dimanche 2 juin 2019

Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l'irrémédiable: magnifique Pascual!

Une interprétation forte d'Alice Pascual, un texte superbement structuré et une mise en scène efficace font de ce spectacle un événement à ne pas manquer! Malheureusement, il n'est plus à l'affiche (il n'était présenté que deux fois). Ne le manquez surtout pas s'il part en tournée.

Une critique de Robert Boisclair
Twitter: @Rob_Boisclair et @Enfantsparadis
Crédit photo: Zoé Rioux
Synopsis (tiré du site web du Carrefour international de théâtre de Québec)
Traumatisée par la tuerie perpétrée à Sandy Hook en 2012 et préoccupée par la sécurité de l’école qu’elle juge inadéquate, une enseignante du primaire décide de préparer les élèves de son groupe à l’éventualité d’une fusillade.

Le public prend place dans un espace qui fait office de salle de classe. Directement interpelés tout au long de la pièce, les spectateurs assistent à une leçon de survie qu’ils ne sont pas près d’oublier…

Professeure compétente et imaginative, Madame Catherine adopte de multiples stratégies pour susciter l’intérêt de ses élèves : marionnettes, masques, chanson, jeux participatifs, dessins, elle déploie tous les moyens possibles pour les sensibiliser au danger qui les guette.

Tantôt douce et aimante, tantôt lucide et menaçante, Madame Catherine, en proie à son obsession, s’enfonce de plus en plus dans la paranoïa et sombre dans l’excès. Dans le rôle de cet être complexe, paradoxal et perturbé, Alice Pascual, seule en scène, est absolument magistrale.

Avec la gravité du sujet, l’état psychologique fragile du personnage et les procédés ludiques employés tout au long de la leçon, Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l’irrémédiable navigue entre le comique et le tragique, entre la candeur de l’enfance et la rudesse du monde actuel et entraîne dans des montagnes russes d’émotions. De cette œuvre choc, évocation explicite et troublante du discours soutenu par certains dirigeants politiques, surgit une réflexion lucide et nécessaire sur les dérives de la peur. Et le public, face à ses propres angoisses, s’y confronte avec un rire tantôt franc tantôt grinçant.
Crédit photo: Zoé Rioux
«Montagne russe d'émotions»
Cette citation d'Alice Pascual, l'actrice principale de cette pièce, résume bien ce qu'est Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l'irrémédiable. Très bien construit, le texte amène le spectateur dans la tête de cette enseignante qui, bien qu'elle veuille le meilleur pour ses élèves, transmet ses craintes et alimente le climat de peur jusqu'à devenir l'incarnation même de cette peur.

Chaque scène est presque dans un style de théâtre différent :
il y a du jeu masqué, de la marionnette, du théâtre participatif, du rap, du jeu vrai, intime…
C’est une montagne russe d’émotions.
Alice Pascual, Le Devoir, 24 mars 2018

La mise en scène efficace de Jon Lachlan Stewart et la scénographie sobre, un tableau noir, un bureau, un meuble d'appoint et quelques accessoires supplémentaires, participent grandement au climat de peur qui s'installe graduellement entre l'enseignante et ses élèves. Ambiance qui gagne la salle puisque celle-ci devient la salle de classe.

Alice Pascual interpelle régulièrement la salle en tant qu'élève de diverses manières. Les deux premières rangées sont identifiées au nom des élèves de la classe. Elle incite la salle à participer de différentes manières. Le mur n'existant plus entre la scène et la salle, la complicité salle/scène est donc grande. Cette complicité demande également à l'actrice d'affronter l'inattendu, de réagir à ce qui se passe dans la salle et aux réactions du public, qui furent nombreuses lors de la représentation à laquelle j'ai assisté. La comédienne est donc dans une zone de danger qui contribue certainement au succès du spectacle. 
Crédit photo: Zoé Rioux
Superbe Pascual!
Alice Pascual est superbe dans le rôle de cette enseignante au bord de la crise de nerfs. Elle interprète magnifiquement ce moment de basculement où la folie triomphe de la raison. Ce moment charnière où le citoyen ordinaire devient terroriste. C'est bien de cela qu'il s'agit ici. Une réflexion sur cette transformation entre l'individu rationnel et celui qui finit par croire à ses lubies.

Alice Pascual, au travers de son personnage, nous amène doucement dans son univers quelque peu tordu où les complots et les croyances prennent toute la place. Le spectateur croit à ses lubies. Et cela avec des techniques toutes simples: participation du public, raps, compliments adressés à ses élèves qui sont en réalité les spectateurs. Inquiétant et... éclairant. Le processus qui transforme un bon citoyen en terroriste potentiel est bien mis en évidence ici. Il est tout simple et il fonctionne. En voulant le prévenir, elle alimente le climat de peur. Et une fois que le feu est mis, il brûle ce qui l'entoure. À force d'entendre un discours, on finit par l'assimiler, l'intégrer, y croire et puis, pour certains, poser le geste fatidique.

De par sa magnifique performance, elle inscrit dans nos esprits des moments de théâtre qu'on n'oublie pas de sitôt. Elle incarne sans faux pas et avec intensité une Madame Catherine qui vacille, qui reprend ses esprits mais qui finit pas céder à ses lubies. Elle joue merveilleusement bien sur la fine ligne qui sépare la lucidité de la folie, la tendresse de l'hostilité, le bonheur de la souffrance. Une remarquable et énergique performance.
Crédit photo: Zoé Rioux
Ce spectacle a été présenté dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec. Un texte de  Elene Belyea. Avec Alice Pascual. Une mise en scène de Jon Lachlan Stewart.

Bon théâtre et bonne danse!
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