jeudi 11 novembre 2021

Fond de rang: crises d'identité

 Premier acte propose à son public un spectacle qui s'intéresse aux relations humaines en abordant des interrogations sur l'orientation sexuelle et l'identité. Crises existentielles et questionnements au menu.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Synopsis (tiré du site web de Premier acte)
Fond de rang, c’est l’histoire de gens qui tentent d’exister sous le regard insistant des autres. C’est un homme qui revient dans ce petit univers isolé, l’espace de quelques nuits, juste le temps de reprendre ce qu’il avait laissé derrière lui. C’est une petite maison laide où, lorsqu’on sort, ce sont le vent et les champs en friche qui prennent toute la place.

Là-bas, tout y est plus tangible : la poésie comme les malheurs.
Là-bas, le regard va plus loin.
Là-bas, le ciel est encore le maître de l’horizon.

Fond de rang, c’est un désir de révéler des identités enfouies depuis trop longtemps dans les terres du Lac-Saint-Jean.

J’étais sur le pont Saint-George avec Gamache. C’était fin février, début mars. On regardait le monde qui venait chercher sa cabane. La saison était finie. Une fois la cabane partie, y reste un rectangle s’a glace, la marque de y’où la cabane était tout l’hiver. Sur la trentaine de rectangles que je voyais, y avait pas une seule cabane qui avait un trou pour pêcher. Le monde, y va pas là pour pêcher. Y s’cache, y est ben.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Crises d'identité
Si la proposition semble prometteuse à l'origine, elle n'offre ni réponse, ni constat. Que des interrogations qui flottent et qui sont laissées en suspens. Il se dégage au final une impression floue, qu'il manque quelque chose au spectacle. Une impression de vide. Pas de réponses, que des questions. Sans doute parce que les personnages sont dans un vide identitaire et qu'une heure vingt de spectacle ne peut solutionner les dilemmes profonds qu'ils vivent. 

Cette impression de vide, de manque constitue en quelque sorte une suite logique au drame intérieur des personnages. Les questionnements soulevés se transposent dans la salle. Les conflits irrésolus vécus par les protagonistes amènent le spectateur à se questionner à cet égard. Suis-je à l'aise avec mon identité? Est-ce que je sais vraiment qui je suis? Et, surtout, est-ce que je l'accepte ou est-ce que je refoule une identité que je n'ose avouer?

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Scénographie minimaliste
La scénographie minimaliste proposée par Gabriel Cloutier-Tremblay traduit très bien la crise existentielle qui afflige l'ensemble des personnages et cette impression de vide intérieur. Une crise qui frappe fort. Une définition de soi qui occupe chaque instant, qui questionne chaque geste, chaque pensée. 

Une scénographie épurée. Vaste. Remplie de blocs rouges étagés. Les lieux sont suggérés. L'espace est vide de tout objet ou accessoire. Tout est possible sans véritable existence. À la manière de ces sentiments, ces émotions refoulées. Ils existent mais ne sont pas montrés, vus. Ils pourraient donc exister. Un jour... ou jamais.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Si le jeu des comédiens n'est pas tout à fait à point au début de la production, ils se reprennent de belles façons une fois les dix ou quinze premières minutes écoulées. On apprécie alors la finesse du jeu et l'étendue de leur talent.

Aura de mystère
Il y a une aura de mystère qui plane dans cette pièce. Les premières minutes du spectacle questionnent. La mise en situation entraîne le spectateur dans un univers où les relations amoureuses et sexuelles baignent dans un flou artistique. Il faut un bon moment avant de saisir et de comprendre où chacun se situe. Et même après le flou persiste.

Il s'agit donc bien d'une quête identitaire. Une recherche qui ne se fait pas sans heurts. Tous souffrent. À un moment ou un autre. Les blessures sont celles du présent. Mais aussi celles du passé. Elles ne se sont jamais vraiment refermées. La quête identitaire n'est est donc que plus ardue, voire presque impossible. 

Fond de rang ressemble à une quête inachevée qui se termine lors d'un repas de Noël en février où aucun protagoniste ne sortira gagnant. Le mal de vivre qui les habite ne trouvera pas de véritable exutoire. La guérison n'est pas au bout de la route.

Allez-y surtout si vous aimez: les questionnements identitaires, la scénographie hors des sentiers battus.

Jusqu'au 20 novembre à Premier acte. Avec Sylvie Cantin, Samuel Corbeil, Marie-Ève Lussier-Gariépy et Vincent Nolin-Bouchard. Un texte de Vincent Nolin-Bouchard. Une mise en scène de Lucie M. Constantineau.

Les Enfants du paradis est un blogue qui s'intéresse au théâtre, à la danse et au cirque de Québec. Vous y trouverez des critiques, des informations concernant les lancements de programmation ainsi que des nouvelles d'actualité. Un blogue à consulter régulièrement.

Bon théâtre, bonne danse et bon cirque!
Suivez-nous quotidiennement sur Twitter: @Enfantsparadis et @Rob_Boisclair

Aucun commentaire:

Publier un commentaire