur, est bien présent dans ce jeu de glaise. Le spectateur non-averti aura bien de la difficulté à saisir le sens de tableaux vivants symboliques et hautement subjectifs.

Les limites proposés par Olivier de Sakazan frisent l’insupportable ou le difficilement acceptable. Comme cette scène de viol, qui pousse le spectateur dans ses retranchements. Un moment pour le moins troublant.

Crédit photo: Alain Monot

Un spectacle poétique
Le spectacle, bien qu’il questionne par moments ou laisse dubitatif, offre des instants poétiques lors de beaux moments où les corps et les costumes bougent langoureusement.  Les corps affreusement sales offrent des scènes troublantes et intrigantes. Un spectacle qui questionne à coup sûr et qui prend son véritable envol après un premier tiers intéressant mais longuet et qui tourne un peu en rond, au propre comme au figuré.

La chanson, un vieux succès français intitulé Les marionnettes et interprété par Christophe, et la danse offertes au salut final résume bien ce spectacle pastiche. « Moi je construit des marionnettes avec de la ficelle et du papier. Elles sont jolies les mignonnettes. Je vais vous les présenter. » Cet extrait est représente bien ce qui est le cœur de La Messe de l’âne. Des marionnettes plutôt mignonnes construite d’argile qui nous lancent en pleine face notre humanité, parfois ou trop souvent, habitée par une grande stupidité.

Allez-y surtout si vous aimez:  l’art vivant, les spectacles osés, les images dérangeantes, les jeux dans la boue, les pastiches, vous questionner sur notre humanité, les spectacles d’une grande et surprenante force visuelle, les corps sculptés et déformés.

Jusqu'au 15 octobre au Périscope dans le cadre de la saison de La Rotonde. Avec Olivier de Sagazan, Maureen Bator, Borna Babić, Shirley Niclais, Stephanie Sant, Elé Madell. Une direction artistique d'Olivier de Sagazan.

Crédit photo: Alain Monot

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