mercredi 20 septembre 2023

Bouillonnements au féminin (Critique: Avant l'heure mauve)

Ça bouillonnait sur la scène du Périscope hier soir. Des voix féminines lancent un cri du cœur, la colère doit se faire entendre. Pari réussi?

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Ici, y'a de mon sang dans chaque parcelle de terre
Avant l'heure mauve est un thriller western féministe du théâtre À pleins poumonsMarie-Hélène Lalande et Sophie Thibault sont à la mise en scène alors que Maude Bégin-Robitaille en est l'auteure. 

Une guerre sanglante ravage l’arrière-pays et les bêtes se meurent dans les champs. Dans un ranch aux confins du désert, six femmes, piliers de leur communauté isolée, se voient offrir la chance de changer le cours de l’Histoire quand le Général, homme de guerre sans pitié, se retrouve ligoté au beau milieu de la grange de Margot Hutson. L’espace d’une nuit, elles détiennent le pouvoir suprême: celui de vie ou de mort sur cette figure emblématique d’autorité. Dans ce huis clos haletant inspiré des codes du western, les apparences sont souvent trompeuses: les masques tombent, les jeux de pouvoir et d’alliances se précisent. La colère des femmes gronde à l’heure des choix. - Synopsis de la pièce tiré du site du théâtre.

Colères et bain de sang
La colère contenue et la souffrance de ces femmes blessées s'expriment dans un espace à la western spaghetti. Dès l'entrée en salle, la scénographie nous plonge dans l’ambiance et l’univers de ces vachers (cowboys) qui meublent notre imaginaire. Des balles de foin, des toiles, des échelles et beaucoup, beaucoup de foin. On voit presque les petits ballots virevolter dans le vent.

Comme tout bons western les vachères (cowgirls) se confrontent, se toisent, se menacent et s’entretuent. Les duels physiques et les affrontements verbaux pullulent. La tension est palpable mais malheureusement sur un seul ton, celui de la colère. Les coups bas volent mais la montée de tension n’est pas toujours au rendez-vous.

Le kidnappé, le Général, est le vers dans la pomme, celui qui fait que les vachères s’en prennent les unes aux autres.  Une histoire de vengeance et de trahisons qui connaît des hauts et des bas et qui se terminera dans un bain de sang. Une histoire quelque peu longuette. Mon voisin de siège a d'ailleurs jeté un œil à sa montre à quelques reprises d’ailleurs.

Habile mise à nue de voix féminines
Si la prémisse est intéressante et, ma foi, intrigante, le déroulement souffre de quelques faiblesses. Après une ouverture très prometteuse alors que l’on est plongé en plein générique d’un western spaghetti avec sa musique à la Ennio Morricone. Les protagonistes apparaissent les unes après les autres. De la pénombre chacune est soudainement éclairée pour rapidement céder à place à une autre qui apparaît et disparaît de la même façon. Une très agréable ouverture qui mets la table pour un spectacle dans le plus pur style des westerns des années 60-70.

L'auteure réussit une habile mise à nue de voix féminines. Les rêves brisées, les pertes, les inquiétudes sont bien amenées et chacune exprime sa frustration. Le discours est brut et dur par moments. Cet intéressant discours se perd  dans des discussions qui s’étirent et dans une complexité qui nuit à la compréhension des revendications sous-jacentes. Tout ça cumule dans une deuxième partie où l'action se fait plus dense. Le dénouement risque d'en laisser quelques-uns perplexes. Cela semble avoir été le cas hier soir alors qu'un long moment d’attente dans le noir précédait les applaudissements. 

Soulignons le travail des comédiennes et du comédien qui, dans un espace ouvert, réussissent à nous faire croire à leur personnage, leur insuffler une personnalité forte et à nous les faire aimer.

En terminant, je vais reprendre ici les mots de la metteuse en scène, ce spectacle est sans doute un peu hors-la-loi. Un peu à l'écart de ce qui se fait habituellement mais un spectacle qui bouscule à sa manière et ça, c'est une grande qualité. Ne serait-ce que pour cela, il vaut la peine d'être vu.

Allez-y surtout si vous aimez: les cris du cœur, les westerns spaghettis revisités, les performances de comédiennes et comédiens, les huis clos, les spectacles hors-la-loi.

Jusqu'au 7 octobre au Périscope. Avec Érika Gagnon, Odile Gagné-Roy, Angélique Patterson, Catherine Côté, Marie-Hélène Lalande, Sophie Dion et Nicolas Létourneau. Un texte de Maude Bégin-Robitaille. Une mise en scène de Marie-Hélène Lalande avec la collaboration de Sophie Thibeault.

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