mardi 13 novembre 2018

Baby-sitter: au peigne fin

Baby-sitter passe au peigne fin la misogynie du quotidien. Celle qui s'immisce dans les lieux de travail comme dans la vie de couple ou lors d'une rencontre entre amis. Tous les pièges, et ils sont nombreux, sont décortiqués sur un ton badin. Un peu trop... peut-être!

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Synopsis (tiré du site web du théâtre)
Habituée à donner une place particulière aux personnages féminins nouveaux et dérangeants, la compagnie Théâtre Catfight propose ici une comédie grinçante qui plonge le public au coeur d'une réflexion sur le féminisme et la misogynie latente.

À une époque où l'égalité entre les sexes est sur toutes les lèvres, où chacun cherche à prendre sa place, homme ou femme, comment le couple réussira-t-il à trouver son équilibre? Quelle est la place des hommes dans le mouvement féministe et dans les débats qu'il provoque? Mais surtout, comment survivre à ces débats sans se perdre soi-même?

Cédric perd son emploi suite à une blague sexiste devenue virale sur Internet. Épaulé par son frère, un journaliste vedette qui dénonce fortement la misogynie, Cédric entame l'écriture de Sexist Story, un livre-témoignage pour purger son propre machisme. Nadine, copine dudit misogyne, exaspérée par l'introspection de son chum, se tournera plutôt vers la baby-sitter aux jeux thérapeutiques... étonnants.

Je suis tough avec lui parce que c'est mon frère pis que je l'aime.
Pis un moment donné les choses sont pas toujours juste circonstancielles...
L'inconscient, ça existe. Pis si y a un inconscient de douche-bag,
ben y serait temps qu'y s'en occupe.

Profond questionnement
La misogynie est partout et omniprésente. Elle guette chaque parole et chaque geste. Le questionnement soulevé par Catherine Léger est fort intéressant. L'auteure fouille et trifouille la question. Elle n'offre pas de réponses mais soulève beaucoup de questions.

Il en ressort malheureusement une impression de cul-de-sac. Une sorte d'impossibilité de se sortir du dilemme tant chaque geste posé, chaque réflexion est toujours et irrémédiablement misogyne. L'homme que je suis, loin d'y trouver des éléments de réponse, est sorti de la salle dans un état d'incompréhension et avec une grande question: est-il possible de ne pas être misogyne?

Joyeuse comédie
Si le sujet est sérieux, le traitement lui est jouissif. Après un départ un peu poussif, la comédie grinçante se pointe le nez entre un moment de malaise et de rédemption. Comédie de situation autant que comédie dont le rire fuse d'un texte finement ciselé, Baby-sitter nous lance en pleine face nos moments les plus risibles. Ceux qui sont un miroir de nous-mêmes.

Il faut voir certains des costumes et, disons, certains accessoires, qui font des discussions les plus banales, ou peut-être pas tant que ça, des moments de grande hilarité. Le rire est franc et parfois plutôt jaune.

Utiliser le rire permet de faire passer plus facilement un sujet plus difficile. Cependant si on rit beaucoup devant Baby-sitter, le ton badin a comme effet de n'effleurer que les questionnements soulevés. Le sujet aurait mérité une plus grande analyse. Et ici, plus la pièce progresse, plus l'effet comique efface la réflexion profonde. Le spectateur en conserve un bon souvenir tout de même mais disons que la réflexion est diluée.

Le texte se composant de nombreuses saynètes demandent de nombreux noirs. Une situation un peu agaçante qui dérange par moment. Le rythme bien installé tombe ainsi que le plaisir du spectateur. Problème mineur tout de même.

Savoureux personnages
Les deux frères, chacun étant ridicule à sa manière, sont magnifiquement campés par Steve Laplante, impayable dans le rôle du frère imbu de lui-même et confiant à outrance en ses capacités, et David Boutin, magnifiquement maladroit dans sa recherche de pardon.

La gardienne d'enfants, qui est une sorte de psy spécialisée dans les jeux de rôles et qui n'a de cesse que de faire plaisir aux autres, est interprétée par une surprenante Victoria Diamond. Quand à Isabelle Brouillette, elle campe une drôlissime mère en quête de personnalité.

Les personnages féminins sont très certainement les plus drôles bien que les personnages masculins, en constant questionnement, savent tout de même mettre leur grain de sel comique dans l'histoire.

Allez-y surtout si vous aimez: les comédies grinçantes, les questionnements existentiels.

Au Périscope jusqu'au 24 novembre. Avec David Boutin, Isabelle Brouillette, Victoria Diamond et Steve Laplante. Un texte de Catherine Léger. Une mise en scène de Philippe Lambert.

Vous voulez en savoir plus sur le spectacle? Écoutez notre interview avec Catherine Léger ici (au tout début de l'émission du 5 novembre

Bon théâtre et bonne danse!  
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