vendredi 12 novembre 2021

Foreman: pur bonheur théâtral!

 Un quintette de choc et une mise en scène vivifiante font de Foreman un spectacle qu'il ne faut manquer sous aucun prétexte.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Synopsis (tiré du site web du Périscope)
Œuvre de l’année 2019 dans la Capitale-Nationale, Foreman propose une réflexion sur le malaise identitaire de l’homme actuel. Deux fois récompensé pour le prix du Meilleur texte, le témoignage de Charles Fournier fait rire autant qu’il percute sans dentelle. Avec justesse et sensibilité, l’auteur, inspiré de son expérience sur les chantiers de construction, met à l’épreuve les bases d’une masculinité toxique pour en abattre les limites.

Une gang de gars, amis sans qu’on sache trop ce qui les relie, se retrouvent sur une terre à bois après un départ tragique. Ensemble, ils trouvent la force de s’entraider et de laisser place à cette vulnérabilité insidieuse qui les menace. Entre règlements de compte, débordements virils, confidences et niaiseries, cette soirée entre chums aborde avec humour et profondeur la difficulté à s’exprimer, les rapports de force inévitables dans un groupe d’hommes et la beauté de la fraternité.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

T'es pas tanné l'gros!
Ce ver d'oreille qui parsème le spectacle résume assez bien le dilemme dans lequel se retrouve ce groupe d'amis. Ils sont quatre mecs construits à la dure et à la masculinité qui s'exprime par la domination. Celle du plus fort. Celle de celui qui pisse le plus loin. Dans cette construction de façade, ils étouffent mais ils sont incapables de le dire. Pris au piège, ils se débattent comme ils peuvent. T'es pas tanné l'gros d'être pris dans ce carcan. Il est peut-être temps que tu trouves le moyen de t'en sortir.

Charles Fournier, auteur et narrateur, déconstruit le mythe de la masculinité imposée d'habiles façons. Il la démantèle avec un humour savoureux mais très révélateur. S'il n'est pas d'accord avec ces experts de la masculinité toxique, il dépeint avec tendresse ces hommes mal dans leur peau et les rend sympathiques. Ils sont beaux malgré leurs défauts même si on a envie de les voir changer. De les voir s'ouvrir et de laisser parler leurs émotions. Le spectateur à envie de sauter sur scène pour les brasser et de dire à chacun: t'es pas tanné l'gros d'être mal à ce point.

Une brèche est ouverte
Ces quatre hommes sont pris dans une spirale qui ne leur convient pas. Chacun à sa manière tente de s'en défaire sans vraiment remettre le modèle en question. Après des millénaires à être dans une forme rigide de masculinité, il est bien difficile de sortir du moule ou de le casser.

L'auteur a ouvert une brèche. Son spectacle ouvre un dialogue. Cette masculinité avec laquelle j'ai toujours eu de la difficulté à m'identifier prend vie sur scène et m'aide à m'en distancier plus facilement. À mieux comprendre mes pairs qui s'y enlisent irrémédiablement. C'est un début de redéfinition de l'homme. Une sorte d'homme 2.0. Fini la masculinité de façade!

Merci Charles Fournier d'exprimer tout haut des sensations refoulées, des sentiments enfouis dans les profondeurs de la masculinité. 

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

Un quintette de choc
La critique du modèle est douce et pleine d'humour. Peut-être un peu trop d'ailleurs, empêchant de bien voir le problème par moments. Beaucoup de douleurs et de souffrances se cachent sous la carapace de ces hommes et l'humour les masque. Et évite de bien voir ce qui ne va pas. L'attaque n'en est pas moins forte mais elle s'efface derrière cet humour qui brime la transformation qui pourrait s'opérer. La réflexion est toutefois bien amorcée et je rêve du jour où masculinité et virilité ne seront plus un duo indissociable. 

Le jeu dynamique de ce quintette fort efficace et complice ainsi que la mise en scène vibrante en duo masculin/féminin rendent ce spectacle magnifiquement séduisant. Le bonheur est au rendez-vous dès les premières secondes et ne nous quitte pas jusqu'à sa dernière. Un bonheur dont il ne faut pas se priver!

Les comédiens sont excellents et le bonheur d'être sur scène transparait à chaque seconde. Steven Lee Potvin offre l'une de ses meilleures prestations. Ses acolytes ne sont pas en reste avec des interprétations de grande qualité. Charles Fournier a déjà dit que l'écriture de Foreman lui est venue parce qu'il n'avait plus envie de crier. Le quatuor qu'il s'est adjoint hurle de magnifique façon et transporte splendidement le message.

La mise en scène à quatre mains fait usage de belle trouvailles pour nous emmener dans l'univers tordu des protagonistes. Je pense à ce ruine-bédaine, il faut voir le spectacle pour comprendre, à ce quatuor de casques de construction musicaux ou encore à ce vieux bolide que les gars utilisent puis déconstruisent pour transformer l'usage de certaines de ses pièces. Comme quoi, il est possible de faire du nouveau avec du vieux. Belle allégorie de la transformation possible d'une masculinité toxique à une masculinité 2.0.

Crédit photo: David Mendoza Hélaine

À voir!
Une critique de la masculinité remplie d'amour. Sans méchanceté, les pendules sont remises à l'heure. Le décompte est commencé et c'est pour le meilleur de l'homme. Merci les gars!

Allez-y surtout si vous aimez: les performances d'acteurs, les spectacles dynamiques, les regards tendres sur la masculinité, les mises en scènes vivifiantes.

Jusqu'au 27 novembre au Périscope. Avec Pierre-Luc Désilets, Miguel Fontaine, Charles Fournier, Steven Lee Potvin et Vincent Roy. Un texte de Charles Fournier. Une mise en scène d'Olivier Arteau et Marie-Hélène Gendreau.

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