mercredi 14 février 2024

La vie comme un combat de boxe | Critique: Bitch Boxer

Même si Bitch Boxer présenté à Premier acte s'intéresse au deuil et à son acceptation, il propose en cours de route une remise en question intéressante du concept de féminité.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis


Le spectacle en quelques mots
Une fille qui boxe. Rien d’extraordinaire. Et pourtant, il y a 11 ans, aucune femme n’était encore montée sur le ring de toute l’histoire des Olympiques. Chloé Jackson réussira-t-elle cet exploit?

Nous sommes à Londres, en 2012, quelques mois avant les jeux d’été. Chloé compte bien faire partie de la première cohorte de femmes à prendre part à la compétition. Forte et caractérielle, elle n’a besoin de personne pour réaliser ses rêves. Même la mort de la personne la plus importante de sa vie, son père, ne l’empêchera pas d’y arriver.

Bitch Boxer n’est pas une pièce sur la boxe. La boxe n’est qu’un prétexte pour parler du deuil, de l’acceptation, de l’effondrement, de la vulnérabilité. Et pour parler d’amour. Le plus grand combat de Chloé ne se livrera pas sur le ring, mais sera plutôt celui qui l’amènera à rechercher sa place dans un monde où elle a perdu tout repère.


La vie comme un combat de boxe
À l'arrivée des spectateurs, les protagonistes sont sur scène et s'entraînent, prélude à un combat de boxe qui est aussi un combat pour la vie. Celle de Chloé, endeuillée, qui livre un combat beaucoup pour son père mais, aussi, un peu contre sa mère. La boxe n'est qu'un prétexte pour affronter ses démons. Sans doute plus pour étouffer les douleurs émotionnelles qui la tenaillent. Le combat ne sera pas sans heurts. 

Tout ça se passe sur une scène au décor tout simple. Les spectateurs se retrouvent de chaque côté de ce qui sera tantôt un gym, tantôt un arène de boxe. Un lieu meublé de bien peu de choses, toutes essentielles au déroulement de l’action. Le combat sera donc celui d’une actrice, secondée de deux autres comédiens, et d’un texte qui s’intéressent au deuil et à une certaine forme de rage de vivre, de s’exprimer et d’être quelqu’une.


Samantha Clavet incarne Chloé, femme fragile à la résistance inflexible et dotée d'une détermination féroce. La comédienne fait preuve d'une force physique et mentale pour interpréter Chloé, personnage d'une sincérité émotionnelle et expansive.

Ce personnage captivant pourrait être plus attachant, même s'il n'est pas aussi abrasif qu'il pourrait l'être. La performance de Samantha Clavet, laisse le spectateur quelque peu sur son appétit. Le ton utilisé, le même soit dit en passant que dans la version originale anglophone, ne permet pas de laisser passer toutes les subtilités de l'émotion du personnage. Le spectateur a l'impression d'assister à un long discours où vulnérabilité et rage se confondent dans un plaidoyer sur le deuil, fort pertinent par ailleurs.

Parlant à cent à l'heure et se déplaçant tout aussi vite, le physique de Samantha Clavet en tant que Chloé est celui d'une combattante hyperactive, d'une personne qui n'abandonnera jamais et ne cessera jamais de se battre. Au bout d'un moment, cette énergie ininterrompue, avec peu de répit, réclame un moment de silence, une chance de respirer. Heureusement, cela se produit à quelques reprises. Mais, comme mentionné précédemment, certaines émotions intérieures sont cachées par cette intense danse.

Malgré cela, Samantha Clavet donne vie à Chloé de belles manières. Elle s'immerge dans le personnage, le possède entièrement, exprime bellement ses angoisses, ses peurs et sa difficulté de vivre. 


Un brin de comédie et une remise en question 
Il y a dans ce spectacle, un physique réaliste d'une athlète de la boxe et une certaine doses d'émotions mais également un brin de comédie. De la comédie rafraîchissante, dans un spectacle qui pourrait être bien lourd, mais pas toujours pleinement assumée.

Bitch Boxer remet en question la conception de la féminité: il y a une scène fantastique dans laquelle, après de nombreux moments d'exercices et de combat endurcis, Chloé se lance dans une danse dans un club. Dans son short de sport et ses chaussures de boxe, elle saisit les mouvements de hanche fluides et la séduction exagérée d'une jeune femme dansant avec des amis dans un club. Le duo de comédiens de soutien ajoute de la force à cette scène.

Le travail d’éclairage et les choix musicaux et sonores traduisent bien l'émotion, le milieu familial et l'âge de Chloé. Mais au-delà des choix, la précision de l'éclairage et des signaux musicaux rendent le spectacle vivant et créent l'ambiance.


Chloé triomphe
Les personnages et le scénario, une jeune fille abrasive qui fait face à une blessure émotionnelle en se cachant et en faisant semblant, ne sont pas révolutionnaires. Parfois trop bruyantes, les blagues peuvent elles aussi frôler l'abrasif. Cependant, le travail de Samantha Clavet et la sympathie authentique du personnage surmontent ces écueils et, à la fin, Chloé triomphe, dans un dénouement qui permet d'espérer.

Allez-y surtout si vous aimezla boxe, les mises en scène dynamiques, les remises en question, la réflexion sur le deuil.

Jusqu'au 24 février à Premier acteAvec Anne-Virginie Bérubé, Charlie Cameron-Verge et Samantha Clavet. Un texte de Charlie Josephine traduit par Samantha Clavet. Une mise en scène d'Hubert Bolduc.


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