mercredi 4 octobre 2023

Théâtre dynamite (Critique: La République hip-hop du Bas-Canada)

Premier acte s'offre en ouverture de saison un spectacle brûlant d'actualité et rempli de promesses. Un spectacle qui rejoint les jeunes comme les moins jeunes générations malgré ses allures contestataires de 2023.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

La pièce en quelques mots
En 2038, Robert Nelson, du groupe de rap Alaclair Ensemble, fonde la République du Bas-Canada sur le territoire du Québec. Toutefois, en 2075, la République impose des normes restrictives qui sont aliénantes pour sa population. Annabelle et son ami Zack vont s’attaquer au pouvoir en place en s’en prenant au PDG le plus en vue du Bas-Canada : Joey Money. Zack rêve de la Révolution tranquille et Annabelle, de révolution intranquille.

La pièce est librement inspirée de l’univers du groupe de musique Alaclair Ensemble. On y découvre une culture bas-canadienne où le verbe est aiguisé et la répartie, foudroyante, comme si les échanges quotidiens étaient devenus des rap battles.

L’œuvre cherche à amener les gens dans l’état d’esprit qu’ils ont lors des soirées enivrantes où ils osent imaginer un avenir différent. La République hip-hop du Bas-Canada, c’est une fête et une révolution en même temps, rien de moins.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Un appel à la fête et au soulèvement
La République hip-hop du Bas-Canada est un spectacle plutôt déjantée qui invite à la fête et à la contestation. Tout débute à 19h 15, alors que la pièce débute à 20h, par un rassemblement dans la salle où la bière est offerte contre rémunération. L'esprit est à la fête, les discussions fusent et les rencontres, fortuites ou pas, se multiplient. Une entrée en la matière qui met la table à un soulèvement qui mettra en opposition les riches et, disons, les moins riches. Ces exploités qui n’ont de contrôle sur rien ou si peu.

La scénographie fait appel à une scène centrale où le public se retrouve en frontale. Deux clans qui assisteront au combat. Les protagonistes, le grand patron et la rebelle issue du peuple s’affronteront ultimement sur cette scène qui tient de l’arène de boxe. Combat qui sera une bataille de raps (rap battle).

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Des mots au front
Les extraits et les citations de diverses personnalités pullulent dans ce spectacle assurément poétique. L’art oratoire s’y déploie de belles manières. Dominique Sacy, l'auteur, avec l’aide involontaire de nombreuses personnalités, déploie un grand art avec des jeux de mots savoureux et bien dosés. Les emprunts ratissent large, et ce n’est pas un défaut, bien au contraire, de Jean Chrétien à Kanye West, en passant par Céline Dion et Gaston Miron, la sélection est vaste et, parfois, fort drôle. Cependant l’utilisation de nombreux anglicismes nuit à la compréhension des spectateurs plus âgés qui ne sont pas toujours au fait des termes les plus récents.

Si le spectacle est résolument destiné aux jeunes générations, il rejoint tout de même les autres groupes générationnels.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Un air de révolte 
À sa manière, La République hip-hop du Bas-Canada souffle sur les braises encore bien chaudes d'une révolte qui gronde depuis un certain temps déjà. Une révolte qui s'avère nécessaire alors que tout est morose et que les rêves sont à la dérive, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui.  

C’est une révolution en attente qui ne demande qu’à exploser ou éclater dans un monde où il n'y a pas de véritable espoir de changer le mode de vie actuel. Et puis, le monde meilleur est-il possible? La question se pose dans le spectacle alors que la mère d'Annabelle désespère d'une révolution qui ne s'est pas matérialisée. Elle fait le constat, bien triste, que les révolutions du passé ne se sont pas réalisées. Il y a du désespoir dans ce discours mais, en même temps, une bonne dose d'espoir. Peut-être que c'est encore possible et qu'on pourra en réaliser de nouvelles. Les générations passent et les rêves ne disparaissent pas totalement. Ils sont là. En attente d'une nouvelle garde qui les portera bien haut à son tour.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Une distribution qui maîtrise l’art de la dissertation 
Dans ce spectacle, le verbe est haut et la distribution maîtrise l’art oratoire à la perfection. Il y a bien quelques accrocs ici et la, mais les performances oratoires sont de hauts niveaux. Le verbe coule et roucoule. Le rythme est maîtrisé à la perfection et la poésie en jette. Elle est délectable même. Dominique Sacy utilise une lexique de feu ou la qualité poétique du rap s’offre de belles manières.

La République hip-hop du Bas-Canada est un spectacle déjantée, drôles par moments, festif certainement. La révolte n’y est pas douce, tragique même, mais elle est rappée de belles façons. L’environnement musical et l’éclairage offrent un enrobage feutré où la hargne sous-jacente à la révolte se déploie doucement et est superbement mise en valeur.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Du théâtre dynamite
Ce spectacle propose du théâtre dynamite. Un théâtre hors des sentiers battus qui explose, à sa manière, les codes du théâtre. Ce n'est ni une soirée festive, ni du théâtre, ni un combat rappé (rab battle), ni une comédie musicale rap mais un mélange de tout ça. Une sorte de méga fête où les questionnements fusent et la colère gronde. Une ambiance festive où, malgré la noirceur, la lumière est encore possible.

Allez-y surtout si vous aimez: le théâtre qui s'éclate, les prises de position osées, voir les codes brisés, l'esprit révolutionnaire, la fête et la bière.

Jusqu'au 21 octobre à Premier acte. Avec Samuel Bouchard, Carmen Ferlan, Myriam Lenfesty, Marc-Antoine Marceau et Vincent Paquette. Un texte de Dominique Sacy. Une mise en scène d'Émile Beauchemin.

Les Enfants du paradis est un blogue qui s'intéresse au théâtre, à la danse et au cirque de Québec. Vous y trouverez des critiques, des informations concernant les lancements de programmation ainsi que des nouvelles d'actualité. Un blogue à consulter régulièrement.

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